Vous trouverez une présentation très accessible des articles de vos "THEMES FAVORIS" dans le répertoire ci dessous.
Vous êtes nombreux à apprécier la publication de dessins ou photos issus de catalogues ou albums de carrossiers et selliers.
En réponse aux sollicitations d'un grand nombre de lecteurs, je vais éditer différents documents de ce type (malheureusement incomplets pour certains) en les accompagnant des informations à ma disposition sur ces carrossiers, charrons, dessinateurs en voiture, selliers harnacheurs,... Cette nouvelle série d'articles se veut participative. En effet, je vous invite à compléter les informations mises en ligne par vos propres informations, commentaires, documents,...que vous pourrez m'envoyer par le "contact" du blog. En collaboration avec vous, vos apports seront intégrés dans les articles enrichissant ainsi une documentation accessible à tous.
Mettre nos connaissances en commun est un moyen de continuer le travail de ceux qui, bénévolement, ont participé depuis une trentaine d'années, par leurs articles dans les différents médias (presse, internet), à la vulgarisation des connaissances sur le patrimoine hippomobile.
L'un de ces passionnés; Henry Baup, qui vient malheureusement de nous quitter, a largement participé à ces actions en écrivant de très nombreux articles dans les journaux spécialisés; français, italiens et sur les sites; Attelage français, J§B Whips,... Je tiens, par ailleurs, à souligner l'aide inestimable que lui et son épouse Chantal m'ont apportée en m'épaulant dans la création d'attelage-patrimoine.com. En hommage à Henry, je commencerai cette série par un article concernant le carrossier et dessinateur en voiture Baslez. En effet, la riche iconographie, que vous pouvez découvrir dans cet article, provient des recherches d'Henry Baup. Il y a une dizaine d'année, un collectionneur privé l'avait autorisé à photographier ces documents "oubliés" dans une malle. Henry me les avait transmis en vue de la réalisation d'une communication en commun (non aboutie à l'époque par manque d'informations) .
BASLEZ
Carrossier et dessinateur en voiture; extraits albums et recueils.
Ce carrossier et dessinateur en voitures parisien doit, dans sa première activité de carrossier, bénéficier d'une certaine renommée pour que le dramaturge Roger de Beauvoir le cite dans une de ses nouvelles; " Nous passerons ensuite chez Baslez pour un cabriolet; avec beaucoup d'argent, Crémieux vous vendra un cheval anglais passable." -Nouvelle; Le dessous des cartes, publié dans les années 1830-
Cependant, nous ne connaissons que peu de choses sur son parcours professionnel et sa nationalité d'origine. D'après les recherches d'Andres Furger, il aurait suivi une formation initiale de forgeron. En 1823, il se présente comme carrossier puis, plus tard, comme dessinateur en voiture.
Carrossier:
De 1823 à 1839, on le trouve inscrit comme carrossier à l'annuaire de Paris, au 66 rue Neuve-des-Mathurins puis, de 1841 à 1843, au 88 rue Neuve-des-Mathurins. -Recherches de Jean Louis Libourel-
A ce jour, il ne reste pratiquement aucune trace de sa production. Cependant, on trouve la marque Baslez gravée sur les ressorts de la berline de gala du cardinal Pecci. On peut donc envisager qu'il ait participé à la construction de cette voiture, au minimum pour la réalisation des "pièces de forge".
Berline du cardinal Gioacchino Pecci (1810-1903) archevêque de Pérouse, puis pape Léon XIII (1878-1903). Le train possède quatre ressorts en C signés BASLEZ, carrossier à Paris. Selon Rudolf Wackernagel la caisse pourrait être de fabrication italienne. Propriété de la famille Pecci-Blunt, cette berline a été mise en dépôt par le comte Stanislas Pecci au Museo di Roma (Palais Braschi) à Rome, où elle a été exposée plusieurs années avant d'être vendue à un collectionneur allemand en 1986. (photo Andres Furger)
Dessinateur en voitures
Raisons de la place grandissante prise par les dessinateurs au début du XIX°:
En 1830, Ginzrot note que, depuis les années 1780, l'accroissement de la demande de voitures publiques, commerciales et de luxe ("de fantaisie") s'est fortement amplifiée, entraînant pour toutes ces catégories de véhicules la création de nouvelles fabriques de voitures. Ce mouvement n'est qu'à son début car la mode de posséder sa propre voiture s'étend rapidement à de nouvelles couches aisées de la population. Un indicateur significatif de cette évolution est l'intégration, dès 1802, de dessins de voitures dans le complément du "Journal des dames et des modes" qui s'intitule "Collection de meubles et objets de goût".
Cette expansion de la demande pose les bases de ce qui permettra de qualifier le XIX° siècle "d'âge d'or de la voiture". L'organisation traditionnelle de construction, basée sur la cotraitance entre différents corps de métiers ainsi que le nombre limité d'ateliers ne permettent pas de répondre à la demande. Il s'en suit donc l'émergence de nombreuses nouvelles fabriques, organisées différemment, qui améliorent leur productivité et la maitrise de la qualité en privilégiant le regroupement de tous les métiers en leur sein. Pour répondre aux attentes de la clientèle, ces entreprises sont à la recherche de nouveaux modèles innovants, aussi bien au niveau technique qu'esthétique. Elles font donc appel à des créateurs; les dessinateurs ou, autre terme employé, "architectes" en voitures".
Le parcours de Baslez comme dessinateur:
Baslez abandonne progressivement le métier de carrossier pour s'investir dans la création et le dessin de voitures. Au cours de ce 2° tiers du XIX° siècle, il deviendra le dessinateur le plus actif d'Europe continentale en proposant pas moins de 700 modèles. La question de sa formation de dessinateur reste une énigme mais on constate qu'un certain nombre de ses dessins portent la mention; "réalisés selon les principes de Duchesne". Entre autres éléments en sa possession, cette inscription amène Andres Furger a poser l'hypothèse que Baslez s'est initié au dessin auprès de Duchesne dont il aurait été l'élève.
Commencée dans les années 1830, son activité de dessinateur bénéficie de ses expériences de carrossier et de forgeron qui lui permettent d'intégrer dans ses modèles les avancées techniques du moment, tout en tenant compte des gouts esthétiques de la clientèle. En 1835, il publie une première série de dessins, intitulée: Collection de Messageries, Messageries-Omnibus et voitures de Pension.( n° 1.Petite Messagerie à flèche, n° 2.Voiture de pension, n° 3.Messagerie à six ressorts, n° 4.Grande Messagerie, n° 5.Messagerie Omnibus, n° 6.Grande Messagerie à six ressorts et passage de roues, n° 7.Petite Messagerie – Omnibus avec passage de roues, n° 8.Voiture basse et légère de Pension, n° 9.Omnibus ou voiture de pension à deux ressorts.)
Ce secteur spécifique du transport public et de la messagerie commence, en ce 2° quart de siècle, à souffrir de la concurrence du chemin de fer. Le marché devient moins porteur et Baslez s'oriente vers la carrosserie de luxe, dans laquelle il se spécialise définitivement en 1840. Dès 1837, il finance une publicité visant à promouvoir l'édition d'une série de modèles de luxe, intitulée:. " Composition de voitures de fantaisie,... dessins nouveaux arrivant de Londres". Bien qu' attentif, comme le montre le titre de cet album, aux tendances de la mode anglaise, il développe une esthétique personnelle dans de nombreuses autres séries qu'il éditera jusqu'à son décès au début des années 1860.
Par leur nombre, qualité et leurs innovations, ses dessins, comme ceux de Duchesne, Guillon, Guetting,.. eurent une grande influence sur l'évolution de la mode carrossière de cette première partie du XIX°.
"Mais, il ne fallait pas non plus oublier Baslez dont les centaines de dessins inondèrent la capitale parisienne. Présentées le plus souvent attelées, ses voitures reflétaient la mode des formes contournées qui se développa dans les années 1830-1850" -C. Rommelaère-
S'il est influencé, en 1837, par la mode anglaise, il développe très vite un style propre à l'esthétique facilement identifiable. Ses modèles sont repris par certains carrossiers ou magazines comme le GDC mais aussi à l'étranger; en Allemagne (où le dessinateur Jansen reprend à son compte nombre des dessins de Baslez), en Amérique, en Angleterre ou en Suisse.
"Tilbury" en impression noir et blanc, diffusé en Allemagne par Jansen en 1847, qui reprend le modèle (ici colorisé) créé précédemment par Baslez.
Il faut cependant nuancer son impact en spécifiant que l'évolution des modes en carrosserie résulte d'une forte interaction entre les carrossiers au niveau national et international. Ainsi, le Brougham voiture à un cheval, construit par les carrossiers anglais vers 1838, ne se différencie que par une descente de coffre d'un modèle de petit coupé conçu à la même époque par Baslez en France et de celui du carrossier viennois Brandmayer en Autriche.
Dans certains cas il est cependant possible, par l'historique de la datation, de s'assurer de l'influence d'un créateur sur les réalisations de ses pairs et donc sur l'évolution des modes. En voici quelques exemples pour Baslez:
-Dog cart:
D'après Faverot de Kerbrech, Baslez publie vers 1850 le dessin d'un dog-cart à 2 roues à brancards articulés. Le terme "vers" m'amène à faire l'hypothèse que cette parution est antérieure à la publication de la fin de la décennie du même dessin sous la signature d'un autre carrossier. En général, Baslez précise l'origine du dessin et son éventuel brevet s'il n'en est pas le créateur. (Voir plus bas le dessin du char à bancs breveté par Waidele)
En 1859, sous la signature de C.J. Culliford, la revue anglaise "The carriage Builder's and harness makers Art journal" publie le dessin d'un dog-cart de la maison Belvalette frères à Paris identique donc au dessin réalisé par Baslez.
Modèle de Belvalette Paris publié dans "The carriage Builder's and harness makers Art journal" (source Tradition Farhkrunst)
Le brevet de cette voiture aux brancards articulés a été breveté cette même année par Belvalette frères. Baslez étant décédé dans les années 1859 1860, sa copie par Baslez à la fin de sa vie est envisageable mais me semble peu probable. Seul le dessin original daté précisément, et que je n'ai pour l'instant pas trouvé, pourrait nous donner une certitude sur l'identité de l'inventeur de la voiture.
La maison "Belvalette frères" déclinera par la suite ce même modèle sous diverses versions dont une sera décrite dans le "Mercure universel" de Guillon en novembre 1860.
Il diffère légèrement au niveau esthétique de l'original mais cela est courant car les carrossiers s'adaptent avant tout au goût de leur clientèle et peuvent modifier ultérieurement un modèle, en y intégrant des avancées techniques ou éléments de la mode esthétique du moment. Ainsi, sont conservés de nos jours des exemplaires de ce dog-cart à brancards articulés de la maison "Belvalette frères" dont l'aération a été modifiée; une plaque détachée de la caisse remplaçant les jalousies.
Dog-cart Belvalette frères dotée d'une plaque détachée remplaçant les jalousies du modèle original. (collection Ricchard Fabre)
Quelques années plus tard, en 1871, le carrossier belge Alfred D'Ieteren exécutera le dessin d'un dog-cart reprenant exactement le dessin réalisé par Baslez vers 1850.
Desssin du carrossier belge D'Ieteren (source Voitures et carrossiers au XVIII° et XIX° siècle de Catherine Rommelaère)
-Spider phaéton
Si Berkebile mentionne que le spider phaéton est une invention américaine introduite en Europe en 1861, Brice Thomas affirme que c'est une importation anglaise, datant du début des années 1870, mais qu'un type de voiture similaire nommé Sylphide circulait déjà en France. Il semble que Baslez les ait précédé en dessinant, bien avant, une voiture présentant les mêmes caractéristiques; "De fait, on trouve un modèle très semblable dans les dessins de Baslez, en 1845, où il est appelé "Phaéton tilbury", ce qui semble bien devoir remettre en question la prétendue conception ou origine américaine de cette voiture".-Rommelaere-
- Cab à la française:
Baslez pourrait être l'initiateur de la création du cab à quatre roues dit à la française dont il dessina, en 1839, la plus ancienne représentation connue à ce jour.
Les productions de Baslez:
Depuis les années de 1840, Baslez se décrit dans ses parutions comme dessinateur; "dessinateur spécial" ou "dessinateur pour la carrosserie".
Si de temps à autres il peut éditer des dessins provenant de carrossiers connus comme par exemple Morel, l'essentiel de ses modèles, édités dans le cadre de séries; "Voitures nouvelles par Baslez", "Publication de voitures nouvelles par Baslez" ou "Modes nouvelles publiées par Baslez", est de sa propre création, même s'il peut être influencé par les autres créateurs du moment.
Il installe son atelier entièrement dédié à la création de dessins à plusieurs adresses:
1838-1839. 2 rue de la bienfaisance à Paris
1840-1851. 23 rue de l'arcade
1852. 55 rue de l'arcade
1853-1856. 69 rue Montaigne, 6 impasse Bodin Champs Elysées
1856-1860. 13 rue de Chaillot
Selon les périodes, ses publications sont produites par divers imprimeurs et diffusées par différentes maisons d'édition. Il les commercialise sous forme d'abonnements mais réalise aussi des modèles sur commande. On trouve dans sa clientèle de grands carrossiers parisiens comme, par exemple, Millon- Guiet; "Cette entreprise utilisait des modèles des "Voitures nouvelles" et se servait de ses planches comme fiches pour ses clients."- Andres Furger-
D'après Andres Furger, Baslez conçoit ses modèles et les dessine mais en réalise aussi "probablement les plans de construction". A sa connaissance, les textes explicatifs et instructions de construction accompagnant ces illustrations n'ont, à ce jour, pas encore été retrouvés.
Baslez réalise ses dessins au 1/24° ou 1/25 selon les principes techniques établis par Duchesne. Contrairement à certains dessinateurs de l'époque, il n'utilise pas de cache pour présenter des voitures transformables mais réalise des dessins successifs.
Sur chaque planche apparaissent différentes informations, le plus souvent manuscrites, indiquant le nom et l'adresse de Baslez, ceux de l'imprimeur, de l'éditeur et la dénomination de la voiture et son numéro.
Grace à une équipe de collaborateurs, il diffuse ses créations sous différentes présentations:
-une impression basique en noir et blanc. (vendue 2frs)
-une impression colorisée en différentes combinaisons de couleurs. (vendue 2,50Frs). Le travail est effectué à la main par une équipe dont fait partie, comme "première coloriste", une artiste reconnue; madame Patrive. Certaines couleurs nous apparaissent surprenantes sinon criantes. Faut il l'imputer au goût artistique du coloriste, au choix initial du dessinateur ou à une coloration ultérieure?
-une impression présentant la voiture attelée: Pour donner à ses modèles une présentation artistique, il fait appel à l'artiste Joigny qui complète le dessin de la voiture par une mise en situation intégrant le paysage, des personnages, des chiens, des chevaux et harnais. (vendue 3,50 Frs).
Vous allez retrouver ces différentes présentations dans l'album ci dessous.
Exemplaires de dessins réalisés par Baslez.
Origine de ces dessins:
Au décès de Baslez, des documents et le fonds des dessins de Baslez entre en possession de Brice Thomas.
Celui-ci est créateur:
- d'un enseignement technique du soir pour les contremaîtres, chefs d'atelier, ouvriers spécialisés; "Cours industriel des ouvriers réunis"
- d'un bureau d'études et dessins (1858); "L'atelier des plans de voitures en grande exécution".
- du journal professionnel; "Le guide du carrossier".
Dans les premières années de parution du Guide du Carrossier, Brice Thomas s'appuie partiellement sur ce fonds documentaire. Il publiera dans le GDC des modèles strictement identiques aux estampes de Baslez ou des versions légèrement modifiées. Leur présentation reprendra, par contre, la codification caractéristique du Guide du carrossier; intégrant un dessin en noir et blanc, les cotes, un texte de présentation et une estampe, non plus colorisée manuellement mais obtenue par impression couleur.
Par ailleurs, Brice Thomas continue à vendre les estampes issues du fonds de Baslez. Ces dessins seront alors marqués de différents tampons suivant les périodes de diffusion. Il est également envisageable que ces dessins sont utilisés en tant que tels dans les autres activités précédemment citées de Brice Thomas; cours, bureau d'étude.
Les exemplaires que nous vous présentons proviennent de ce fonds acquis par Brice Thomas. Je les ai classés par périodes afin d'en faciliter la datation. Les dessins sont présentés, quand cela est possible, dans leurs différentes versions; noir et blanc et coloriées. Vous constaterez que la dénomination des voitures est assez déroutantes car la même appellation:
-est parfois orthographiée différemment comme Wourch, Vourst, Vourk,..
-peut désigner des voitures aux caractéristiques différentes. Le nom de "char à banc" par exemple couvre, comme vous allez le constater, un spectre de types de voitures assez variés. En ce début du XIX°, la nomination des voitures est avant tout commerciale et s'appuie peu sur des caractéristiques techniques des véhicules. Cette habitude perdurera tout le XIX°. Pour mettre en avant cette spécificité, j'ai classé ces voitures par le nom donné par leur auteur et non par par leurs typologie.
Dessins de Baslez provenant du fonds Brice Thomas
Cliquer sur les dessins pour les agrandir
Période 1840-1852: Domiciliation rue de l'arcade
Voiture de M Waidele breveté en char à bancs. Comme cité dans l'article, Baslez diffusait également le dessin de voitures provenant de grands carrossiers de la place parisienne.« M. Waidèle s’est placé au nombre des premiers fabricants de voitures de Paris, par l’importance de sa fabrication, l’excellence, la commodité, l’élégance, et aussi par le bon marché de ses voitures. » (Le Panthéon de l’industrie, 1844)
Coupé chaise de 1840 qui porte le tampon Brice Thomas L Dupont de 1893 (source Fahrkrunst Driving Andres Furger.)
Dans la seconde partie de cet article, à paraitre prochainement, nous exposerons les dessins que propose Baslez lorsqu'il est installé à partir de 1853 dans le quartier des Champs Elysées au plus proche de la clientèle potentielle des grands carrossiers parisiens.
Texte:
Patrick Magnaudeix
Documentation
Henry Baup, Patrick Magnaudeix, Jean Louis Libourel
Bibliographie
Catherine Rommelaere: "Voitures § carrossiers aux XVIII° et XIX° siècle"
Andres Furger: "Kutschen Europa des 19 un 20 jahrunderts Band 1 "
"Andres Furger: "Kutschen Europa des 19 un 20 jahrunderts Band 2
Faverot de kerbrech "L'art de conduire et d'atteler"