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Par figoli
Freins hippomobiles :
« l’enrayoir Leclerc »
Lors de ma visite de son atelier, Dieter Gaiser m’a présenté une voiture entièrement dans son jus, qu’il avait dans ses réserves. Cette wagonnette tonneau présente la particularité d’être équipée d’un double système d’enrayement; composé d’une mécanique classique à vis et bras de levier, complétée par un sabot articulé, également manœuvrable du siège du cocher.
Avant de décrire ce dispositif utilisant un sabot, il est intéressant de définir et de spécifier la fonction du sabot.
A l’origine, le freinage d’une voiture consistait à passer une barre de bois entre les rayons pour bloquer les roues et donc ralentir la voiture en la faisant glisser sur les jantes.
«Enrayer : arrester une roue par les rais en sorte qu’elle ne tourne point, mais qu’elle ne fasse que glisser….passer une pièce de bois entre les deux roues…ou les enlier avec une corde pour empêcher qu’elles ne roulent et retarder leur mouvement à la descente d’une montagne » -Furetière- 1697.
Mettre ainsi une « perche » (nommée « enrayoir ») agissant sur les rais, a donné naissance au terme ; enrayer ( le terme se trouve déjà dans les textes de R Estienne, en 1552, et J Thierry, en 1564). Par la suite, "enrayer" est devenu, dans un premier temps, le terme générique de tout mode de retenue d’une voiture hippomobile s'élargissant ensuite progressivement au freinage de divers dispositifs mécaniques.
Ce moyen radical pouvait entraîner la détérioration des rais ce qui amena l'invention d’autres innovations moins fragilisantes pour la roue, par exemple lier, par une chaîne, la jante de la roue à la caisse.
Un sabot placé sous la roue arrière de la voiture permet également de bloquer la roue en la faisant glisser et ainsi ralentir la voiture.
Le sabot « consiste en une pièce de fer recourbée en avant et portant deux oreilles latérales… Lorsque qu’on veut enrayer la roue, il suffit de placer le sabot en avant de la roue de telle sorte que celle-ci monte d’elle-même sur ce petit traîneau qui continuera le mouvement de la roue en le transformant en glissement. » -Marin Darbel 1923-
Bien que rudimentaire, le sabot fut longtemps l’un des rares moyens fiables de freinage communément utilisé. L’ordonnance de février 1820 rend son utilisation obligatoire pour toutes les entreprises de voitures publiques.
L’utilisation du sabot est cependant contraignante et peut se révéler dangereuse. Il faut qu’un aide descende de la voiture pour placer le sabot puis l’enlever et le remettre sur son crochet de fixation. Sans aide, cette opération est encore plus délicate. Quand la voiture est montée en poste ou en demi-poste, le postillon est obligé de descendre, et n’a donc plus le contrôle de l’équipage. Il en est de même pour le cocher. En 1822, le bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale fait état d’un procédé inventé par M Leclerc. Ce dispositif permettait de positionner le sabot directement de la voiture sans que personne n’ait à descendre.
« Le maître n’a qu’un seul cordon à lâcher, et le sabot, qui est placé sous la voiture descend de lui-même et tombe sous la roue : ce sabot est fixé au bout d’une barre oblique en fer, qui est mobile autour de son autre, et soutenu sous la caisse. Le cordon qu’on détache de l’intérieur abandonne ce levier, qui en tournant sur son extrémité va apporter le sabot sous la roue. »
Pour les voitures menées en poste, le propriétaire peut donc agir directement de l’intérieur de la voiture. Dans le cas d’une voiture menée d’un siège de cocher la courroie est directement accessible par le cocher. En 1840, un carrossier allemand, M. Fuller déposera également un dispositif du même genre dont voici le dessin.
Dessins du brevet déposé en 1840 par Monsieur Fuller (Le dispositif est complèté par un bras de levier au côté du cocher.
Attardons nous sur le fonctionnement de ce type d'équipement en consultant le Bulletin d'encouragement pour l'industrie nationale qui, dans son numéro de 1822, décrit précisément " l'enrayoir Leclerc".
" Cet enrayoir se compose d’un sabot en fer (m), fixé au bout d’une barre oblique (n) mobile autour d’une charnière (o), également oblique, adaptée sous l’essieu arrière. Une corde (p), qu’on peut manœuvrer de l’intérieur de la voiture ou depuis le siège du cocher, passe dans un anneau (q) et dans une petite poulie (r) et s’attache à la barre oblique au point (v). Elle sert à relever le sabot lorsqu’on n’en fait pas usage. On accroche cette corde à un piton (g) fixé sous la pente du siège intérieur de la voiture (ou sur le siège cocher). Lorsqu’on veut enrayer, on lâche la corde et le sabot tombe directement sous la roue, point qu’il ne peut dépasser parce que le centre de mouvement de la barre oblique étant en avant du centre de la roue, le levier est trop court pour pouvoir mener le sabot sur tous les points de la circonférence. Cependant, comme il pourrait arriver que, par un effort considérable, quelque partie de l’enrayoir vint à se déranger, le sabot est muni d’une chaîne (t) accrochée en (u). Cette chaîne n’a pas besoin d’être très forte, le sabot offrant une résistance suffisante pour tous les cas ordinaires."
Les freins à mécaniques furent créés également au début du XIX° siècle mais se développèrent d’une façon très progressive puisqu’ils ne devinrent obligatoires pour les voitures publiques qu’en 1827. Les dispositifs à sabot furent progressivement abandonnés en tant que seul moyen d’enrayement. Cependant, sur les voitures lourdes, les sabots furent utilisés en complément des mécaniques. Les constructeurs (notamment en Allemagne) de certaines voitures plus légères, circulant en pays montagneux, les équipèrent également d’un double enrayement. Souvent le sabot était mu par un dispositif de type « enrayoir Leclerc » que nous venons de vous présenter.
Nous terminons cet article par une présentation en photos d'un dispositif de type "enrayoir Leclerc " monté sur ce break du carrossier Coritch à Frankfort
Texte:
Figoli
Photos:
Chantal Baup, D Gaiser, Tradition Fahrkrunst,Figoli
Documentation:
"Mecanique et tavelle deux éléments du vocabulaire hippomobile" -Lucien Hergot-
"Bulletin de la société d'encouragement pour l'industrie nationale 1822
"Manuel du charron et du carrossier" -Lebrun-
"Voitures hippomobiles" J.L. Libourel.
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