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Par figoli
Les textes de la littérature des XVII°, XVIII°, XIX° siècle sont émaillés d'histoires de voitures renversées, de roues brisées et de chevaux emballés.
Cette situation explique que de nombreux innovateurs ont recherché, avec passion, la solution miracle; celle permettant de rendre les voitures inversables. L'imagination des inventeurs fut sans limites et de nombreux projets émergèrent. Si certains aboutirent à des réalisations concrètes, leur utilisation fut souvent de courte durée. Plus nombreuses encore furent celles qui ne dépassèrent pas le statut de projet. Les raisons de ces abandons sont multiples; inefficacité, dangerosité,... mais aussi non-adaptation au goût esthétique du moment. Ce foisonnement d'inventions ne fut cependant pas sans effets sur la sécurité des véhicules hippomobiles. De nombreuses innovations techniques s'inspirèrent de ces projets.
Présentation de quelques voitures "inversables"
En premier, citons, pour l'anecdote, l'improbable carrosse à trois roues imaginé par le duc de Lorraine, également éphémère roi de Pologne et beau-père de Louis XV Stanislas Leszynski (1677-1766).
Une des premières expérimentations argumentées de voiture inversable qui nous est connue est le projet de voiture décrit par Garsault dans son "Traité des voitures"
Il s'agit d'une berline d'aspect révolutionnaire pour son époque, tant au niveau technique; roues avant et arrières de même grandeur, soupentes en boyaux,..., qu'esthétique; caisse placée entre les brancards de train, accés par la porte arrière,....
Voici ses dimensions:
Roues: 4,5 pieds (environ 144 cm)
Brancards de train: 11 pieds (environ 352 cm)
Caisse:
Longueur: 5 pieds (environ 160 cm)
largeur: 3,6 pieds à l'avant et 3,8 pieds à l'arrière (environ 115 et 122 cm)
Profondeur des sièges passagers: 1 pied 2 pouces (environ 37 cm)
Dans son ouvrage, Garsault décrit les motivations de chacune des innovations envisagées pour cette voiture.
Il est impossible de savoir qu'elle a été l'avenir d'une telle voiture suspendue par boyaux. Cependant il en reste deux maquettes; un coupé et une berline conservées dans une collection privée.
Modèle réduit ( Longueur hors timon de 80 cms) de berline à suspension à boyaux. (Collection privée)
Au XIX°, cette recherche de la construction d'une voiture inversable déboucha sur le dépôt de très nombreux brevets. En voici un exemple, présenté dans le Journal des haras du 1er avril 1828.
Voiture inversable de Sylvestre Van Hoorick 1828
Cette voiture fut utilisée par la Duchesse du Berry dans ses promenades au bois de Boulogne et pour ses déplacements aux courses. Très satisfaite de son acquisition, elle permit à l’inventeur Van Hoorick, inspecteur général des haras, de la nommer par son prénom ; Caroline
La stabilité du véhicule lors de passage d'obstacles est assurée par une flèche métallique mobile par rapport au train arrière de la voiture. Les dessins ci-dessous montrent que la flèche est fixée à l'avant et mobile au point G à l'arrière.
La réalisation de cette voiture fut assurée par le sellier-carrossier Baïer domicilié à Strasbourg. En voilà la description publiée dans le Journal des haras en 1828.
Sur d'autres brevets, l'inventeur préconise que la mobilité du train arrière ne soit pas assurée au niveau de la liaison entre le train et la flèche mais par une articulation située au centre de la flèche.
De multiples autres procédés furent brevetés, essentiellement dans la première partie du XIX° siècle. Par contre, les journaux professionnels postérieurs aux années 1850 n'en font, hormis quelques dispositifs additifs, pas mention.
Au début du XIX°, les hautes diligences, souvent impliquées dans des renversements, sont l'objet de toutes les attentions de la part des inventeurs. Cependant, ces dispositifs dans leur majorité furent peu efficaces et, surtout, pas assez fiables pour supporter les dures conditions d'utilisation des véhicules, tout particulièrement ceux de transports publics.
Nous allons vous proposer quelques exemples de ces dispositifs.
Je laisse à chacun la liberté d'exprimer ses doutes et ses craintes à l'égard de la sécurité de ces inventions.
Dispositif de Joanne-Decailly à Dijon, 1822
Une des causes du renversement des voitures provenant de l'emballement des chevaux..., ces carrossiers proposent un dispositif qui permet de débrayer les palonniers de timon et de volée en bloquant également la course de la voiture.
Voiture à douillette d'aplomb d'Antoine Jourdan, 1827
Elle comporte deux dispositifs visant la stabilité et l'enrayage.
La stabilité est assurée par le positionnement de la malle à bagages en dessous de la caisse ce qui baisse ainsi le centre de gravité. De plus, en cas de perte de roue, l'ensemble de la voiture se dépose sur cette malle.
Pour le freinage, des crics, disposés de chaque côté de la diligence et maniés, grâce à une manivelle, par le cocher, font descendre une boule dite traînante, susceptible de freiner le lourd véhicule.
De Rocheline Jean Baptiste et R. Servel, 1831.
La diligence est dotée d'une servante qui s'appuie sur deux roulettes transversales fixées avec renforts de chaque côté de la diligence. En cas de perte de roue ou de renversement, cette sorte de tréteau roulant doit maintenir la voiture en équilibre.
De Rocheline Jean Baptiste et Richard Fabricius, 1837.
Les inventeurs ne fournissent que peu d'informations sur ce véhicule composé de trois caissons articulés. Le caisson central dispose d'une roulette pouvant s'appuyer sur une flèche métallique incurvée. Je dois avouer que ce montage me laisse pour le moins perplexe.
Houdinet, 1839
Ce système, grâce à une fixation mobile, permet à la caisse de rester en équilibre quelque soit l'aspect du terrain. La caisse est dotée de deux galets pouvant rouler dans des gorges fixées à l'essieu.
Billet, 1839
La même année, cet autre constructeur déposa un brevet s'appuyant sur les mêmes principes.
Nous terminons cette présentation par un dispositif spécifique aux voitures à deux roues.
Dispositif de Georges Antoine et Parry Jean Baptiste, 1839
Un des risques pour les passagers d'une voiture à deux roues est de se faire projeter à l'avant en cas de chute du cheval. Ici, les brancards sont articulés et bloqués par une sécurité qui s'ouvre en cas de chute, permettant ainsi à la voiture de ne pas être solidaire des brancards. Son équilibre est alors maintenu par deux béquilles à roulette d'une élégance surprenante sur un cabriolet.
Ce ne sont là que quelques exemples parmi une foule de brevets pas toujours concrétisés. Mais ne sourions pas car certains projets de notre époque sont pour le moins aussi surprenants. (voir l'article: "Intégrer le cheval dans la voiture; rêve ou cauchemar")
Texte:
Patrick Magnaudeix
Documentation:
Site d'archivage de l'INPI sur les brevets du XIX° siècle
Le Journal des haras, avril 1828 (collection de l'auteur)
Garsault "Traité des voitures"
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