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L’attelage À la d’Aumont : royal ! Jean-Louis Libourel

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L’attelage À la d’Aumont : royal !

 

Jean-Louis Libourel

 

 

Pour tous ceux qui aiment chevaux et voitures, Cuts (Oise) est « La Mecque » des beaux équipages. Son concours annuel attire le nec plus ultra de l’attelage de tradition international. Cette année 2015, soixante-huit attelages y ont concouru. Parmi eux, figurait, et c’était une grande première, une rareté : un attelage à la d’Aumont.

Amoureusement composé par son propriétaire, Antonio Gutierrez, cet équipage venait de Jerez de la Frontera dans le sud de l’Andalousie. Il était composé d’un grand duc à huit ressorts construit par l’un des plus importants  carrossiers viennois, Sebastian Armbruster, tiré par quatre chevaux gris et précédé d’un piqueur monté sur un bai brun.

	Attelage à la d’Aumont d’Antonio Gutierrez. Grand duc du carrossier Sebastian Armbruster à Vienne. Concours international d’attelage de tradition, château de Cuts 23 mai 2015.

Attelage à la d’Aumont d’Antonio Gutierrez. Grand duc du carrossier Sebastian Armbruster à Vienne. Concours international d’attelage de tradition, château de Cuts 23 mai 2015.

 

Laissons les puristes débattre de l’exactitude et de la correction de chaque élément de cet équipage, comme la robe bai brun du cheval du piqueur, sa bride à œillères, ou tel ou tel autre point. Pourquoi bouder le plaisir rare de voir évoluer  pareil équipage ? En effet, aujourd’hui on ne peut admirer ce type d’attelage  exceptionnel qu’à l’occasion de cortèges officiels dans quelques capitales où existent les dernières écuries royales d’Europe : Londres, La Haye, Copenhague, Stockholm.

 

 

Un attelage fastueux

 

Durant son séjour en Angleterre où il avait émigré, ainsi que de nombreux aristocrates fuyant la terreur révolutionnaire, le duc d’Aumont (1762-1831), familier de la cour de France et grand amateur de chevaux, avait observé dans les rues de Londres des voitures sans cocher, tirées par quatre chevaux menés par deux postillons. A son retour d’exil, ce grand seigneur introduisit en France cette élégante façon d’atteler. Devenue à la mode, elle prit le nom de celui qui l’avait fait connaître. Aussi doit-on dire, ou écrire, à la d’Aumont, qui est la forme correcte. La contraction Daumont, vulgarisée par l’usage, s’applique aux voitures attelées de cette manière. Ces dernières se caractérisent dans la plupart des cas par l’absence de siège de cocher.

Très spectaculaire et fort dispendieux — pour sa marche, une grande d’Aumont exige sept chevaux et sept domestiques ! — cet attelage, qualifié par le célèbre sellier parisien Léné dans son splendide catalogue La sellerie française et étrangère (1878) « d’attelage riche et fastueux, de grande maison »,  a été exclusivement  réservé durant tout le XIXe siècle et le début du XXe aux souverains et aux chefs d’état.

Dès le Premier Empire, il est fréquemment utilisé pour les calèches de chasse et de promenade des impératrices Joséphine et Marie-Louise.

	Calèche à la d’Aumont, 1er empire. Détail d’une peinture d’Alexandre Dunouy, Vue du château de Benrath. Paris, Palais de l’Elysée.

Calèche à la d’Aumont, 1er empire. Détail d’une peinture d’Alexandre Dunouy, Vue du château de Benrath. Paris, Palais de l’Elysée.

 

Ayant la faveur de Napoléon III, il jouit sous le Second Empire, de la plus grande vogue : le service à la d’Aumont des écuries impériales comprend douze calèches, huit landaus, un grand duc et une grande coureuse, le tout à huit ressorts

	La reine Victoria et l’impératrice Eugénie se promenant dans le parc de Compiègne dans un grand duc à huit ressorts attelé à la d’Aumont. Peinture de J. Audy.

La reine Victoria et l’impératrice Eugénie se promenant dans le parc de Compiègne dans un grand duc à huit ressorts attelé à la d’Aumont. Peinture de J. Audy.

 

Sous la Troisième République, le Palais de l’Elysée entretient des chevaux de d’Aumont pour les calèches et les landaus présidentiels. Alexandre Millerand a été le dernier président à utiliser ces attelages entre 1920 et 1924. 

	Calèche à la d’Aumont de la Présidence de la République (Le Petit Journal, 11 octobre 1896

Calèche à la d’Aumont de la Présidence de la République (Le Petit Journal, 11 octobre 1896

 

Atteler à la d’Aumont consiste à faire tirer une voiture par quatre chevaux conduits par deux postillons. Ces derniers, montés sur les chevaux de gauche, les porteurs, dirigent chacun leur monture et le cheval à leur droite, le sous-verge. 

	« Equipage de Madame la duchesse de*** à Longchamp. Voiture des ateliers de Touchard, avenue de Neuilly, Champs Elysées. Attelage à la d’Aumont». (Le Bon Ton Journal des Modes, 1836)

« Equipage de Madame la duchesse de*** à Longchamp. Voiture des ateliers de Touchard, avenue de Neuilly, Champs Elysées. Attelage à la d’Aumont». (Le Bon Ton Journal des Modes, 1836)

 

Elégance oblige, les harnais sont à colliers anglais dont les attelles ne sont pas munies de clefs. Il n’y a pas de balance entre les deux paires de chevaux : les traits des chevaux de volée sont fixés sur ceux des timoniers.

Harnais de d’Aumont. Léné, La sellerie française et étrangère, 1878.

Harnais de d’Aumont. Léné, La sellerie française et étrangère, 1878.

 

Pour éviter au postillon montant le timonier gauche d’avoir la jambe intérieure écrasée entre le flanc de son cheval et le timon de la voiture, celui-ci, au lieu d’être droit, est incurvé et passe sous le pied du cavalier dont l’étrier intérieur est raccourci. Par précaution supplémentaire, on glisse dans la botte un garde-jambe protecteur rigide.

Outre les postillons, le service d’une d’Aumont appartenant au chef de l’Etat, ou à un prince d’une maison régnante, comprend un piqueur à cheval précédant la voiture, derrière elle deux garçons d’attelage, également à cheval, et deux valets de pied prenant place sur un siège extérieur, à l’arrière de la voiture. On l’appelle alors grande d’Aumont. 

	Grande d’Aumont avec piqueur et garçons d’attelage, mais sans valets de pied, faute de siège à l’arrière de la caisse. Calèche de l’empereur d’Autriche dans le parc du palais de Schönbrunn. Peinture anonyme, vers 1860 (Vienne, Kunsthistorisches Museum).

Grande d’Aumont avec piqueur et garçons d’attelage, mais sans valets de pied, faute de siège à l’arrière de la caisse. Calèche de l’empereur d’Autriche dans le parc du palais de Schönbrunn. Peinture anonyme, vers 1860 (Vienne, Kunsthistorisches Museum).

 

Les d’Aumont des simples particuliers n’ont souvent qu’un valet de pied assis à l’arrière.

Léné précise : « chevaux de devant légers et élégants, ceux de timon grands et bien membrés. Attelage riche et fastueux, de grande maison, pour calèches, landaus et vis-à-vis à huit ressorts, avec coffre détachés devant et derrière ». Seules des voitures de ville de grand luxe sont attelées à la d’Aumont : outre celles citées par Léné, les victorias, les grands ducs, les berlines et les grands coupés peuvent l’être aussi.

	Calèche d’Aumont du prince Constantin Radziwill, à Paris. Photo Delton, 1906.

Calèche d’Aumont du prince Constantin Radziwill, à Paris. Photo Delton, 1906.

	Landau des écuries royales anglaises attelé à la d’Aumont.

Landau des écuries royales anglaises attelé à la d’Aumont.

 

Plus modeste, l’attelage en demi-d’Aumont ne comporte que deux chevaux, un postillon, un seul valet de pied à l’arrière, ni piqueur, ni garçons d’attelage. Léné dans sa description du harnais de demi-daumont [sic] indique : « chevaux forts et élégants ; attelage pour calèches, vis-à-vis, mylords et victoria à double suspension, et généralement pour toutes voitures légères et élégantes de forme ».

	Attelage en demi-d’Aumont. « La promenade », estampe d’Eugène Guérard (1821-1866)

Attelage en demi-d’Aumont. « La promenade », estampe d’Eugène Guérard (1821-1866)

	Duc du comte de Lambertye attelé en demi d’Aumont. Photo Delton, 1866.

Duc du comte de Lambertye attelé en demi d’Aumont. Photo Delton, 1866.

	Harnais de demi-d’Aumont. Léné, La sellerie française et étrangère, 1878.

Harnais de demi-d’Aumont. Léné, La sellerie française et étrangère, 1878.

 

Ainsi voit-on la reine Elisabeth II présider depuis 1987 la cérémonie annuelle du Trooping of the colour non plus à cheval, comme elle l’a fait durant de longues années, mais à bord d’un duc, dénommé Ivory phaeton, attelé en demi-d’Aumont. Ce duc aux précieuses garnitures en ivoire, d’où son nom, a été construit pour la reine Victoria en 1842 par la célèbre maison Barker à Londres.

	La reine Elisabeth II dans un Duc attelé en demi-d’Aumont lors de la cérémonie du Trooping of the colour en 1987

La reine Elisabeth II dans un Duc attelé en demi-d’Aumont lors de la cérémonie du Trooping of the colour en 1987

De la distinction avant tout

 

Selon le général baron Faverot de Kerbrech (L’Art de conduire et d’atteler, autrefois, aujourd’hui, 1903)  longtemps écuyer aux écuries impériales de Napoléon III et grand connaisseur en la matière, « les chevaux de d’Aumont doivent être grands et construits en chevaux de sang, avec de longues lignes et de la distinction….. Celui du piqueur doit être de même modèle que ceux de la voiture qu’il précède, mais plus distingué ». Les chevaux des garçons d’attelage doivent être pareils à ceux de la voiture, puisqu’ils sont destinés à prendre leur place dans les traits, en cas d’accident, et sont harnachés comme les deux porteurs : selles identiques, brides complètes à muserole et œillères. Le cheval du piqueur a une bride sans œillère.

	Garçons d’attelage des Ecuries royales anglaises montés sur des chevaux à brides à œillères. Ascot 2015.

Garçons d’attelage des Ecuries royales anglaises montés sur des chevaux à brides à œillères. Ascot 2015.

 

Le postillon de devant doit obéissance à celui de derrière qui dirige les timoniers. De lui dépend la sécurité de la voiture.

L’attelage à la d’Aumont relevant plus de l’équitation que du menage, notre général baron affirme « qu’un postillon de d’Aumont doit être placé à cheval de la façon la plus irréprochable. Tout en lui doit être académique sous peine de tomber dans les “à peu près” qui côtoient le ridicule en matière d’élégance….. Le trot à l’anglaise est de règle…... Dans tous les cas, et quelle que soit l’allure, la position du postillon doit rester correcte. Il se rappellera que toute attitude forcée est disgracieuse et proscrite par le bon goût ».

 

Il est rare aujourd’hui de pouvoir admirer des attelages à la d’Aumont ailleurs que dans les capitales européennes sièges d’une monarchie, à l’occasion de cérémonies, mariages princiers, visites de chefs d’Etat, cortèges officiels… C’est à Londres qu’on peut en voir le plus souvent, ainsi qu’à Ascot où ils sont attelés aux fameux Ascot landaus reconnaissables à leurs caisses cannées. 

	le State Landau (Hooper, 1902) attelé à la d’Aumont. Londres, mariage du prince Andrew avec Sarah Ferguson  le 23 juillet 1986.

le State Landau (Hooper, 1902) attelé à la d’Aumont. Londres, mariage du prince Andrew avec Sarah Ferguson le 23 juillet 1986.

	Ascot landau attelé à la d’Aumont. Londres, mariage du prince Edward avec Sophie Rhys-Jones le 19 juin 1999.

Ascot landau attelé à la d’Aumont. Londres, mariage du prince Edward avec Sophie Rhys-Jones le 19 juin 1999.

 

Mais le plus raffiné des attelages à la d’Aumont est celui de la couronne des Pays-Bas composé de magnifiques Frisons pleins de feu dont les abondantes crinières, d’un noir intense, flottent et se mêlent à la soie blanche des guides, des enrênements et des glands de passementerie, et qui emportent une ravissante calèche de couleur crème, construite par le carrossier M.L. Hermans en 1898 pour la reine Wilhelmine, et dont la caisse arrondie en nacelle se balance gracieusement sur huit ressorts. Ne manquez jamais d’aller voir cet équipage unique à l’occasion de ses exceptionnelles sorties dans les rues de La Haye ou dans les allées du Palais Het Loo, résidence d’été de la famille royale : rien n’est plus beau !

	La « Calèche crème » attelée à la d’Aumont à… six chevaux (Apeldoorn, Palais Het Loo, championnat du monde d’attelage à quatre chevaux, 1982)

La « Calèche crème » attelée à la d’Aumont à… six chevaux (Apeldoorn, Palais Het Loo, championnat du monde d’attelage à quatre chevaux, 1982)

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J
tres bienne <br /> merci pour ce travail et la superieur documentation
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J
Pour la Maison du Roi Charles X et pour le Duc de Polignac c'était officiellement des 'Equipages à la Daumont' comme mentionné sur le brevet de Carrossier du Roi de Jean Jacques Binder. Excellent article.
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J
Magnifique, merci pour ce travail…
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