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Chien de trait ;
le cheval du pauvre.
Peu mentionné par les historiens, l'attelage du chien est pourtant très installé dans la vie du XIX°, dont il est un vecteur économique important.
Historique
Le chien, alors essentiellement utilisé comme animal de garde et de chasse, est le premier animal à avoir été domestiqué par l’homme. Il est difficile de savoir de quelle époque date l’utilisation du chien comme animal d'attelage. Les historiens font état d’une utilisation régulière du chien de traîneau chez les Inuits vers 1000 ans après JC. En Europe, cette utilisation du chien semble dater du début du moyen âge. Bien qu’officiellement proscrite à Paris depuis 1824, l’utilisation du chien reste importante et même, dans certaines régions, se développe jusqu'à la fin du XIX° siècle. En I899, 59 départements autorisent encore l’attelage de chiens. Par exemple, à Ghien, où cette pratique était pourtant très contrôlée, il existe 300 voitures à chien. Dans certains départements, comme la Seine inférieure, la réglementation est très stricte ; autorisation préfectorale, législation pointilleuse, aussi bien sur l’hygiene et l’alimentation des animaux que sur les modèles des véhicules et harnais, ce qui ne limite que faiblement cette pratique et n’a qu’un impact limité sur la réduction de la maltraitance animale.
Une des explications du maintien de cette pratique, si souvent honnie par la haute bourgeoisie dans le cadre "humaniste" de la protection animale, est la grande pauvreté dans laquelle vivent les principaux utilisateurs du chien de trait, majoritairement issus des classes sociales les plus défavorisées. Au XIX°, la condition ouvrière est lamentable ; horaires de travail pouvant aller jusqu'à 15 heures, difficultés à se nourrir correctement, mauvaises conditions de logement,… Difficile, dans ces conditions-là, d’apporter les meilleurs soins au seul animal de trait qui leur soit financièrement accessible.
Utilisateurs du chien de trait
Ces chiens étaient utilisés par les classes sociales les plus démunies
- Petits agriculteurs et maraîchers
-Commerçants de rue : boucher, laitiers, boulangers,. ..
-Représentants
-Une multitude de petits métiers ; rémouleurs, chiffonniers, promenade d'enfants…
et d'autres encore plus miséreux; journaliers, handicapés,...
Paradoxalement, malgré l'opposition de la haute bourgeoisie et de nombreux préfets, les services de l'état était de grand utilisateurs; poste, armée,...
-Poste
-Armées belges et françaises
Importance économique
En Belgique, où l’attelage canin est très développé, on considère son impact économique comme essentiel; le professeur Reul estime son impact financier à 45 millions de francs . Aussi, il existe une fédération assurant la promotion de chiens de trait. Cette association, reconnue comme œuvre social, permet, en soutenant la traction canine, de favoriser le développement d’un florilège de petits métiers.
Si en France cette pratique est plus discutée au niveau éthique de la protection animale, il n’en reste pas moins que le chien de trait répond aux mêmes attentes économique et sociales. En tout cas, l'attelage de chiens est assez important pour que des entreprises se spécialisent dans la fabrication de harnais.
Les voitures, quant à elles, sont essentiellement construites par les charrons locaux hormis les voitures d'enfants qui sont construites par de grandes entreprises; Peugeot, Retif,....
Les conditions de travail
Bien que « protégés » par des réglementations spécifiques à chaque département, la charge de travail demandée à ces animaux est énorme. En voici la description faite par le journal "La vie de la campagne" .
« Le rendement du chien de trait est assez variable ; c’est une question d’énergie plutôt que de masse, l’animal tirant surtout en s’arc-boutant et en détendant ensuite ses membres. Un sujet de force moyenne peut remorquer sans fatigue, à raison de 5 km à l’heure, y compris les arrêts, et sur un parcours de 30 et même 40 kilomètres, une voiturette de 60 kilos supportant une charge utile du même poids. Pour des attelages à 2 ou 3 chiens, la règle de destruction de force chez les animaux travaillant en commun agit pleinement et si un chien vous donne, attelé, un travail de 50 kg, comptez avec 2 chiens, attelés ensemble, sur un travail de 98 kg, et avec 3 chiens sur un travail de 120 kg.
Accordez toujours à vos chiens de trait un temps de repos de 2 à 3 minutes toutes les demi-heures ; ce repos, tout en étant suffisant pour maintenir les sujets en état de travail, est indispensable. Veillez à l’alimentation. Pour base d’appréciation, un travail moyen. Donnez à un animal de taille moyenne, travaillant plusieurs heures par jour, 450 gr de viande et 1 kg de pain et des légumes. »
Comme nous l'avons vu précédemment, il est évident que, dans la réalité, ces recommandations sur le travail du chien, qui nous semblent déjà si excessives, ne sont que peu respectées. Il en est de même pour la nutrition; particulièrement sur la consommation de viande. En effet, hormis dans les administrations, les utilisateurs ne peuvent difficilement en donner à leurs chiens alors qu'eux même y ont peu accès pour leur propre alimentation.
Voitures et harnais
Quelques soient les modes d'attelage, à un ou à plusieurs chiens, les spécialistes préconisent un certain nombre de règles: "Quelque soit le type de voiture, prenez les suspendues, munies de frein, aux brancards suffisamment longs pour que l'avant ne vienne pas buter contre la croupe et les membres postérieurs du chien; de telle sorte que seule la tête dépasse les brancards."
Chaque département spécifie ses exigences propres concernant l'équilibre des charges, la taille des animaux, la présence de béquilles escamotables permettant le soutien des voitures à l'arrêt, la présence d'une écuelle,...
L’attelage du chien se pratique en disposant l’animal dans des brancards mais aussi en l’attachant au-dessous de charrettes à bras pour aider la personne qui la remorque.
Pour les véhicules uniquement traînés par les chiens, les voitures à trois ou quatre roues, légèrement construites et dont les brancards ne pèsent pas sur le dos de l’animal, sont préconisés dans de nombreux textes.
Dans la réalité, comme nous pouvons le voir sur les différentes iconographies que nous avons jointes à ce texte, les voitures à deux roues, moins coûteuses, restent le plus largement utilisées, alors qu'elles sont mal appropriées à la traction canine. «... celles à 2 roues pouvant, si la charge est mal équilibrée, fatiguer très vite le chien qui n’est pas un animal fait pour porter alors qu’il peut, au contraire, tirer » .
De nombreuses photos montrent la surcharge des voitures et leur mauvais équilibrage, en particulier pour le transport de personnes.
Les harnachements
La qualité du harnachement est, bien sûr, un point clef de la préservation de la capacité de traction.
« Choisissez judicieusement le harnachement. Celui-ci comporte un collier avec indication du nom du propriétaire, une muselière très large afin de permettre une respiration facile, une sellette bien ajustée à la taille de la bête, solide mais légère, un collier ou une bricole assez large et très souple, des traits suffisamment longs pour que le chien puisse se coucher et une couverture imperméable pour couvrir le dos du chien par temps de pluie ou de froid. »
Ce harnais, bien sûr, se doit d'être adapté à chaque type de chien et d'attelage. Si les grands chiens sont préférés, il y en a de toutes tailles, attelés seuls dans des brancards ou à deux au timon. Pratique rare en Europe, certains chiens sont attelés en file sur des voitures à quatre roues.
Texte
Patrick Magnaudeix
Documentation
La vie à la campagne 1899
Photos
Collection de l'auteur, tradition Fahrkrunst, courtoisie
Voitures d'une collection américaine