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Les petits fardiers du port d’Ivry

Les cours d’eau sont des axes structurants majeurs, pour le paysage comme pour l’économie. Depuis toujours complémentaire des transports routiers (et du transport ferroviaire depuis le milieu du XIXe siècle), la batellerie a permis l’approvisionnement des villes en nourriture et en matériaux. Rares sont les capitales régionales ou nationales qui ne soient pas associées, au moins initialement, à une économie portuaire.

Mariniers et voyageurs s’y mêlent à la population sédentaire des débardeurs, des négociants, des artisans. C’est aussi l’endroit des « ruptures de charge », celui où les voituriers par eau et les voituriers par terre échangent leur fret.

Céréales, vin, bois, charbon, pierre, sable et combien d’autres cargaisons ne cessent d’aller et venir sur l’eau ; un trafic à peine interrompu par quelques frimas ou inondations mémorables.

Via les peintres et les photographes, ces fourmilières que sont les quais, ont laissé aux amateurs d’attelées une source intarissable d’intérêt.

Paris vit ainsi au rythme de dizaines de kilomètres de quais répartis sur 70 sites. A la confluence de la Seine et de la Marne, Ivry est un des plus anciens et des plus grands ports périurbains de la capitale.

On y a immortalisé, vers 1900, un curieux attelage…Trois images (2 cartes postales et une mauvaise photographie anonyme) nous dévoilent un étonnant petit fardier attelé de quatre chevaux en file.

Les petits fardiers du port d’Ivry
Les petits fardiers du port d’Ivry
Les petits fardiers du port d’Ivry

Une robuste constitution

Son bâti est sobre, râblé. Il sert, de toute évidence, à conduire du bois débité depuis les péniches amarrées jusqu’à une zone de stockage.

Ce petit véhicule ne dispose pas, a priori, d’un avant train mobile qui, s’il existe, n’autorise de toute façon qu’un très faible braquage. Les roues arrières, d’un (légèrement) plus grand diamètre qu’à l’avant, inclinent son plateau ce qui permet de compenser un peu la pente du quai… Pour éviter que la charge glisse pendant la remontée ? Tout indique une utilisation en ligne droite uniquement, sur quelques mètres, en l’attelant indifféremment par l’avant ou l’arrière (sans doute faut-il imaginer en descente, phase évidemment dangereuse,  un enrayement quelconque, toutefois invisible sur la photographie).

 

A flanc de bateau, on voit également un pont, solide, monté sur des roues d’un respectable diamètre. Ce dispositif présente vraisemblablement le triple avantage de pouvoir être déplacé, de se jouer par bascule des variations de niveau et d’amener notre surprenant véhicule au plus près des cales. Si le fardier est de toute évidence positionné à la force des bras, l’attelage semble quant à lui (savourons la prouesse) reculé « au cordeau »…

 

Un attelage tout en force

Les chevaux sont, dans leur modèle, complètement représentatifs des types employés au gros camionnage au début du XXe siècle. Gris, noirs, bais, alezans, Percherons, Boulonnais, chevaux de nord ou de Bretagne, croisés… Ici la race importe peu, seuls l’action et le dressage comptent (même si une attelée de charretier, digne de ce nom, se doit d’être remarquable d’unité !). L’effectif est sans doute justifié par la raideur de la rampe et le grand nombre des allers-retours que supposent le déchargement d’une péniche « Freycinet » (250 à 350 tonnes).

La permanence, d’une image à l’autre, d’attelages à quatre chevaux exclut pratiquement qu’ils soient ceux d’entrepreneurs venus chercher leur commande : ce type d’attelage est relativement rare dans les rues. A qui appartiennent alors ces chevaux ?

On appréciera enfin le réglage des harnais, typiques des « tractionneurs » de force.

 

 

Retenons trois choses pour conclure : cet attelage prouve, s’il le fallait encore, la passionnante diversité des attelages urbains, la remarquable adaptation des charrons aux besoins particuliers et, enfin, combien les gestes de l’attelage « utilitaire », patrimoine immatériel d’excellence, nous sont désormais inconnus.

 

 

 

 

Texte:

Etienne Petitclerc

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T
Superbes images. Elles me rappellent les propos d 'Henry BAERT figure inoubliable du Sud ouest sur le menage au cordeau et la célèbre "Juny" qui dans son attelage à quatre répondait autant à la voix qu'au guides...Souvenirs souvenirs
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M
Bonjour et merci pour ce nouvel article très instructif malgré les aspects aujourd'hui méconnus. On s'aperçoit combien les charrons savaient s'adapter aux besoins particuliers, et combien les chevaux et leur dressage spécifique étaient importants ...
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W
Les véhicules hippomobiles jusqu'àu moyen âge n'avaient pas d'avant-train. Ils tournaient en dérapant. La conséquence était que ces véhicules étaient réalisés avec des roues à bandage sur-dimensiones et qu'il fallait une puissance de traction importante, souvent, au minimum, de trois chevaux en ligne appelés tridem ou triplette. Les routes rectilignes pouvaient compenser en partie le manque de ce dispositif "avant-train". Au moment où la photo est apparue, l'avant-train existait déjà. On peut donc imaginer que ce fardier servait uniquement à déborder les marchandises.
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M
Merci pour ce reportage qui me permet d'enrichir mes connaissances du monde du travail d'alors...
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