Vous trouverez une présentation très accessible des articles de vos "THEMES FAVORIS" dans le répertoire ci dessous.
Le guide du carrossier
Brice Thomas
Texte Henri Baup.
Dessins collection H.Baup
Le nom de
Brice THOMAS est indissociable de celui de la célèbre revue, qui, durant 54 ans, à cheval sur deux siècles, va activement contribuer au développement, au perfectionnement et au rayonnement
de la carrosserie française de luxe.
Il fut le premier des
professeurs en carrosserie et développera l’enseignement professionnel de cette industrie, au travers de l’école qu’il créa et au moyen du journal qu’il sut faire vivre et développer pendant plus
d’un demi-siècle. Celui-ci lui permit de diffuser ses idées dans toute l’Europe et Outre Atlantique.
Brice THOMAS - Portrait
Brice THOMAS est né à Friaize,
petite bourgade d’Eure et Loire (28), le 16 juillet 1820. Il y reçoit une instruction primaire limitée et, dès l’âge de 13 ans, entre en apprentissage chez un tonnelier !. Il apprend -
ensuite le charronnage et entreprend, comme compagnon, un Tour de France, qu’il achève à Paris.
Appelé sous les drapeaux, il n’a pas les moyens de
payer un remplaçant, pratique admise à cette époque. Il est incorporé dans l’artillerie, où il sert plusieurs années. Il met à profit cette période pour apprendre et se perfectionner en géométrie
élémentaire et descriptive, en mathématiques, en dessin industriel…
A sa libération, il reprend dans la capitale son
métier de charron et sous la direction d’un maître menuisier, Henri ZABLOT, il s’initie et étudie les tours de main et techniques empiriques de fabrication, glanées par son maître, au cours de sa
longue carrière.
1855
A cette époque, la suprématie de la carrosserie anglaise est indiscutable : Le Beau et le Vrai viennent de Londres Les premiers perfectionnements dans
la construction des carrosses viennent d’Outre Manche : Nous pouvons citer :
L’invention de
l’essieu patent, par l’ingénieur John COLLINGE en 1787.
L’invention des ressorts elliptiques « à pincettes », par Obadia ELIOTT en 1820, qui remplacent peu à peu les grands ressorts en C que l’on trouvera sur les voitures de
Gala jusqu’en 1840.
L’invention de la suspension dite « à 8 ressorts » due à WINDUS, qui combine les 2 types de ressorts.
En France, l’anglomanie
bat son plein et la bonne société commande à Londres ses Tilbury, Mylord, Clarence et Coach… Un grand carrossier parisien, comme LABOURDETTE envoie son fils en apprentissage en Angleterre, pour
étudier les techniques qui expliquent cette réussite…
ZABLOT et THOMAS comprennent que, pour lutter contre cette concurrence et conquérir une clientèle qui échappe aux artisans français, il faut mettre au point des méthodes de
fabrication et des techniques précises et rationnelles, qui permettront au génie français de s’exprimer et de prendre la place sur le marché intérieur puis mondial, par une certaine
industrialisation.
Les deux hommes créent
alors un enseignement technique, destiné aux contremaîtres, chefs d’atelier, fils de carrossiers et ouvriers spécialisés : « Le cours industriel des ouvriers réunis ». Cet
enseignement, dispensé en cours du soir, tous les jours de 20 à 22 heures, dure 6 mois et comporte des cours théoriques de dessin industriel et des cours d’application. Une centaine d’élèves s’y
presse très rapidement et, par la suite, d’autres écoles s’ouvriront, à Lyon, Bordeaux et …Londres.
Par ailleurs Brice THOMAS crée, en 1858, une revue professionnelle « Le Guide du Carrossier », au 27, rue de Lisbonne à Paris, ainsi qu’un bureau
d’études et dessins « L’Atelier des plans de voitures en grandeur d’exécution » qui produira 150 à 200 plans par an.
Le succès fut fulgurant.
Après 1900, « L’atelier de dessins en
voitures » sera complété par un cours pratique de menuiserie, où les élèves apprendront les mêmes techniques, cours dispensé le jour.
1860
On assiste au triomphe de La Carrosserie Française.
Les Grands carrossiers parisiens du boulevard du Roule et des Champs Elysées ont aussi réagi et se sont affranchis de la tutelle anglaise. En quelques années, ils
sont reconnus comme les meilleurs du monde et triomphent aux Expositions Universelles successives. Ces grandes maisons :JC LABOURDETTE, KELLNER, BINDER, BELVALETTE, DESOUCHES, MULHBACHER,
ROTHSCHILD … travaillent de façon indépendante et réalisent, le plus souvent « à la main » la totalité des pièces de leurs voitures.
De son côté, Brice THOMAS permet la « vulgarisation » des techniques de construction et, grâce aux méthodes industrielles, les petits ateliers montent des
voitures dont ils peuvent acheter les différents composants dans des maisons spécialisées, possédant des machines : trains, roues, essieux, serrurerie, ressorts, lanternes…Ile effectuent
alors les montages, les finitions, garnissage et peinture, réalisant des voitures de bonne qualité, beaucoup moins chères que les chefs d’œuvres produits par les grandes maisons.
Les carrossiers français, pour arriver à un tel degré de perfection dans leurs réalisations, ont, eux aussi, apporté des innovations
techniques :
Bandage des
roues en caoutchouc,
Allègement des trains et caisses,
Suppression des flèches
Utilisation des bois cintrés,
Brancards réglables et articulés,
Apparition des freins « à disque », sur les moyeux en 1878,
Glaces escamotables, capotes étanches et faciles à plier.
Et pendant ce temps, « Le guide du carrossier et les équipages à Paris », revue de la construction des voitures, prospère et s’installe dans la
durée…
Le démarrage fut un peu laborieux : la revue, d’abord mensuelle devient rapidement bimestrielle, soit 6 numéros par an. C’est un grand journal, de format grand in-4 jésus
(35,5/27,5) comportant 12 pages en 1877, 36 pages en 1877 et 42 pages en 1907. Celui-ci, après 6 ans de publication, sera largement diffusé par abonnement et comportera même une version en
allemand. Ses articles seront repris, en anglais, par la revue américaine « The Hub » jusqu’en 1893 . La revue avait des agences à Bruxelles, Londres, Vienne, Turin,
Madrid, Saint-Pétersbourg et New-York.
La revue est servie uniquement par abonnement, selon 5 modes, à tarifs dégressifs :
Le 1er
mode « Grand et demi-luxe » comprend par année :
6 livraisons de 8 pages grand in-4 jésus, comprenant chacune 4 dessins de voitures insérés dans le texte avec les tableaux des dimensions des pièces principales
38 dessins de voiture coloriés et tirés sur feuille séparée
3 planches d’épures, demi-jésus
12 planches d’armoiries et chiffres in-4 jésus, en couleur
6 échantillons de peintures
3 planches de sellerie-harnais en couleur Abonnement : France 60fr , Europe 65fr, Pays transatlantiques 70fr
Le 2ème
mode « Demi-luxe » reçoit :
6 livraisons mentionnées dans le 1er mode
24 dessins insérés dans le texte, tirées en couleur sur feuille séparée
3 planches d’épures, demi-jésus
2 ou 3 échantillons de peintures
Le 3ème mode « Simple » comprend par an :
-6 livraisons et 3 planches d’épures, demi-jésus du 1er mode
Le 4ème
mode « Abonnement pour la peinture » :
12 planches d’armoiries et chiffres et 6 échantillons de peinture
Le 5ème
mode « Abonnement pour la sellerie harnais » :
6 planches, demi-jésus noir.
Tous les articles sont traités par des artistes qui travaillent dans l’industrie de la carrosserie. Le texte renferme des descriptions sur les modes nouvelles de Paris et
Londres et sur tous les faits de valeur qui intéressent le fabricant ou le consommateur Les articles, les méthodes, les planches d’épures traitées par des professeurs qui, depuis longtemps se
sont livrés à l’enseignement. Cette publication est un espèce de manuel où s’instruisent un grand nombre d’industriels de la carrosserie.
Pour tous les modèles
de voitures présentés, les carrossiers peuvent commander les plans, en grandeur d’exécution.
Son succès établi, le
journal déménage et s’installe boulevard Haussmann, où il occupera successivement les n° 106 (1865), n° 164 (1867) et n° 135 (1877).
BRICE THOMAS décide alors de se consacrer exclusivement au Guide et à l’Enseignement. Il cède son bureau d’études et de dessins à son beau-frère, ALBERT DUPONT, qui
s’installera plus tard au parc Monceau, 29 rue Guyot. On y vend tous les plans, y compris du Mail Coach (150 francs).
Il entreprend alors la
rédaction du « Traité de Menuiserie en Voitures » en 1867, qu’il fait paraître en feuilleton dans le Guide, avec ses planches, avant d’en faire un livre édité en 1872
(1ère partie), puis en 1886, avec recueil de plans (2ème partie).
Sachant bien s’entourer, il collabore avec un grand
artiste, ALBERT ADAM, qui exécutera toutes les gravures coloriées des voitures étudiées ; avec les célèbres graveurs héraldistes CALLOT, puis BECHARD, dont il éditera les albums ;avec
les grands selliers LENE et JANSON, dont il publiera les dessins de harnachement. Avec GASTELLIER, célèbre peintre en voitures, il rédige « le carnet du peintre en voitures » (1869) et
met en vente une « grande collection de 72 échantillons de peinture » (1875)
En 1863, à la mort de
M. BASLEZ, dessinateur spécial en voitures, il rachète la collection de 700 modèles, collection commencée en 1830, qu’il éditera et vendra au journal, avec d’autres voitures attelées avec
leur personnel (1,04m x 0,72m format grand aigle) ou (0,64m x 0,50m format raisin.
1879
La Publicité entre dans le guide, à
la suite de l’Exposition Universelle de Paris. 7 pages dont 3 occupent les couvertures, pour les premiers numéros. L’importance de la publicité va s’accroître très rapidement et, en 1907, 39
pages sur 42 sont occupées par les annonces.
Il est à noter qu’aucun
des grands carrossiers parisiens ne sont annonceurs dans le Guide.
Note :
A notre grande surprise ,nous avons trouvé la publicité de la maison « Au ver à Soie », créé en 1820, 23 rue de Turbigo et qui existe toujours au 102 rue Réaumur, à Paris. Les
cordonnets en soie décreusée qui servent encore aujourd’hui au tressage des mèches de fouets, proviennent de cette maison !.
Les Voitures, leurs illustrations, leurs
plans
Le nombre
des voitures présentées, illustrées en noir et blanc ou en couleur et dont les plans étaient disponibles aux bureaux, deviendra rapidement très important.
En 1868, le Guide possédera une collection de 1000 dessins et plans de tous modèles de véhicules, de luxe, de commerce, de transport, de service public
etc…
En 1913, la collection s’élève à 2500 .
Les grandes voitures d’exception ne sont pas oubliées : berline et coupé de gala, mail coach (n° 63 dans le n° 120 déc.76, n° 249 en 1892), mail phaéton (n° 262 en
1893)
Les voitures industrielles et de gros
charronnage : A partir de 1884, un chapitre spécial du guide est réservé aux voitures industrielles. Des plans sont édités au 1/10ème, 1/20ème, 1/25ème, comportant élévations de côté, de
derrière ; plans, coupes et dimensions des pièces principales (supplément d’abonnement annuel 5 francs) Des modèles fort originaux figurent dans la liste des voitures proposées :
voiture d’arrosage
voiture de transport pour animaux blessés
animaux morts
charbon
voiture à bras pour le transport des bains à domicile
1891
En août, 33ème année de publication (n°208) Brice THOMAS, ayant des soucis de santé, cède la direction du Guide à son neveu, Louis DUPONT, excellent dessinateur,
fils d’Albert Dupont et qui travaillait au journal depuis 1889.
Brice Thomas continuera cependant de collaborer à la publication,
jusqu’à sa mort, le 15 septembre 1895
1895
Louis DUPONT continuera fidèlement l’œuvre de son oncle, selon les
mêmes principes. En 1899, on verra apparaître les premières automobiles dans le Guide, qui, peu à peu remplaceront les hippomobiles.
1910
La revue perd de son intérêt. La carrosserie automobile est prépondérante et les pages de publicité constituent l’essentiel de son texte, avec de fastidieux comptes
rendus de réunions professionnelles.
1914
La revue disparaît, après avoir déménagé 2 fois : 78, rue Boissière à Paris et 65 rue du Marché à Neuilly, où elle ferme définitivement ses
bureaux.
Précurseur de génie, Brice THOMAS aura été le fondateur du « design » industriel de la Carrosserie Française de luxe au
XIXème siècle.
PUBLICATIONS DE BRICE THOMAS PARUTIONS DANS LE GUIDE
DU CARROSSIER
TRAITE DE MENUISERIE EN
VOITURES : 1870 1ère partie 1886 2ème partie avec planches
CATALOGUE DES TYPES DE CHIFFRES ET
ARMOIRIES : 1865 Par BECHARD et CALLOT
CARNET DU PEINTRE EN VOITURES :
1869 Par THOMAS et GASTELLIER
GRANDE COLLECTION DE 72 ECHANTILLONS
DE PEINTURE : 1875
ETUDE THEORIQUE ET PRATIQUE SUR LA
CONSTRUCTION DES VOITURES : 1878
RECUEIL DE 48 PLANCHES DE SELLERIE
HARNACHEMENT de LENE ET JANSON Chevaux par A.ADAM
COLLECTION DE PLANCHES LITHOGRAPHIEES ET
COLORIEES DES VOITURES PRESENTEES AUX EXPOSITIONS UNIVERSELLES de Londres et Paris
ETUDES THEORIQUE ET PRATIQUE SUE LA CONSTRUCTION
DES VOITURES : 1878
PLANCHES GRAND FORMAT EN
NOIR ET BLANC OU EN COULEUR DE MILORD, COUPE , MAIL COACH, ATTELES AVEC LEUR PERSONNEL Par A.ADAM
PLANS DE VOITURES , DE CAISSES ET DE
TRAINS en grandeur d’exécution pour plus de 1500 VEHICULES DE VILLE ET INDUSTRIELS
BIBLIOGRAPHIE
-Nous devons une grande partie de notre
documentation au remarquable mémoire de Madame Ghislaine BOUCHET, élève de l’Ecole des Chartes intitulé : « Le cheval à Paris de 1850 à 1914 « en 1993. Nous lui rendons ici hommage
pour son exceptionnel travail.
-Bibliothèque du Musée de la Voiture à Compiègne
-Collection
privée J.G.H. Paris
Je remercie Henri Baup de cet excellent article.
Vous pouvez vous régaler des écrits d'henri et chantal Baup dans Attelage Magazine et sur le site J§B Whipslink
Avant de vous proposer ,dans de prochains articles, des descriptions de voitures et de techniques extraites du guide du carrossier, il était indispensable de vous en présenter son histoire.
Pour vous donner un avant gout je vous propose de consulter l'album Dessins-du--Guide-du-carrossier--de-Brice-Thomas