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Par figoli
La Savoyarde de Montmartre
Un extraordinaire vacarme réveille le nord de Paris ce matin du 16 octobre 1895. Il fait encore nuit quand un convoi exceptionnel à tous les égards fait trembler le
pavé. La Savoyarde est en chemin pour Montmartre…
La « Savoyarde », c’est le surnom donné à la cloche destinée au campanile du Sacré Cœur. Elle est née d’une souscription ouverte le 29 janvier 1889 par les évêques
des deux Savoie qui souhaitent ainsi apporter leur contribution à l’édification du Sacré Cœur. A sa clôture le 18 décembre 1890, Monseigneur Leuillieux, l’archevêque métropolitain, passe commande
auprès de la Maison Paccard d’Annecy du plus gros bourdon de France, encore aujourd’hui l’un des plus gros au monde : 3,06 m de haut, 3,30 m de diamètre extérieur, 22 cm d’épaisseur à sa base,
9,60 m de circonférence … Avec ses accessoires son poids officiel atteint 19.685 kg. !
La cloche est coulée le 13 mai 1891 mais elle attendra encore 4 ans et demi avant de rejoindre Montmartre.
La cloche à son départ d’Annecy
Vient enfin le jour du départ, la grande dame quitte la fonderie, emmenée par un équipage à sa démesure : trois chevaux attelés de front précédés de douze paires de bœufs symbolisant les 12 cantons savoyards.
La cloche à son départ d’Annecy
La foule s’est massée le long du chemin qui conduit des ateliers Paccard à la gare d’Annecy, on est venu de toute part saluer ce départ solennel de la Belle, étincelante dans son habit argenté paré de fines ciselures. Un wagon plat à la charpente renforcée (que la presse appelle « truck ») a été spécialement affrété par la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée.
Le transbordement du wagon au fardier en gare de la Chapelle
Le mardi 15 octobre 1895 à 16 heures, une assemblée aussi disparate qu’attentive assiste en gare de la Chapelle à la préparation de la troisième partie du voyage, de loin la plus délicate. Un pont roulant à vapeur enlève la cloche du plateau où elle patiente depuis 10 jours et la dépose avec précaution sur le fardier de Mr. Magnin.
Le départ du convoi dans la nuit parisienne (croquis de M. Moreno dans le Monde illustré et dessin publié en double-page centrale de L’Illustration)
L’entrepreneur en gros camionnage chargé de l’ultime transport possède un fardier rare pesant près de 6 tonnes pouvant porter des charges de 30 tonnes. Le lendemain, dans une nuit d’encre, 28 chevaux sont attelés (1) , un charretier se tiendra à la bride de chacun. Quatre heures sonnent, le convoi s’ébranle. A la lueur fantomatique des torches et des lanternes, une centaine de personnes dessinent un cortège ; on reconnait parmi elles, au premier rang, Mr. Paccard, anxieux comme un père au matin d’un grand jour, l’architecte de la basilique Mr. Rauline, des « officiels », des ouvriers, plusieurs prêtres parisiens et savoyards. Dès la sortie de la gare de marchandise franchie, la procession grossit encore de nombreux curieux.
L’arrivée à Montmartre
Le parcours, désigné par l’Administration, emprunte la rue de la Chapelle, du faubourg Saint Denis, les boulevards de Magenta, Ornano, Barbès, les rues Damrémont,
Ordener, Lamarck. Des averses ont rendu le pavé glissant, les chevaux ne trouvent pas de prise, glissent quand la pente s’accentue… Ils tirent pourtant à plein collier, la progression est
finalement rapide. De fréquents arrêts permettent à chacun de reprendre son souffle et préparer les manœuvres. L’allure est si vive qu’on craint l’accident, l’assistance frémit un instant à
l’angle de la rue Lamarck. C’est finalement au galop que l’attelage parvient à arracher son fardeau de la dernière rampe.
Les ultimes mètres …
Le convoi stoppe enfin aux portes du chantier, la longue file des chevaux ne peut se déployer plus avant. Il est 6 heures 10 alors qu’on attendait la précieuse
livraison à 8 heures ! De la rue à la plate forme où se dresse l’échafaudage qui hissera la cloche dans son campanile, on a aménagé un plan incliné fait d’énormes madriers. Déposé en à peine 2
heures à l’aide de crics sur une sorte de chariot et enveloppé d’une toile protectrice, le bourdon est lentement hissé à l’aide d’un treuil.
La « Françoise Marguerite du Sacré Cœur de Jésus » est baptisée le 20 novembre 1895 par Monseigneur Richard, archevêque de Paris tout juste revenu de Rome. Comme le veut la tradition, on grava sur la cloche à côté de son nom celui de sa marraine, la Comtesse Ernest de Boigne et son parrain, Mgr Leuillieux. Malheureusement décédé, il fut remplacé en la circonstance (et dans son siège) par Mgr Hautin.
Etienne Petitclerc
Sources :
L’illustration, journal universel, n°2747, samedi 19 octobre 1895 (illustrations 2, 5 et 8)
La Nature, revue des sciences (…), deuxième trimestre 1895 (illustrations 3 et 7)
Le monde illustré, n°2012, 19 octobre 1895 (illustrations 4 et 6)
Pour ne savoir plus :
Sur la Savoyarde : www.paccard.com
Sur la basilique du Sacré Cœur : www.histoire-en-ligne / tourisme et histoire / Montmartre
(1) Les sources divergent et annoncent 18, 28, une trentaine de chevaux, malheureusement aucun document figuré ne permet de confirmer l’un ou l’autre des témoignages et aucun récit ne mentionne des chevaux de renforts ajoutés en route.
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