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Vous trouverez une présentation très accessible des articles en allant dans la catégorie "THEMES FAVORIS". Vous y trouverez: carnet adresse, bibliothèque, vidéos,... auteurs et un classement spécifique à chaque catégorie.

Les voitures publiques irlandaises de la Royal Mail Day Cars

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Les voitures publiques irlandaises  de la Royal Mail Day Cars Bianconi.

 

Etonnante histoire que celle de Charles Bianconi,  jeune Italien qui, à 15 ans, quitte son pays pour ne pas être enrôlé dans les armées napoléoniennes et que l'on retrouve quelques années plus tard;  figure nationale irlandaise et  créateur du service de transport public Irlandais " Royal mail day cars Bianconi".

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Charles Bianconi

 

Carlo Bianconi est né le 24 Septembre 1786 dans le village de Tregolo situé dans le nord de l’Italie. Comme les autres habitants de cette partie de la Lombardie, la famille Bianconi vivait de l’élevage des vers  et de la production de la soie. Père de quatre garçons et d’une fille, monsieur Bianconi ne savait que faire de son fils Carlo, élève peu brillant et chahuteur. De plus, nous sommes en 1801 en pleine campagne d’Italie. Pour ne pas être enrôlés dans les armées  napoléoniennes, nombre de jeunes Italiens tentent  d’émigrer vers l’Angleterre. Monsieur Bianconi décida donc de mettre son fils en apprentissage chez un  imprimeur et vendeur de gravures, nommé Andréa Feroni, qui venait lui-même d’émigrer à Londres.

Accompagné de trois autres apprentis; Giuseppe Castelli, Girolamo Camagni et Giuseppe Ribaldi, Carlo traverse  à pied les Alpes et la France, pour rejoindre Londres. L’arrivée de Carlo Bianconi (dont le prénom anglicisé deviendra Charles) coïncide avec la décision de Andréa Féroni de déménager à Dublin ce qui explique pourquoi, en été 1802, le jeune Bianconi, alors agé de 16 ans, se trouvait installé chez son employeur à Dublin près de Essex street Bridge. Ne parlant que quelques mots et s’exprimant avec ses mains, il  est envoyé par Andréa Feroni dans l’Irlande rurale  pour vendre des gravures. Il part à pied, le lundi, vers les régions de Munster et Leinster pour revenir à Dublin, le samedi.

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Colporteur doté de la boite dite en France  porteballe pour porter ici des revues


 En 1804, à la fin de son apprentissage, notre jeune colporteur décida de se mettre à son compte.  Transportant sur son dos ses trente kilos de marchandises, il continue de courir les routes des campagnes anglaises. Son activité semble lucrative car, deux ans plus tard,  il crée sa propre boutique d’imprimeur graveur à Carrick. A cette époque, pour approvisionner son atelier, il part à pied vers Waterford  mais  utilise aussi,  sur une partie du parcours, le bateau de transport de Charles Morissey. Ce mode de transport est moins éprouvant mais, en suivant les méandres de la rivière, le bateau fait un trajet deux fois plus long que par la route. C’est de  cette  expérience  que germe dans l' esprit de Charles l’idée d’organiser un service de transport par la route. Il dira plus tard  que «  l’idée est née sur mon dos ».  Mais il n’a pas les moyens financiers pour réaliser son projet et continue à développer son magasin en l’installant, en 1806, à Clonnel où il devient un prospère homme d’affaire.  En 1815, en Irlande, mis à part un maigre service postal, les seuls véritables moyens de transport (contrairement aux autres pays européens)  restent le traffic fluvial et la marche à pied. Charles Bianconi pense toujours qu'un service de transport terrestre fiable, à horaires fixes et peu onéreux, donc accessible au plus grand nombre, est absolument indispensable. Il organise donc, cette année là, le premier service de ce genre jamais utilisé en Irlande en créant la ligne joignant Connel à Cahir.  Sa première voiture n’eut au début qu’un succès limité, le public ayant du mal a modifier ses habitudes de déplacement. Il décide donc d’acheter, en grand secret, une deuxième voiture qu’il fait circuler sous un faux nom. Cette « concurrence » entraina l’intérêt des voyageurs et quand le nombre de passagers fut conséquent il supprima la deuxième société.

Pour effectuer ce service il utilisa une voiture très particulière nommée Jaunting car. C’était un voiture traditionnelle de la campagne irlandaise. Pour les fermiers des années 1770-80, la possession d'un tel véhicule était , comme la possession d’une maison à toit d’ardoise, un signe  de réussite sociale.

Jaunting Large

 

C’est une voiture à deux roues où les passagers s’assoient de côté, la face tournée vers les bords de la route.

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Sur cette voiture très large les repose-pieds, montés sur charnière, sont repliables ce qui facilite le remisage de la voiture.

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Le Jaunting car, utilisé par Charles Bianconi, avait la particularité d’être doté d’un coffre à bagage central au dessus duquel était positionné un siège tourné vers l’avant pour le meneur. Plus tard, la popularité du service de transport public fit nommer ce type de véhicule un « Bians ».

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      "Bians" à un cheval (Bianconi Biography)


La chute de Napoléon provoqua la mise sur le marché d’un nombre de chevaux important et à bon marché ainsi que la disponibilité de nombreux hommes de chevaux qualifiés. Cette situation permit à Charles Bianconi de développer son entreprise  nommée " Royal mail day cars Bianconi" et, à la fin de l’année, ses voitures roulaient de Clonnel à Tipperary, Limerick, Thurles et Cashel. En 1816, il ouvrait des lignes vers Carrick et Waterford. Le voyage à Waterford qui prenait cinq à huit heures en bateau n’en prenait plus que 2 avec les voitures de Bianconi.

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"Bians" à deux chevaux( Bianconi Bianconi)


Il étendit progressivement son réseau et, en 1818, il relia le villes de Enniscorthy, Kikkennyn, Dungarvan,… Pour faire face à ce développement, il décida de fermer son atelier d’imprimerie et de gravure et de se consacrer entièrement à son activité de transporteur. Les travaux d’entretien importants, nécessités par le mauvais état des routes, et

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      Routes irlandaises

l’accroissement nécessaire de son parc de voitures l’amenèrent à créer ses propres ateliers de construction. Cette expansion rapide entraîna un manque de liquidité. C’est son engagement dans la politique, auprés d’O'Connel, qui lui permit de sauver son entreprise. En effet, il fut payé 1000 livres pour transporter les électeurs vers les bureaux de vote. Son engagement politique auprés du leader de la reconnaissance des droits des catholiques renforça également la popularité de son entreprise. Il s’avère rapidement que les voitures à deux roues ont une capacité insuffisante pour répondre à la fréquentation du public. En 1833, la société fabrique, dans ses propres ateliers, des voitures à quatre roues de grande capacité d’accueil  allant jusqu’à 20 passagers.

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Longues voitures Bianconi (Bianconi Biography)


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Le succés de son entreprise repose sur la conception même de son réseau basé sur le lien entre les différentes villes de foire et de marché, en intégrant, à chaque grand relais, une hostellerie. A cela s’ajoute la pluralité des fonctions assurées par ses voitures qui  transportaient des passagers, mais également des marchandises et le courrier. Il eut le monopole du transport terrestre public jusqu'à l'arrivée du chemin de fer.

Voici, grâce aux tableaux de Michaelangelo Hayes, la présentation en image des voitures et relais de la "Royal mail day cars "

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Par le transport des biens et des personnes à un faible prix, ce service fut un moteur du développement de l’économie irlandaise mais aussi  de chaque ville où il était implanté. Ces extraits d’une communication lue par Charles Bianconi, en 1843, à l’Association britannique pour l’avancement des sciences, vous donneront une idée de l’importance de son activité :

« …Il y a plus de cent voitures en circulation, comprenant les malles postes et voitures de différentes tailles, capables de transporter de quatre à vingt passagers. Elles voyagent à une vitesse de 8 à 9 miles à l’heure et couvrent quotidiennement plus de 3800 miles à un cout moyen de un centime de penny par miles. Pour la nourriture des chevaux, les 140 relais achètent aux producteurs locaux plus de 4000 tonnes de foin et 30000 à 40000 barils d’avoine. »

Dans ce texte, cet entrepreneur catholique et libéral  exprimait sa philosophie et l’enjeu économique de son entreprise :

« Le service n’est pas assuré le dimanche, à l’exception des lignes qui sont en rapport avec les bureaux de poste ou les transports réguliers fluviaux, pour les raisons suivantes :

Les Irlandais étant un peuple religieux, ils ne font pas de voyages d’affaires le dimanche et, deuxièmement, l’expérience m’enseigne que je peux beaucoup mieux faire travailler un cheval à huit miles/jour six jours dans la semaine que six miles sur sept jours. En ne travaillant pas le dimanche je réalise une économie de 12%. »

« Les services que mon entreprise rend au pays sont presque incalculables ; par exemple, l’agriculteur qui prenait autrefois trois jours pour se rendre au marché peut désormais le faire en une seule journée pour quelques shilling, économisant ainsi deux jours et la dépense de l’utilisation de son cheval. »

La popularité des voitures de Bianconi fut si grande qu’elles purent voyager, de jour comme de nuit, dans toute l’Irlande même dans les périodes les plus troublées de cette époque comme celle de la grande famine.

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A noter que sa notorité personnelle participait au respect de son service. De 1845 à 1849, pendant la grande famine, Charles Bianconi avait aidé les plus pauvres par des prêts ou des dons, effectué le paiement des voyages d’immigrants ou assuré des travaux de drainage pour développer l’agriculture,... C'était un comportement totalement à l'opposé de celui des riches propriétaires qui n'hésitaient pas à expulser les familles dans la misère.

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Départ vers l'immigration aux Amériques de fermiers irlandais expulsés par leurs propriétaires


En 1846, pour son soixantième anniversaire, les habitants de Longfield allumèrent des feux sur la route conduisant à sa maison et lui érigèrent un arc de triomphe. Par contre, cette attitude de ce selfmade man  ne le fit que très peu apprécier par la noblesse irlandaise.

A l’arrivée du chemin de fer, Bianconi s’investit dans ce nouveau mode de transport et réorganisa ses lignes en un véritable système intégré de rail route. En 1865, il ne garda que ses investissements dans le chemin de fer et vendit à un prix raisonnable son entreprise à ses employés. Les tableaux ci-dessous, extraits de Bianconi Biographie, présentent l'évolution et l'emprise de son réseau au moment de la cession.

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Charles Bianconi  mourut en septembre 1875.

S’il a utilisé, comme vous avez pu le voir dans les tableaux précédents, des coaches fermés, il faut avouer que le choix majoritaire de  véhicules, ouverts à tous vents, a de quoi nous étonner. Malgré leur popularité, le voyage dans un « Bians » n’était pas une partie de plaisir ;  couvertures,  cirés, parapluies,… ne suffisaient pas à se protéger de la pluie, du froid , de la poussière. Les écrits des voyageurs étrangers nous présentent, de façon peu flatteuse, les conditions de transport qu’offraient les voitures du "Royal mail day cars Bianconi".

Voici quelques commentaires de leurs voyages:

1835 par Freidrich von Raumer jeune historien prussien venu pour étudier les conditions de vie des Irlandais.

Installé sur le « <Bians », il voit s’installer prés de lui un homme âgé qui lui parut      « comme tombé de la potence » et dont les vêtements étaient dans un si triste état que Raumer craignait que l’homme fût « un expert en insecte ». Il raconte la suite du voyage.

« Le ciel s’obscurcit. Il a commencé à pleuvoir de plus en plus lourdement-Raumer avait le seul parapluie parmi ses compagnons de voyage-.Les deux jeunes filles se sont accroupies à nos pieds, et les quatre autres se sont rapprochés si prés du manche du parapluie que leurs nez se touchaient presque. La vieille femme posa sa tête sur mon épaule droite alors que le monsieur agé  s’appuyait sur mon autre épaule. Grace à cette épreuve de l’eau nous allions faire connaissance et devenir amis rapidement, et je récolte beaucoup d’éloges pour ma délicatesse et humanité…".

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1858 par Julius Rodemberg poète juif allemand.

Entassés avec ses compagnons et commerçants allant à la foire aux chevaux avec même un passager "aux allures de canaille" installé sur l’amoncellement de bagages, il décrit quelque moments de son voyage :

« ….A chaque colline que nous atteignons –et il y en a beaucoup dans l’ouest de l’Irlande-une partie des passagers devait descendre pour alléger la voiture."

"…Les passagers de devant mangeaient de la nourriture et ont jeté en l’air les restes et les épluchures qui sont tombés sur les passagers arrières. »

Notre voyageur s’attriste de la pauvreté du peuple irlandais et  de l’état  misérable des hôtels et des voitures.

   J’arrête là la litanie des plaintes des visiteurs étrangers pour souligner qu’ils soulignent tous la même chose ; que, malgré la misère et les rudes conditions de transport, les passagers irlandais font preuve d’une grande solidarité et d’un grand sens de l’humour.

 

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Ces Lignes restèrent en fonction sur une longue période comme le montre cette photo de la ligne Galway-Oughterard en 1895

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et ces autres photos du début du XX° siècle.


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Certaines lignes fonctionneront jusqu'aux années 30.

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Les Jaunting car traditionelles  continueront à être utilisées dans les campagnes dans la première partie du XX° siècle

 

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et jusqu'à nos jours pour transporter les touristes 2013-05-20 113303  


Le maintien de leur utilisation alimenta largement la production caricaturale de l’époque.

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 Vous trouverez de nombreuses photos de voitures publiques et de Jaunting cars  privés dans l'album:

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Texte :

Figoli

Documentation:

 Marie Anne Bianconi O Connel "Charles Bianconi a biography"

Photos:Tradition Fahrkrunst: link

Figoli et courtoisie

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