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De la domestication
et de l’attelage
du zèbre.
Etonnantes images de zèbres utilisés en plein Londres. De fait, le nombre important de ce type d'images dans les journaux d’époque n'est du qu’à leur caractère exceptionnel.
La domestication du zèbre et son attelage se limitèrent en Europe aux cirques et parcs exotiques.
Cependant quelques meneurs fortunés s’essayèrent à son attelage.
« En été 1895, les habitants de Kensington ont eu la surprise de voir au lever du jour l’attelage de Walter Rotschild composé de trois zèbres Burchell et d’ un poney. Cet étrange équipage, mené par les mains expertes de leur dresseur M Harding, trottait gaiement dans les rues.
On distingue le poney sur la volée gauche
L’ambition de M Rotschild était de posséder un piquet de quatre zèbres. Malheureusement un de ses quatre animaux mourut pendant le voyage qui les ramenait du Cap. Le poney qui n’eut jamais d’inquiétude à être en si étrange compagnie faisait fonction de maitre d’école et était attelé en leader. A l’embarquement les zèbres étaient très sauvages et ils furent grutés à bord dans de grands boxes à chevaux. Les personnes qui devaient décharger les trois survivants; un étalon et deux juments, ne furent pas prêts d'oublier la tache ardue de leur acheminement vers les écuries de Queen’s gate. Dans l’écurie ils étaient assez calmes. Par contre, quand M Harding et ses aides ont commencé à les manipuler, ils ont découvert que leurs nouveaux élèves bottaient fort avec science et étaient toujours prêt à mordre et à taper avec la tête à la façon des chameaux. Avec patience et fermeté, ils furent mis aux ordres et se comportèrent dans la circulation comme un attelage traditionnel. Ils n’étaient pas perturbés par les bruits divers des rues de Londres, bidons de lait, tonneaux,…et se comportaient comme un vieux cheval d’omnibus aguerri. »-Revue anglaise 1900-
Ultérieurement, il remplaça le poney par un ou plusieurs zèbres provenant probablement du cirque français Bouglione.
Walter Rotschild avec son équipage de zèbres au complet
Cependant, derrière ces images de peluche dressée se cache une réalité plus mercantile et violente. En effet, au XIX°, la domestication du zèbre ne fut pas initiée par un souci d’exhibition mais par des considérations essentiellement économiques. La rusticité et l’adaptation au climat du zèbre en faisaient un animal de travail potentiel pour le portage et la traction en Afrique. Voici un extrait du journal La Nature,du 20 mai 1905, qui confirme l’intérêt économique porté à la domestication du zèbre.
« Ces animaux pourront rendre en Afrique des services très appréciables, et notamment, leur emploi pourra dispenser de faire faire par les noirs le portage des charges et des marchandises. Comme confirmation la photographie ci contre montre le dressage d’un zèbre à Cagri (Transcaucasie)
Dans cette nouvelle station de la Riviéra Asiatique, S.A.I. le prince d’Oldenburg a, en effet, tenté la domestication de plusieurs de ces animaux en vue de l’attelage et même de l’équitation. »
De plus, l’utilisation des zèbres pouvait pallier aux difficultés d’adaptation des chevaux et bovins décimés dans certaines régions par les maladies locales. En 1891, le voyageur allemand Von Uechtriz avait vu au Namaqualand un commerçant qui se servait d’un couagga domestiqué et le montait sellé comme un cheval. Il signale « pour ces pays où tout européen qui voyage ou s’occupe d’élevage a besoin d’une monture, un avantage à l’emploi du zèbre. C’est qu’il est réfractaire à une maladie qui, sur la côte, pendant la saison des pluies, fait disparaitre plus de la moitié des chevaux. Un croisement d’étalons couaggas et de juments, pourrait, d’après lui donner d’excellents résultats. »-Nature1905-
S’il y eut, comme le montre la photo ci dessous, quelques expérimentations de croisement, je n’ai pas trouvé de trace d’une véritable exploitation économique.
Les premières expériences de domestication sont très anciennes et à Rome l'empereur Caracella présenta au cirque un char tracté par des zèbres. Les explorateurs du XIX° siècle font état de quelques autochtones ayant apprivoisé des zèbres. Certains tentèrent mêmes d’en dresser.
« Les premiers voyageurs qui ont parcouru l’Afrique centrale ont signalé le grand nombre de zèbres qui vivent dans certaines régions, en même temps qu’ils se sont plu à décrire les évolutions rapides de leurs troupes gracieuses galopant à travers les plaines. Livingstone vante aussi l’intelligence de ces animaux sauvages.
Quelques années après, le Dr Paul Reichard, membre de l’expédition allemande de 1881 qui s’avança jusqu’au Katanga, dépeignait le zèbre comme susceptible de rendre les plus grand services en Afrique, surtout au point de vue des transports. Le zèbre, disait-il, est sobre, courageux, vif, résistant à la fatigue et insensible à la chaleur comme au froid. Le Dr Reichard avait vu à Zanzibar un zèbre qui servait de monture à un arabe et obéissait comme un cheval. » -la Nature 1905-
Longtemps considéré comme indomptable et ne supportant aucune domestication, le zèbre par ses qualités devenait donc un enjeu économique et il y eut des expérimentations massives de dressage comme celle du lieutenant belge Nys. Il fut envoyé par son gouvernement au Congo, en 1902, pour étudier le dressage des éléphants et des zèbres. En voilà le compte rendu paru dans la revue Voyage de 1903, qui nous montre les difficultés rencontrées et l’approche du dressage à l’époque.
« Après une battue énergique, ce troupeau fut, en une fois, enfermé dans un Kraal vaste de 18 à vingt hectares qui avait été édifié à cette fin. Se sentant prisonniers, les zèbres se mirent à galoper éperdument pendant deux heures. Quand ils se furent calmés, ils commencèrent à brouter l’herbe du Kraal. Comme il n’y avait pas d’eau dans cet espace, on se mit en devoir de leur en fournir ; ce ne fut pas une petite opération car il fallut transporter journellement 2700 litres d’eau que l’on allait prendre à un Km de là. Pour faire boire les animaux, ce fut une autre difficulté.
Comme ils n’osaient pas s’approcher des récipients de zinc qu’on leur offrait, on enterra les caisses en dissimulant leurs bords sous l’herbe mais ces délicats animaux s’en éloignèrent encore, sans doute à cause de l’odeur des nègres qui avaient touché les récipients.
Il en résulta le décès dans les premiers jours qui suivirent la capture ; certains animaux s’obstinèrent à ne vouloir ni boire ni manger ; des juments pleines avortèrent ou mirent bas dans des conditions défavorables ; des poulains, incapables de manger de l’herbe moururent de faim, leur mère n’ayant plus de lait ; quelques animaux après avoir longtemps jeûné, se mirent à manger et à boire si gloutonnement, qu’ils en moururent.
Quand les survivants eurent repris leur calme, après une quinzaine de jours, on commença à en tenter la capture individuelle, ce qui devait aboutir à les enfermer dans des écuries, chacun dans un box différent. Ce ne fut pas du goût des zèbres qui se jetèrent comme des forcenés contre les parois de leur loge se déchirant ainsi la peau du front et du chanfrein, si bien qu’il y eut encore cinq nouvelles victimes. » -La Nature 1905-
Le rapport ne donne pas les résultats du nombre d’animaux finalement aptes au travail mais note que sur les 90 zèbres capturés moins de soixante devenus « dociles » survécurent.
Les difficultés rencontrées, la violence du traitement, la faiblesse des résultats, n’empêchèrent pas d’autres expérimentations d’utilisation du zèbre comme animal de trait, notamment en Afrique du sud. En voici la narration traduite d’un journal anglais de 1900
« ….. le Zèbre Burchell était attelé en Afrique du sud avec des mules pour effectuer les services de diligence entre Prétoria et Fort Tuli au Mashoualand. Les zèbres ainsi utilisés étaient capturés au lasso par un boer qui les revendait, en état sauvage, à la compagnie de diligence. Au bout d’un mois, quatre du lot étaient suffisamment débourrés pour être attelés. Malgré quelques difficultés rencontrées pour les harnacher, ils se comportaient correctement dans les traits et avaient une bonne bouche. Mais comme les zèbres de M Rotschild, ils gardèrent longtemps le vice de mordre. Messieurs les directeurs de la compagnie Zeederberg§co étaient si contents de leur expérimentation qu’ils annoncèrent leur volonté de remplacer progressivement les mules par des zèbres.
Des mail coachs attelé 4, 6 ou 8 zèbres accompagnés de mules reliaient Johannesburg à Kimberley et Pretoria
Les avantages de l’utilisation du zèbre étaient nombreux : force, bonne santé, résistance et surtout l’immunité contre les piqures de la mouche Tsé-tsé.
Cette dernière qualité n’était pas assurée, selon M Selous, quand les zèbres provenaient de régions ou ces mouches n’existaient pas. C’est le major Alfred Gibbons, explorateur bien connu de l’Afrique, qui expliqua les raisons de la non pertinence de l’emploi du zèbre pour le transport en Afrique: « Après une période de travail, le zèbre perd de son énergie et devient pratiquement inutilisable ce qui peut s’expliquer par le fait que les animaux dressés étaient des animaux sauvages capturés. » Il se pourrait que des animaux élevés en captivité n’auraient pas cette phase dépressive mais à la connaissance de l’auteur à ce jour, aucune expérimentation n’a été mené jusqu’au bout »-Journal Anglais 1900-
L'élevage du zèbre ne se développa pas et son utilisation comme animal de trait pour les raisons citées précedemment, fut abandonnée. Néanmoins, quelques usages perdurèrent dont celui de support publicitaire comme on le voit ci chez les producteurs de thé Marzawattee, vendeurs de lait,...
Ceci n’empêcha pas une destruction massive de troupeaux ;
-par des captures destructives (comme nous l’avons vu avec le lieutenant Nys) pour finalement n’en livrer que quelques-uns aux zoos, parcs et meneurs excentriques...,
comme, surprenant, à un détective en mal de publicité
-par l’organisation généralisée de safaris tout autant destructeurs.
Je sais que certains auront eu du mal à supporter cette présentation quelque peu brutale de ce que sous-tendaient les belles images de zèbres attelés. Mais il me semblait intéressant de montrer la face cachée de cette « belle époque » où l’on n’hésitait pas également à organiser des zoos humains en Europe et le travail forcé, forme « moderne » de l’esclavage, dans les colonies.
Texte : Figoli
Photos collections : Mario Broekuis,H.B.Paggen, Henri Baup, Figoli,…
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