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Par figoli
Mal nommé.
Un mètre quatre-vingt-deux sous la toise, la balance indiquerait sans doute la tonne à qui voudrait le peser.
Gris pommelé, le paturon solide, les fanons abondants et une double croupe de légende, c’est un Percheron, a garanti le vendeur.
Son poitrail, énorme et d’une blancheur immaculée me ferait plutôt pencher pour un Boulonnais. Peut-on vraiment savoir ???
Quoi qu’il en soit, il reste dans mon souvenir comme une montagne de force et de douceur mélangées.
Le cocktail n’est pas rare chez ces géants.
Avec le Guste, ils ont travaillé la terre pendant une petite dizaine d’années seulement, assez pour nouer des liens solides, trop peu pour éviter l’inéluctable.
En voisin et contre un radis noir ou une barre de chocolat, un gentil môme venait souvent donner la main.
L’arrivée concomitante du tracteur et d’une dermite invalidante feront de l’animal, un chômeur.
Les frais de noce de la cadette le condamneront définitivement, et c’est pour le couteau, qu’un maquignon l’emmènera par un sale matin de Novembre.
Le Guste se sera sauvé ce matin là, courant la campagne pour y cacher son désarroi et enfouir sa peine.
A son retour, ne restera sur la porte du box vide, tracé au charbon, que le nom du cheval. Poney !!!
Vingt années ont passé.
Le gamin, parti pour la ville, y est devenu homme.
La vie lui a souri, s’est montrée généreuse sans pour autant le rendre amnésique. C’est rare.
Il revient donc souvent, aime à flâner sur les foires du coin, espérant sans doute y glaner quelques miettes d’une enfance heureuse.
C’est lors de celle de printemps, qu’au détour d’une barre où somnolent quelques méchantes rosses, suffoqué, il reconnaît… Poney !!!
Futé, le maquignon de l’époque l’avait acquis pour son poids de viande, retapé, puis revendu pour ses réelles qualités à un maraîcher.
Vingt ans à biner les choux et arracher les patates n’avaient pas épuisé le colosse, et pour la deuxième fois de sa vie, docile, il attendait une fin qui s’annonçait bien vilaine.
Ce soir-là, Poney mâchonnait une bourrée de foin, quand le Guste, incrédule, le reconnut au coin de sa cour.
Colère de la vieille, fierté du grand gamin et larmes de bonheur du brave Père qui enserrait la tête du cheval dans ses belles mains fripées.
Désormais, le râtelier ne désemplira plus, et c’est ensemble que les deux retraités passeront leurs dernières années.
Elle est pas belle, quelquefois, la vie ???
Michel Meton
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