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Double suspension,
dite à huit ressorts
Inventée par l’anglais Windus, en 1818, la double suspension, dite à huit ressorts, offre un confort incomparable qui la fera utiliser dans les versions les plus luxueuses des berlines, des coupés et, bien évidemment, des calèches, comme ci-dessous « La calèche crème ». Celle-ci fut offerte, par sa mère, à la reine Wilhelmina des Pays Bas, à l’occasion de son couronnement, le 6 Septembre 1898. (Voir détail de sa restauration par la maison Stolk sur ce lien: calèche crème.)
La définition de la suspension d’une voiture montée à huit ressorts semble évidente à tout meneur; train à flèche à double suspension comprenant des ressorts en C superposés à des ressorts elliptiques (à pincettes). Cette définition demande à être précisée..
De fait, ce montage n'est pas le seul à avoir été utilisé. Pour les voitures plus lourdes, les ressorts à pincettes sont remplacés par une barre de fer dans la partie supéreure et d'un ressort ordinaire dans la partie inférieure.
« Cette voiture présente une nouveauté qui fait date dans la carrosserie. Nous voulons parler du montage qui est à huit ressorts ou à double suspension. Jusqu’ici, les ressorts en C étaient fixés sur le train, qui reposait directement sur l’essieu et qui, par suite des chocs et des cahots de la route, se disloquait très rapidement. Un carrossier de Londres, Windus, eut l’idée, en 1818, d’intercaler entre l’essieu et les bois du train des ressorts à pincettes, disposition qui rendit ainsi la voiture plus souple, plus douce, plus élastique, et, par suite plus durable. Ces ressorts à pincettes constituent encore une innovation, en ce sens que la pincette supérieure est formée d’une simple barre de fer qu’on appelle « Jambe de force », tandis que l’inférieur l’est de plusieurs feuilles d’acier, comme dans les ressorts ordinaires ; une double pincette véritable serait trop élastique et donnerait trop de balancement transversal. »-Compte rendu exposition centenale 1900-
Dans une double suspension, le terme de ressorts à pincettes n'est donc qu'une nomination d’usage pouvant représenter un véritable ressort à pincettes ou un ressort à jambe de force.
« Les ressorts à jambe de force sont composés d’un ressort à rouleau fixé sur l’essieu et surmonté d’une jambe de force en fer; une jumelle laisse la liberté de mouvement au ressort d’essieu. »-Compte rendu exposition universelle 1878-
Nous retrouvons également ce montage sous cette appellation dans les catalogues de pièces détachées dont ceux de la célèbre maison "Lemoine"
Si l'invention de la suspension huit ressorts date en Angleterre de 1818, sa période de développement en Europe va correspondre à celle des ressorts à pincettes (fin des années 1820, début des années 1830). Si les premiers modèles réalisés ont utilisé des ressorts à pincettes classiques, leur manque de rigidité et donc de stabilité transversale, leur fit préferer, progessivement, surtout pour les voitures lourdes, les ressorts à jambe de force.
Il reste que les constructeurs s'attachèrent à garder au ressort à jambe de force un aspect proche de celui d'un ressort à pincettes classique.
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Cette recherche esthétiqque est bien représentée dans ces dessins de Linkle, en 1837. Vous remarquerez également dans chaque modèle la présence d'une jumelle, caractéristique d'un ressort à jambe de force car permettant une certaine mobilité au ressort d'essieu.
Les jambes de force sont donc réalisées dans une forme courbe et quelquefois ouvragée (ciselée dit Guillon dans la Méthode de l'architecture de la voiture, de 1854) pour s'intégrer à l'esthétique générale de la voiture.
Ces jambes de force pouvaient être "habillées" pour leur donner un aspect lame de ressort. Nous avons eu la chance de pouvoir observer un modèle d'ornementation d'une jambe de force en visitant les ateliers de Luis Alba. Sur ces photos on discerne la jambe de force et son habillage en bois qui vient d'être refait. (Vous pouvez, au passage, apprécier la qualité du travail de restauration).
Cette présentation ne se veut, ni ne se peut, exhaustive. Il y eut de nombreux modèles de ressorts à jambe de force suivant les expérimentations techniques ou le "goût du jour". Voici, en exemple, un montage moins courant ou le ressort d'essieu est plat.
Vous en trouvez des représentations dans ce dessin de berline signé Dinkle en 1837, et sur cette calèche transformable (wourch coll. Kestelot en Gironde)
Mais pour les carrossiers, la conception du ressort à jambe de force n’était qu’un détail par rapport à la difficulté principale qui résidait dans les calculs nécessaires à la réalisation des ressorts en C et, bien évidemment, au règlage des soupentes. Cet extrait du catalogue des Etablissements Lemoine nous montre une vue d'ensemble des pièces du montage à huit ressorts. Vous pouvez remarquer qu'il y avait deux sortes de ressorts en C, différents selon leur utilisation à l'avant ou à l'arrière du véhicule.
Les ressorts en C de devant sont plus bas pour faciliter l'accés au siège. Ceci renforce la difficulté de déterminer la force des ressorts par rapport au poids de la caisse, la position du centre de gravité,... La réalisation d'une voiture montée à huit ressorts bien équilibrée est donc extrémement complexe. Brice Thomas y consacrera, entre autres publications, pas moins de trois numéros du Guide du carrossier de 1863. Il récidivera en publiant, en 1878, une brochure d'étude théorique intitulée "Modifications apportées dans la suspension par le déplacement du centre de gravité dans toutes les voitures munies de soupentes en avant et en arrière" Le dessin de cet article nous montre l'angle optimal devant être donné aux soupentes, en fonction du poids de chaque partie de la voiture à vide et en pleine charge..
Pour les passionnés, nous vous présentons, en pièce jointe à la fin ce cet article, une étude du "Guide du carrossier; GDC", paru en 1864, sur la réalisation d'un coupé Dorsay.
Les voitures utilisant ce type de suspension sont diverses; coupés, berlines, calèches, et furent réalisées par les plus grands carrossiers: Binder, Mühlbacher,.. Nous ne pouvions terminer cet article sans vous en montrer quelques exemplaires provenant des nombreuses collections publiques et privées de nos amis espagnols, grands conservateurs... de la carrosserie anglaise et française!
En France, même si leur nombre en est sûrement moins important, il existe cependant, dans quelques collections publiques et privées, de beaux exemplaires de voitures huit-ressorts signées des plus grands carrossiers.
Comme le montrent ces différents exemples, ce type de suspension a équipé des voitures d'apparat, des voitures de ville, mais également des voitures de voyage.
Texte
Figoli
Photos.
Figoli et courtoisie
Documentation
Catalogue Lemoine (coll Figoli)
Centenales exposition 1900 Paris (coll privée)
Compte rendu exposition 1878 Paris (CNUM arts et métiers)
Guide du carrossier du 15 Octobre 15 Décembre 64 (Coll Figoli)
Voitures hippomobiles de J. L.Libourel
Dessin Dinkle (Coll. H Paggen)
Voitures et carrossiers au XVIII° et XIX° siècle de C Rommalaere
* Note:
L'hypothèse d'une réalisation plus ancienne, en 1815, d'une voiture à huit ressorts par le carrossier bruxellois Van Caudenbergh ne semble pas recevable d'après C. Rommalaere.
Nous remercions Luis Alba de nous avoir autorisé à utiliser les photos de ressorts à jambe de force dans son atelier.
Pièce Jointe.
Plan de construction d'un coupé d'Orsay par Brice Thomas en 1864