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Photographie Hippique :
La famille Delton.
A Hélène et Jean Pierre.
La photographie est un procédé industriel qui explose à la moitié du XIX° siècle. On assiste au même moment à l’industrialisation et à la multiplication des entreprises de production hippomobile. Les chemins du cheval et de l’attelage ont croisé ceux de la photographie à de multiples reprises jusqu’à créer une activité spécifique; la « photographie hippique ». C’est en recevant en cadeau cette photo de Jean Delton, exemple typique de ce style, que j’ai eu l’envie d’en chercher l’origine et l’histoire.
C’est en 1839, devant l’Académie des sciences, que François Arago fit, le premier, état des travaux de Louis Jacques Mandé Daguerre et de son daguerrotype. Cette invention, utilisant la sensibilité des sels d’argent à la lumière, se limitait cependant à proposer une « miniature » qui offrait peu de liberté à l’opérateur et ne pouvait être reproduite à de multiples exemplaires. A la même époque l’anglais William Henri Fox Talbot travaillait, à partir de la même observation de la réaction des sels d’argent, à créer des images que l’on pourrait reproduire. Il lui fallut dix ans pour développer un système négatif-positif appelé « colotype ». Il n’arriva à produire des photographies stables et permanentes, facilement reproductibles grâce au négatif, qu’à partir des années 1848-49. Concurrencée à ses débuts en France par le daguerrotype, la photographie papier prit rapidement son envol dans les années 1850. A l'origine procédé industriel, elle fut rapidement considérée comme une production artistique. De nombreux peintres comme Delacroix, Courbet s’y intéressèrent. Elle gagna rapidement son autonomie et les créateurs se multiplièrent; Adam Salomon, Legrey, Baldus, Carey,… L’un des plus célèbres fut Gaspar Felix Tournachon plus connu sous le nom de Nadar.
Nadar élevant la photographie à la hauteur de l'art de Honoré Daumier
Si, dans ses débuts, la photographie, comme le daguerrotype, ne traite que des sujets immobiles en atelier; œuvres d’art, portrait, natures mortes,…, les évolutions techniques lui permettent rapidement de prendre des clichés à l’extérieur.
"Navire prêt à l'appareillage dans le port du Havre",1851 de Macaire
Le cheval, qui était un des piliers du dynamisme industriel, commercial, culturel et mondain, devint progressivement un sujet d’expression.
" Cheval",1874 de C Famin,
Les passionnés d’attelage connaissent bien sûr le nom d’Atget, photographe aux compositions reconnaissables par son utilisation des ombres, ses arrières plans décentrés, et ses photos de voitures.
"Voiture de transport de grosses pierres" de Atget
Mais on ne peut le considérer comme un photographe hippique comme le furent Disdéri ou Adrien Tournachon, le frère de Nadar, dès les années 1850. Celui ci avait une succursale dédiée à la photographie hippique au 124, avenue des Champs Elysées.
"Homme au chapeau de paille" ,1855 de Adrien Tournachon
Dans les années 1850, avec l’empire, le cheval allait devenir un moyen de montrer sa supposée place sociale et son aisance financière. Les champs Élysées étaient très fréquentés mais le danger que présentaient les pavés de bois par temps humide amenaient certains à prendre plutôt l’avenue du Cours de la Reine pour se rendre au lieu de rencontre, où toute personne de qualité devait se montrer ; le bois de Boulogne. Acheté en 1852 par la ville de Paris à l’état, ce bois était spécialement aménagé pour recevoir toutes les pratiques équestres. Les allées rectilignes, comme l’Allée des acacias, permettaient les grands galops alors que des allées sinueuses, comme l’Allée des poteaux, prédisposaient aux allures ralenties et à la conversation. Les ronds points, châlets et kiosques servaient de lieux de rendez vous et de rencontres comme le pré-catalan.
C’est justement au pré-catalan que, pour clore « la parade », cavaliers et équipages allaient se faire photographier dans le célèbre établissement de Jean Delton. Cette dénomination Jean Delton couvre en fait plusieurs générations de photographes dont le dernier a pris la photo qui m’a inspiré le sujet.
Revenons donc à l’initiateur Louis Jean Delton, dit « John », qui vécut de 1807 à 1891. Ancien officier, il avait participé, avec Auguste Lupin, à l’introduction des courses de chevaux en France et était membre du Jockey club. C’est la passion du cheval qui l’amena donc à la photographie. A la différence de Disdéri et de Tournachon qui l’avaient précédé, il n’avait, au début, aucune connaissance en photographie. Mais il élargit son champ d’action comme le montre cette photo de clown; « Georges et Samuel ».
Il voit sa clientèle se développer à partir des photos prises, en 1862, du Roi de Prusse, du futur Alphonse XII,…Ses photographies de la famille impériale à cheval lui amenèrent une renommée internationale et la « maison Delton » installa plus tard une succursale à Londres puis à Nice où le gotha européen se retrouvait.
Son premier atelier était situé au bois de Boulogne, au n° 83 de l’Avenue de l’Impératrice. Il y photographiait jockeys, amazones ou chevaux de courses qui posaient devant une toile peinte ou dans le jardin qui jouxtait son établissement.
Il participa à différentes expositions ; Paris 1865, Londres 1862,… Entre 1865 et 1867, Il édita plusieurs séries ; « Acrobates de clown », Touaregs, Abdekader et sa suite.
Mais sa spécialité restait les attelages, les portraits équestres, les chevaux rassemblés, dans la publication « Album Hippique » en 1866-67.
(Accés à l'album sur ce lien: link)
A partir de 1867, il fut secondé par son fils Jean qui lui succéda en 1870. Lors du siège de Paris, l’atelier fut détruit par un bombardement et fut reconstruit, toujours au bois de Boulogne. Il réussit le premier à photographier des chevaux en mouvement et on lui doit la célèbre photo de l’arrivée du cheval Little Duck au Grand prix de Paris en 1884.
Comme son père, il participa à différentes expositions comme celle de Paris en 1878. Il publia plusieurs ouvrages; « Reproduction des 104 gravures de la bible du révérend Thomas Stackahouse » en 1871, « Chevaux et équipages à Paris » en 1878, « Tour du bois » en 1883.
De 1889 à 1894, il édita une revue chevaline illustrée, intitulée « Photographie hippique ». Il fut également directeur du journal « Le sport universel illustré » dont nous avons publié un certain nombre d’articles dans ce site.
Travaillant avec son père depuis 1890, son fils, lui aussi prénommé Jean, lui succéda. Voici quelques unes de ses productions.
Coach appartenant au comte Potcki mené par la Duchesse d'Uz en 1896. (Photo parrue dans le monde du cheval en 1917 collection Figoli)
Voiture dite "La parisienne" qui pouvait être attelée à quatre et a été primée au concours hippique de 1893. (Photo parrue dans le monde du cheval 1917 collection Figoli)
C'est donc lui, l’auteur de la photo inspiratrice de cet article.
Voici des détails de la volée et du break.
La photo présentant traces de gras et griffure est dans l'attente d'un nettoyage professionnel.
Mobilisé en 1914, il fut tué en Belgique, le 19 Octobre 1914. Ainsi disparut le dernier représentant de la « Photographie hippique »
La famille Delton nous laisse, tant par ses photos que par ses publications, une œuvre multiple et variée. Elle a dressé un véritable panorama des célébrités qui défilèrent à cheval sur la piste de pose de l’atelier. Edouard VII d’Angleterre , Ferdinand de Lessep, Général de Fleury,…
Malheureusement je n’ai pu trouver le nom du meneur, peut être lui aussi une célébrité, qui s’est fait photographier par le dernier des Jean Delton, en 1911.
Texte: Figoli
Photos : Collection Figoli, et photos de courtoisie
Bibliographie :
Regards sur la photographie en France au XIX° siècle. éd Berger Levrault
Le Cheval à Paris de Ghislaine Bouchet. éd. Droz S.A.
Le monde du cheval 1864-1914 Jollivet Delton
Mlle Renz 1904
Notes: Vous trouverez d'autres renseignements sur ce photographe dans le livre suivant:
Lieven DE ZITTER & Catherine ROMMELAERE, J. Delton, Oudenaarde, 1996 (Editeur : L. De Zitter, 6 Ommegangstraat,
B - 9790 Wortegem-Petegem). Préface du baron Jean Casier, texte en français et en
neerlandais, 155 pages, 49 photos N&B hors texte et 4 dans le texte. 20,5 x 27,3 cm oblong. Dépôt légal D/1996/0275/2 (Belgique).