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Le grand sommeil.

 

Le grand sommeil.

 

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Ils avaient passé des années à trimer ensemble.

 

L’un, ramassé dans l’effort devant le brabant indocile, l’autre férocement agrippé aux rudes poignées du vieil outil lorsque les racines tranchées au raz des « bouchures » lui fouaillaient  violemment les jambes.

Quelquefois aussi, nonchalamment assis sur le « traîne feignant », le  vieux se laissait bercer par le roulis que les fortes épaules du colosse imprimaient à la voiture toute entière.

 

C’était alors merveille que d’observer la douce oscillation du collier tout de crins de cuir et de bois, à laquelle répondait invariablement 

le son des sabots sur le chemin.

Le crissement des hautes roues ceintes de métal ainsi que le choc sourd de l’avaloir frappant  à chaque pas l’intérieur des brancards  formaient  à eux seuls une douce musique dont l’un et l’autre ne se lassaient pas.

 

Pourtant, les années passant, les forces des deux compères avaient décliné et c’est sans grande joie que l’homme avait du s’effacer devant le progrès et son cortège d’outils modernes.

Pour autant, l’idée même de voir son vieux compagnon pendu au croc du boucher lui faisait horreur.

Il le garderait donc et celui-ci, la « monte à regret » ne l’emmènerait pas.

 

Il est vrai qu’il avait belle allure.

A balzane trois, cheval de roi dit l’adage. Rien ne semblait plus vrai.

Noir de jais, étoile blanche au front et de clair trois fois ganté, il conservait, malgré les ans,une fière beauté.

 

L’homme avait un fils.

Parti quelques années plus tôt à la ville, il y avait pris femme et envoyait chaque été sa fille brunir au doux soleil des collines limousines.

La petite n’avait pas six ans qu’elle menait déjà quotidiennement le grand cheval au pré.

En effet, pour le protéger des assauts incessants des mouches infernales, le vieux en avait décidé ainsi…

L’animal passerait les douces nuits d’été dans l’herbe grasse et serait mis à l’abri dés le soleil monté.

A l’heure du rossignol, c’est donc une herbe à la bouche et les mains aux poches, que la gamine, trop petite pour lui passer seule le lourd licol, sautillait gaiement devant les pieds du géant.

 

C’est toujours docilement suivie et les lèvres tachées de mûres volées aux ronciers qu’elle conduisait dés la première alouette, le paisible animal vers la fraîcheur de son écurie.  

 

Quelques été passèrent ainsi, heureux.

 

Un soir pourtant, alors que la petite poussait la porte de son ami, elle le vit étendu, son abondante crinière répandue en un élégant coussin.

Sentant son heure venue, il s’était couché , et vaincu par les ans, reposait désormais paisiblement sur un lit de paille blonde.

 

Soucieux de ne pas la voir comme à son habitude trotter sur le chemin, le « vieux », venu aux nouvelles avait immédiatement compris.

 

Cachant alors sa peine, la main de la petite fortement serrée au creux de la sienne, il eut ces quelques mots.

 

Viens t’en donc, il est tard, tu vois bien qu’il dort !!!

 

Mensonge d’amour !!!En fit-il jamais de plus beau ?

 

 

 

Flacq. Décembre 2009.

 

Michel Meton

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