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La 2ème Route des Omnibus : Le “Salon” de l’omnibus Jean-Louis Libourel

 

 

La 2ème Route des Omnibus :

 

 

Le “Salon” de l’omnibus

 

 

 

Jean-Louis Libourel

 


 

Organisée en Alsace dans la belle et verdoyante région de Wissembourg par Eric Macrez, Président de l’Association “Les Attelages du Houdon”,  la 2ème Route des Omnibus a donné lieu les 5  et 6 août 2017 à une exceptionnelle réunion d’Omnibus et de modèles apparentés, dont les équipages appartenaient à cinq nationalités : Allemagne, Belgique, Italie, Suisse et France.

 

Meneur, ancien président de l’Association Française d’Attelage, Eric Macrez, aime les omnibus. Il les  collectionne avec passion. Pour le plaisir de les voir rouler, il a prêté dix d’entre eux à des participants à cette route, venus seulement avec leurs chevaux.  

 

Eric Macrez et son attelage “à l’évêque” sur un omnibus-mail de Klapper à Toulouse (photo F. Durand  IMG  7722)

Eric Macrez et son attelage “à l’évêque” sur un omnibus-mail de Klapper à Toulouse (photo F. Durand IMG 7722)

 

En 2015, il avait organisé une première Route des Omnibus à laquelle avaient participé douze Omnibus. Son succès fut tel que deux ans plus tard la deuxième édition de cette manifestation unique a rassemblé 27 équipages. Cette augmentation spectaculaire s’explique par les témoignages des participants de la première route sur l’excellence de l’organisation. Cette réussite est sans nul doute à l’origine de la forte participation à la deuxième route, notamment de personnalités reconnues du monde de l’attelage, Heinz Sheidel le plus important collectionneur de voitures hippomobiles d’Europe, Andres Furger historien auteur de plusieurs beaux livres sur les voitures hippomobiles et l’histoire de l’attelage, Albrecht Mönch l’un des 4 ou 5 selliers-harnacheurs les plus réputés actuellement en Europe.

Ce succès est dû aussi à l’attrait exercé par une manifestation dont la particularité consiste à  rassembler en un seul lieu des voitures appartenant à un seul et même type. Le risque alors n’est-il pas d’engendrer la monotonie par la répétition justement d’un modèle unique de voitures ? Tout au contraire ! Cette confrontation permet par simple comparaison  de découvrir toutes les variations possibles d’un même type, les astuces des carrossiers pour individualiser leur production, l’originalité et les caractères propres à chaque exemplaire. Bref, réunir des voitures d’un même type se révèle une expérience riche d’enseignements pour qui sait observer. Ainsi, du plus petit au plus grand,  toutes les variantes de l’omnibus privé étaient réunies : le “classique ” omnibus à banquette d’impériale, le bourgeois omnibus de famille à capucine, le discret omnibus-salon, l’aristocratique mail-omnibus, le convertible omnibus à ballon, le très rarissime omnibus à deux roues, mais aussi la tapissière, apparentée à l’omnibus.  Ainsi, la 2ème Route des Omnibus a été un véritable “Salon ” de l’omnibus, un salon vivant et en mouvement, au contraire des salons de l’auto où les voitures sont exposées, statiques.

 

A l’exception d’un omnibus anglais (par Brainsby à Londres), d’un omnibus américain (par Kimball à Chicago), et d’un modèle hollandais (par Wieringa à Oldeboorn), toutes les voitures présentes provenaient d’ateliers de carrosserie français, certains de grande réputation : Binder, Mühlbacher, Morel, Griffault, Lerebourg à Paris ; Gacon, Depigny à Lyon ; Chabrol, Klapper à Toulouse, Dufour à Périgueux ; Briault, Gril à Poitiers.

 

La diversité des attelages était tout aussi riche que celle des voitures : un attelage à un cheval,  dix-neuf attelages à deux chevaux en paire, deux attelages à trois de front, dit à l’évêque, cinq attelages à quatre en grandes guides.

 

 

Une voiture de service

 

Avec le développement du chemin de fer, apparaissent vers 1850 de petits omnibus, généralement à six ou huit places d’intérieur, utilisés pour le transport des voyageurs et de leurs bagages de la gare aux hôtels. Ces voitures de service furent vite appréciées par les « riches propriétaires habitant les châteaux et les maisons de campagne situés à quelques lieues des chemins de fer. Chacun d’eux voulut en posséder un pour ses besoins particuliers » (“Le Guide du Carrossier”, septembre 1861).

 

Ces omnibus privés, sous diverses versions, de château, de famille, à capucine, à ballon, devinrent dix ans après leur apparition « un genre de voiture très répandu » (“Le Guide du Carrossier”, janvier 1861). En vogue en France et en Angleterre, ils restèrent quasiment inconnus jusqu’en 1878 en Amérique du Nord où on les appelle “Opera Bus”.  

L’omnibus privé a été une spécialité de la carrosserie française. Selon N. Belvallette et E. Quenay dans leur rapport sur la carrosserie à l’Exposition universelle de 1878 à Paris « de l’avis général, c’est en France qu’on fabrique le mieux les omnibus ». Sur 350 omnibus actuellement recensés, principalement en Europe, dont le fabricant est identifié, 275 sortent d’ateliers français, 75 d’ateliers étrangers, soit 78%.

 

Modèle français, par Poitrasson carrossier à Paris (“Album des principales voitures exposées en 1878 au Palais du Champ-de-Mars dessiné et publié par Ch. Gourdin dessinateur en voitures, Paris”)

Modèle français, par Poitrasson carrossier à Paris (“Album des principales voitures exposées en 1878 au Palais du Champ-de-Mars dessiné et publié par Ch. Gourdin dessinateur en voitures, Paris”)

 

L’omnibus « particulièrement utile pour la campagne, car souvent le domicile peut être bien éloigné de la gare du chemin de fer, est une voiture à la fois spacieuse et confortable qui convient pour les promenades en famille, pour permettre aux domestiques d’aller en ville chercher les provisions, ou pour les parties de chasse » (“Le Journal de l’Art des Carrossiers”, mars 1898). Sa caisse est fermée par le haut. On accède à l’intérieur par une porte ouverte à l’arrière. Deux banquettes y sont placées longitudinalement, une de chaque côté. Dans son “Traité de menuiserie en voitures ” (1870) Brice Thomas déclare : « C’est la voiture qui, avec des dimensions restreintes et un tirage relativement faible, présente les dispositions les plus favorables pour transporter un grand nombre de personnes et de bagages. On a la faculté d’adopter une longueur de caisse selon les besoins pour lui faire contenir entre quatre places d’intérieur minimum et quatorze places maximum ».

Dans la plupart des cas une banquette est disposée sur le devant de l’impériale. Précisons un point : l’appellation  “omnibus à impériale ” désigne les grands omnibus urbains de transport public avec de nombreux sièges sur l’impériale. Les omnibus privés possédant une banquette sur le devant du toit sont des “ omnibus à banquette d’impériale ”.

 

 

Un modèle “classique ”

 

L’omnibus privé le plus courant, à quatre ou à six places d’intérieur, se caractérise par une caisse à pieds de coupé sur le devant, deux glaces sur chaque côté et une banquette d‘impériale. Placé aux angles antérieurs de la caisse, les pieds de coupé présentent à leur base un profil en forme de pointe, à l’imitation des coupés, dont ils sont une des caractéristiques et auxquels ils sont empruntés.

Ce modèle  “classique ” était le plus représenté sur la Route des Omnibus :  près d’une dizaine d’exemplaires provenant des ateliers Morel, Mühlbacher, Griffault, Lerebourg, à Paris, Gril à Poitiers, Descoins à Bordeaux, Dufour à Perigueux, Depigny à Lyon, Henry et Fils à Nancy.

 

Omnibus classique, par Lerebourg à Paris

Omnibus classique, par Lerebourg à Paris

Omnibus classique, par Mühlbacher à Paris (photo F.Durand IMG 7211)

Omnibus classique, par Mühlbacher à Paris (photo F.Durand IMG 7211)

 

Une variante de ce modèle “classique ” avait été confiée par Eric Macrez à Andres Furger : sa caisse est agrandie sur le devant par une avance à coins ronds, sorte de petit espace vitrée empiétant sur le coffre du siège de cocher. Cette jolie voiture, aux belles proportions, construite à Toulouse par Chabrol Aîné, c’est-à-dire Bonaventure Chabrol dont les deux frères cadets étaient également carrossiers, possède un décor original : une frise de ceinture guillochée d’élégants motifs géométriques imbriqués les uns dans les autres.

 

Omnibus à avance à coins ronds, par Chabrol Aîné à Toulouse

Omnibus à avance à coins ronds, par Chabrol Aîné à Toulouse

Décor de frise, guilloché, de l’omnibus Chabrol Aîné à Toulouse

Décor de frise, guilloché, de l’omnibus Chabrol Aîné à Toulouse

 

Le modèle “classique ” existe aussi dans des dimensions plus grandes. Il comprend alors huit places d’intérieur et trois glaces sur chaque côté. Il est alors qualifié d’omnibus d’hôtel.

Philippe Lamerant était venu avec un exemplaire de ce type, œuvre de Jules Navet carrossier avenue Montaigne à Paris entre 1856 et 1864. On ne connaît que deux autres voitures de J. Navet, un landau et une grande wagonnette, propriétés elles aussi de Philippe Lamerant.

 

Omnibus à trois glaces latérales, par J. Navet à Paris

Omnibus à trois glaces latérales, par J. Navet à Paris

 

L’omnibus de famille : confortable et commode

 

L’omnibus de famille, dit aussi omnibus à capucine ou omnibus bourgeois, est un autre modèle d’omnibus presqu’aussi répandu que le prcédent. Deux exemplaires participaient à la Route des Omnibus : le premier construit à Paris par le carrossier L. Huillet, le second à Bordeaux par le carrossier Descoins. L’omnibus à capucine est mené par le chef de famille depuis le siège avant, confortablement abrité, sur les côtés par des panneaux ajourés d’une  baie vitrée, et, sur le dessus par un petit pavillon fixe, ou, plus souvent, par une petite capote en cuir appelée capucine. Dans son livre “Méthode de l’architecte en voiture” (1856) Guillon le définit ainsi : « Voiture de famille, servant le plus souvent à la campagne ; quand on a à craindre la maladresse d’un cocher peu expérimenté, on conduit alors soi-même, et on est à couvert ; on peut communiquer avec les personnes qui sont à l’intérieur ; en un mot, c’est le cas de dire que l’on est en famille, quoique l’on tienne la place du cocher ».

 

 Omnibus de famille à capucine, par L. Huillet à Paris

Omnibus de famille à capucine, par L. Huillet à Paris

 

Grâce à l’équipage de Jean Etienne, venu de Belgique, on a pu comparer l’omnibus de famille français avec sa version hollandaise, un Kirkbrik, construit par Wieringa à Oldeboorn. Dans ce modèle, la capucine est remplacée par une large avancée de l’impériale en forme de visière, sous laquelle sont insérées deux grandes glaces latérales triangulaires.

 

Kirkbrik, par Wieringa à Oldeboorn

Kirkbrik, par Wieringa à Oldeboorn

 

Le break-omnibus : été comme hiver

 

Trois breaks-omnibus, un de Brainsby à Londres, un second attribué au parisien Binder, le troisième de Thomas Baptiste, propriété du suisse Caesar Wirth, ont pris part à la route.

Le break-omnibus, ou omnibus à ballon, est en fait une wagonnette dont la caisse peut être fermée entièrement grâce à un ensemble amovible, appelé ballon, constitué d’un pavillon et d’un vitrage, qui lui donne l’apparence d’un omnibus. En 1861 “Le Guide du Carrossier” affirme que « l’origine des omnibus-break, ou break-omnibus, ou bien omnibus à ballon, remonte à une dizaine d’années environ », soit vers 1850, et précise, toujours en 1861, qu’on « fabrique très peu d’omnibus-break, c’est-à-dire avec dessus mobile ». Malgré la possibilité de les utiliser été comme hiver, tantôt découvertes, tantôt fermées, ces voitures semblent n’avoir eu qu’un succès limité.

 

10.	Break-omnibus, par Thomas Baptiste à Paris

10. Break-omnibus, par Thomas Baptiste à Paris

 

Le break-omnibus de Caesar Wirth, qui se caractérise par la pureté de ses lignes et la justesse de ses proportions, est l’œuvre de l’un des plus importants carrossiers de Paris, Thomas Baptiste, actif de 1820 à 1877. « Ce fabricant et quelques uns de ses confrères […] se recommandent par les soins et l’attention scrupuleuse qu’ils mettent dans l’exécution de tous les ouvrages de carrosserie qui sortent de leurs ateliers » (“Journal des haras, des chasses et des courses de chevaux”, 1828). Le même journal ajoute en 1829 que Thomas Baptiste « fournit journellement aux amateurs les plus difficiles de la France et de l’étranger des voitures remarquables par leur élégance, le fini de leur travail et leur solidité ». En 1830, la revue  “La Mode” créée l’année précédente par Emile de Girardin surnommé le Napoléon de la presse, le désigne comme « le premier des carrossiers de Paris », auquel la carrosserie française, dans le premier tiers du XIXe siècle, doit les plus grands progrès en matière d’élégance et de perfection. Le rédacteur de “La Mode” déclare encore : « Ce qui caractérise particulièrement l’art de Baptiste, c’est un esprit ingénieux très remarquable ; toutes ses voitures ont cet avantage de pouvoir servir à deux ou trois fins […]. Le haut prix des voitures de ce carrossier à la mode est suffisamment compensé par ces avantages, auxquels il faut ajouter celui d’une extrême solidité ». Sa renommée perdure jusqu’à la fin du Second empire : « parmi les plus anciennes maisons qui se distinguent dans la carrosserie de luxe, une des plus grandes réputations d’il y a 30 ou 40 ans, c’est la maison Thomas Baptiste aux Champs-Elysées » (“Le Cocher français”,  juillet 1869).

Sur près de 10.000 voitures anciennes actuellement recensées, on ne compte que cinq voitures de Thomas Baptiste : une calèche (Piacenza, Museo delle Carrozze), un coupé de gala ayant appartenu au Grand Duc de Luxembourg (Peppange, Musée des Calèches), un mail-phaéton (Saint-Gilles-du-Gard, château d’Espeyran), un phaéton (Espagne, collection privée) et le Break omnibus de Caesar Wirth.

 

 

 

L’omnibus-mail : pour le sportif  four in hand

 

Certains propriétaires souhaitèrent avoir un omnibus dont l’emploi ne se limiterait pas au simple service de leur maison de campagne, mais qui pourrait être utilisé pour des activités plus nobles : chasses, courses, promenades à grandes distances, réunions sportives et mondaines. Pour cela les carrossiers construisirent des omnibus adaptés à ces loisirs aristocratiques. On leur a donné les noms   d’omnibus de château, de chasse ou de campagne.

Les plus luxueux d’entre eux, connus sous les appellations d’Omnibus-mail ou Coaching-omnibus, sont utilisés aux mêmes fins que les très distingués Park-drags et Road-coaches privés, notamment pour la belle pratique du “four in hand”. Ils empruntent à ces prestigieuses voitures leur grand coffre accolé à l’avant de la caisse, ainsi que des sièges d’impériale devant et derrière, et un coffre-lunch garni de tout le nécessaire pour les pique-niques raffinés.

Les plus beaux omnibus-mail sont de fabrication belge, particulièrement ceux du carrossier bruxellois Guillaume Vandenplas.

Malgré leur grande rareté, la présence de trois exemplaires différents  a comblé les connaisseurs. Le plus majestueux, propriété du collectionneur Allemand Heinz Sheidel, avec une finition très soignée et des équipements ingénieux porte la marque d’un carrossier totalement inconnu, Baujard, à Neauphle-le-Château (Yvelines) dont cet omnibus-mail est la seule œuvre recensée à ce jour.

 

11.	L’omnibus-mail de Heinz Scheidel, œuvre de Baujard à Neauphle-le-Château (photo F. Durand IMG 7434)

11. L’omnibus-mail de Heinz Scheidel, œuvre de Baujard à Neauphle-le-Château (photo F. Durand IMG 7434)

 

Eric Macrez, l’efficace organisateur de la manifestation, avait choisi parmi les nombreux omnibus de sa collection, un robuste et imposant modèle doté d’un grand coffre antérieur qui le désigne comme omnibus-mail. Un attelage à trois chevaux de front, communément appelé à l’évêque, tirait allègrement cette puissante voiture, construite par Valentin Klapper, un des 200 carrossiers qui ont fait de Toulouse au XIXe siècle une capitale de la carrosserie.

 

Omnibus-mail, par Klapper à Toulouse

Omnibus-mail, par Klapper à Toulouse

 

D’origine allemande, Klapper avait installé à Toulouse vers 1851 un atelier de carrosserie dont la renommée s’était établie rapidement. Ses produits s’exportaient notamment en Russie, au Mexique, à la Havane. « Les voitures sorties des ateliers de la maison Klapper se distinguent par un cachet d’élégance et de confort » (“Journal des Pyrénées Orientales”, 26 février 1875). En juin 1888, il fait faillite suite à la cessation de paiement de Louis Féraud, marchand de voitures à Saigon, pour lequel il avait fabriqué un grand nombre de voitures, notamment des coupés, qui lui étaient expédiés en Cochinchine (Viêt-Nam actuel) au fur et à mesure de leur confection. 

 

C’est avec l’appellation “Sporting omnibus” qu’était présenté un troisième exemplaire, flambant neuf : rien d’étonnant s’agissant d’une réplique moderne construite en 2008 par les ateliers Mendyka en Pologne. 

 

 

Une perle rare : l’omnibus-salon 

 

Auprès de ces imposants mail-omnibus, l’omnibus de petite taille du lieutenant-colonel Franck Bourigault passait presque inaperçu. Extérieurement, cet omnibus ne se distingue guère du modèle “classique ”, sinon par sa caisse très courte avec une seule glace latérale. Son originalité se trouve à l’intérieur, dans l’agencement des sièges : les deux banquettes longitudinales sont remplacées par une banquette unique placée transversalement dans le fond de l’habitacle et par  deux sièges individuels occupant les angles de la caisse de part et d’autre de la porte.  Au revers de celle-ci, un petit strapontin dissimulé par un rabat de la garniture peut s’insérer entre les deux sièges d’angle avec lesquels, une fois déployé, il forme une seconde banquette faisant vis-à-vis à la première.

 

Omnibus-salon, par Briault à Poitiers

Omnibus-salon, par Briault à Poitiers

 

L’intimité ainsi créée par le rapprochement des sièges est à l’origine de l’appellation Omnibus-salon donnée à cette voiture. Ce nom apparaît, l’une des toutes premières fois, dans  “La Carrosserie Française(15 mars 1908) sous la photo d’un petit omnibus construit par la maison Raguin à Montrichard (Loir-et-Cher).

 

Publicité du carrossier Raguin pour son omnibus-salon (“La Carrosserie Française”, 15 mars 1908)

Publicité du carrossier Raguin pour son omnibus-salon (“La Carrosserie Française”, 15 mars 1908)

 

Le joli omnibus-salon du lieutenant-colonel Franck Bourigault a té réalisé par Briault carrossier à Poitiers. Dans son livre “L’écurie de maître. Guide pratique pour l’entretien des chevaux, des harnais et des voitures” paru après 1891, H. Vallée de Loncey donne le dessin d’un « omnibus léger, de Briault, carrossier, rue de la Préfecture à Poitiers ». Il s’agit d’un Omnibus-salon. La position des quatre passagers visibles derrière l’unique glace latérale, deux tournant le dos à la marche, deux dans le sens de la marche, indique clairement la répartition des sièges propre aux omnibus-salons.

 

15.	Omnibus-salon  (H. Vallée de Loncey : “L’écurie de maître. Guide pratique pour l’entretien des chevaux, des harnais et des voitures”)

15. Omnibus-salon (H. Vallée de Loncey : “L’écurie de maître. Guide pratique pour l’entretien des chevaux, des harnais et des voitures”)

 

L’entreprise de carrosserie Briault à Poitiers a été fondée en 1820. Sa renommée est due, en grande partie, à ses  « omnibus de luxe, plus légers, plus élégants et plus confortables que tous ceux faits jusqu’à ce jour ». Lors de l’Exposition industrielle de Poitiers en 1869 « on a admiré dans les salles consacrées aux beaux-arts et à l’industrie […] la belle carrosserie de M. Briault » (“Annales de l’agriculture française ou recueil encyclopédique d’agriculture”, 1869).

Sa créativité s’exprime aussi à travers diverses inventions : un « nouveau vasistas pour la transformation instantanée de toutes les voitures à capote en voitures d’hiver » en obturant l’ouverture de capote grâce à un vitrage mobile ; ou encore un porte-brancard (“Le Génie Industriel”, 1870).

L’excellence de ses produits lui vaut des médailles d’or et d’argent dans différentes expositions en 1869, 1887, 1890.

Ces minuscules omnibus-salons sont très rares. A peine peut-on citer un bel exemplaire de Chevry carrossier à Limoges (Haras national de Pompadour) et trois autres, également du carrossier Briault, presque identiques à celui qui participait à cette Route des Omnibus : un exemplaire au château de Glatigny à Souday, un exemplaire  dans la collection de La Lodovica à Oreno di Vimercate (Italie), un troisième signalé en vente dans une collection privée près de Morlaix (www.attelage-patrimoine.com  16 mai 2017).

 

Strapontin au revers de la portière d’un omnibus-salon, par Chevry à Limoges (Haras national de Pompadour)

Strapontin au revers de la portière d’un omnibus-salon, par Chevry à Limoges (Haras national de Pompadour)

Strapontin en place entre les deux sièges d’angles d’un omnibus-salon, par Chevry à Limoges (Haras national de Pompadour)

Strapontin en place entre les deux sièges d’angles d’un omnibus-salon, par Chevry à Limoges (Haras national de Pompadour)

 

Les tapissières : à toutes fins

Trois tapissières, joliment baptisées pour la circonstance “omnibus d’été”, s’étaient intégrées à cette grande famille des omnibus. La première signée Gacon carrossier à Lyon, la deuxième Roche Frères à Anonay, la troisième Ch. Perru à Neufchâteau.

 

Tapissière, par Gacon à Lyon

Tapissière, par Gacon à Lyon

 

La tapissière, ou Break-tapissière, est une « voiture française dont on se sert principalement à la campagne en Normandie où elle rend les mêmes services que la wagonnette dans d’autres contrées […] Ces voitures sont fréquemment employées par les familles riches pendant leur séjour à la campagne ; non seulement elles sont très confortables mais elles sont parfois munies d’accessoires luxueux » (“Le Journal de l’Art des Carrossiers”, 30 mars 1898). Aménagées comme les omnibus avec sièges longitudinaux et porte à l’arrière les tapissières sont des sortes d’omnibus ouverts de tous côtés, dont les vitrages sont remplacés par des rideaux de toile ou de cuir suspendus sous l’impériale.

 

L’omnibus à deux roues : unique

Cette 2ème Route des omnibus a été l’occasion pour les amateurs présents de découvrir et d’admirer une voiture exceptionnelle : un Omnibus à deux roues. Cette voiture rarissime a été réalisée par M. Levraut maréchal ferrant à Saint-Nom-la-Bretèche (Yvelines). Selon sa dernière propriétaire, elle aurait été construite pour son grand oncle, Monsieur Hitier, en 1871. Il n’y a pas de hasard : en effet, cette dame a vendu la voiture en 2017 à… Eric Macrez, l’Homme des omnibus, dont la collection s’est ainsi enrichie d’une pièce unique. Confiée à l’allemand Fritz Baur, elle a roulé en tête durant les deux jours de la marche.

 

Omnibus à deux roues, par Levraut à Saint-Nom-la-Bretèche

Omnibus à deux roues, par Levraut à Saint-Nom-la-Bretèche

 

Il existe infiniment peu d’omnibus à deux roues. L’extraordinaire collection de Heinz Scheidel en conserve un exemplaire en bois verni, dans un magnifique état d’origine, œuvre de F. Lerouge carrossier à Labassée (Nord) dont la partie supérieure est amovible comme celle des omnibus à ballon.

 

Selon Dupas, carrossier à Paris rue des Mathurins et successeur de Giron, l’omnibus à deux roues aurait été créé par ce dernier. Ce dont semble douter Le Guide du Carrossierdans son numéro d’août 1890 : « Sans vouloir contester cette origine, elle nous paraît douteuse : nous avons vu sortir plusieurs fois de l’hôtel du baron Gustave de Rothschild, avenue de Marigny, il y a bien huit ou dix ans, une voiture semblable fabriquée par M. Piron, carrossier à Spa, Belgique, et à l’époque nous n’en connaissions pas d’autres dans Paris. Or, il ya lieu de se demander où M. Piron aurait relevé cette voiture. Quoiqu’il en soit de son origine, le modèle ci-dessus [dessin d’un omnibus à deux roues, n° 837] obtient quelque faveur en ce moment sur la place de Paris ; il est même construit par de grandes maisons de carrosserie, non à cause de sa forme gracieuse et de l’harmonie de son galbe, mais bien en raison de quelques avantages qu’il possède. […]

La caisse est divisée en deux corps : celui de l’arrière […] est disposé pour s’asseoir comme dans un omnibus ; il y a une seule place de chaque côté dont l’accès a lieu par la porte de l’arrière ; celui de l’avant comporte deux places en travers, et son pavillon forme une visière semblable à celle des cabs. […] Comme dans les omnibus à capucine, il existe une séparation intérieure comportant une glace mobile. […] Cette voiture, montée bas, est très confortable ; elle a peu de roulis et peu de tangage ; la suspension en est très douce à cause de la longueur de ses ressorts ; les roues, d’un grand diamètre, donnent peu de traction. Enfin c’est un modèle bien disposé pour un usage à la campagne ; le maître peut conduire lui-même.[…] La première voiture que nous avons vu en ce genre était en bois verni ; mais on peut très bien appliquer des couleurs ». Cette description s’applique parfaitement à l’omnibus à deux roues d’Eric Macrez. Ajoutons seulement que cette voiture, en parfait état, est agrémentée à la ceinture d’une frise de demi-balustres.

 

Omnibus à deux roues n° 837 (“Le Guide du Carrossier”, 15 août 1890)

Omnibus à deux roues n° 837 (“Le Guide du Carrossier”, 15 août 1890)

 

Ainsi, dans une ambiance festive et conviviale, la réunion de 27 omnibus sur les routes d’Alsace a permis de découvrir ou de redécouvrir à travers la diversité des modèles la créativité et l’inventivité des carrossiers français… et étrangers.

Tous espèrent un troisième Salon de l’Omnibus ; pardon, une troisième Route des Omnibus !

 

Omnibus à deux roues, par Levraut (ph. F.D. IMG 7122)

Omnibus à deux roues, par Levraut (ph. F.D. IMG 7122)

 

Texte:

 Jean Louis Libourel

 

Photos:

François Durand, Jean Louis Libourel.

 

Cet article est conjointement édité (avec une iconographie différente) dans le magazine "Attelages Magazine" d'Octobre-Novembre 2017 "Spécial tradition".

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J
tres jolies la omnibussen typical French voitures
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J
Ce sont des voitures omnibus très jolies et élégantes..
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