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Musée carrosse Versailles 5: Carrosse du sacre de Charles X.

Carrosse du sacre de Charles X.

 

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Carrosse du sacre de Charles X ( photo musée des carrosses de Versailles)

Ce monument d’architecture et de carrosserie de 4T5* tonnes a une histoire très marquée par les méandres politiques post révolutionnaires. La volonté de marquer le retour de la royauté par un sacre, de transporter le roi dans un carrosse somptueux, symbole du retour aux anciennes valeurs, remonte aux débuts de la première Restauration. A son arrivée en mai 1814, Louis XVIII, face à la complexité politique liée à la Révolution et à la chute de l’empire, mit en place une monarchie constitutionnelle. Elle se caractérisait par la création de deux Chambres, la liberté de la presse, l’indépendance de la justice, la liberté de culte,… Trés rapidement cependant, il entama une radicalisation du pouvoir royal et envisagea d'organiser son sacre. Bélanger, qui avait organisé l’entrée du roi à Paris, écrivait  en mai 1814: « le retour de nos bons princes appelle l’auguste cérémonie du nouveau sacre…, cérémonie que je suis destiné à diriger, encore une fois j’espère » En novembre 1814, une avance de 100000 frs avait été faite au brodeur Dallemagne pour la commande d’habits et d’ornement de dais et du  trône pour le sacre. Différents articles de l’époque annonçaient le sacre pour la belle saison de 1815. Ce retour vers l'ancien régime s’affirma symboliquement par l’abandon du drapeau tricolore pour le drapeau blanc. Cette nouvelle orientation fut mal accueillie par la population et favorisa le retour aux affaires de Napoléon.                                                                             La défaite de Napoléon à Waterloo signa la fin des cent jours et le retour de Louis XVIII.

Instruit par sa première expérience, Louis XVIII va essayer de mener une politique modérée sans renoncer pour autant à se faire sacrer à Reims. Il ne semble pas qu’un nouveau projet de sacre fut envisagé au début de la deuxième Restauration. Ceci est sûrement du aux difficultés politiques internes et externes, aux contraintes budgétaires liées, entre autres, à l’énorme indemnité de guerre due aux vainqueurs. C’est le 10 décembre 1818, dans son discours d’ouverture des Chambres que Louis XVIII annonça sa volonté d’organiser son sacre.

Malgré cette annonce officielle de son sacre prévu pour 1819, celui-ci n’eut jamais lieu.

 En voici l’explication donnée en 1837 par Ch. Siret.

« Il s’était répandu un bruit populaire sous le règne de Louis XVIII ; on disait que le clergé s’était refusé à sacrer le roi tant que Napoléon vivait encore. C’était un vieux conte……… La vérité est que Louis XVIII avait toujours été trop souffrant pour se prêter à la cérémonie du sacre : On y avait songé plusieurs fois ; l’annonce officielle en avait même été faite en 1819, mais on avait laissé ce projet, les souffrances s’étant agrandies »

Cependant la préparation de la cérémonie incluant la construction d’un carrosse royal était engagée depuis 1814. D’après les recherches de Wackernagel dans "Der franzosische kronungwagen 1696-1825", il y eut trois propositions de plan pour ce véhicule. Le premier projet fut dessiné au début de la première Restauration par J.B Perez. Le second, proposé en 1816 par Antoine Carassi, ne fut jamais réalisé. Le troisième projet, conçu par Percier dés 1814, commença à être mis en œuvre en 1816 mais il fut remisé, non terminé, en 1818. Seule les structures de la berline et de sa caisse étaient terminées.

 A la mort de Louis XVIII, son frère prit le pouvoir sous le nom de Charles X. Pour cet ultra qui avait poussé son frère vers la radicalisation, se faire sacrer à Reims était symboliquement et politiquement incontournable.

Pour les cérémonies du sacre de Charles X, Percier modifia son dessin d’origine. La berline, initialement construite pour Louis XVIII, fut ressortie de sa remise et achevée par les différents corps de métier. Voici le dessin de la berline, conservé au musée de Tau à Reims, que l'on va nommer, noblesse oblige, le carrosse du sacre de Charles X,


Percier Fontaine pour sacre de Charles X 11

 

et un détail du tableau de Louis Lejeune sur l'entrée dans Paris, au retour de Reims, le 6 Juin 1825.

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Pour essayer de se faire une idée de la voiture avant sa modification et son ornementation aux armes de Napoléon III, par Ehrler en 1853, nous allons accompagner les photos suivantes d'extraits de factures des artisans étant intervenus entre 1819 et 1825.

 (Les passionnés trouveront ces documents de facturation dans le livre  de Wackernagel ou dans les annexes du livre "Les fêtes royales sous la restauration" de F Waquet.) 

La structure construite entre 1816 et 1818 fut modifiée par le sellier carrossier       Daldringen comme le détaille ces extraits de facture datée du 26 Juillet 1825.

"...Supprimé l'ancienne corniche coupée sur place, fourni une corniche neuve et les 4 chapitaux,...ajusté le corps fourni le fond de la caisse, les planches des parcloses, les deux jalousies des portes avec leur garniture....et rapporté beaucoup de morceaux à différents endroits...." 

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La décoration et l'ensemble des sculptures ont été réalisés par Roguier dont cette magnifique ornementation du timon.

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Décoration de la tête du timon

Voici la description, à partir de la facture non precisément datée du sculpteur, de quelques ornementations d'origine des différentes parties de cette berline. A noter un langage poétique, spécifique de l'époque, auquel nous ne sommes plus habitués.


 Avant train :

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Gros plan de l'avant train et de la coquille (La planche de bois inclinée sur laquelle reposent les pieds du cocher était en forme de coquille au XVIII° siècle, d'où le nom).

            "...La coquille composée d'un caducée et bonnet de mercure, enveloppé de branches d'olives pour exprimer la douceur des négocitions et de cornes d'abondances trés ornées, fruit de la paix qu'elles procurent et entourées de lauriers avec des rosettes qui continuent les montants et encadrent le tout ainsi que la moulure poussée autour de la planche et ses ornements, pour ce... 850 Fr."

"Trophée de guerre sous les sièges, composé du bouclier de minerve, de la tête de méduse, sur le devant surmonté d'un casque à oreilles, panaches et deux cuirasses antiques garnies de sabres, javelots et touffes de laurier travaillés tout au tour; pour ce...1000Fr"

 

Sculptures du train arrière:


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  "Entretoises ou moutons composés de chimères ailées à corps de femme, culottes en larges ornements trés riches avec triples enroulements par devant dont elles tiennent un revers avec les deux mains;trés riche et trés soigné..."


Roues:


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"Les petites à dix rayes en forme de balustre, sculptées devant et derrière, le moyeu sculpté à trois ornements deux devant et un derrière avec soin et régularité et rosette ajoutée par derrière."

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Les garnitures intérieures ont été réalisées par le sellier carrossier déjà cité;     Daldringen "sellier carrossier des équipages de sa majesté".

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 Le pavillon et la moquette datent de 1853. Pour le reste, la décoration me semble,sous réserve, être proche de celle d'origine "Le tout en velours de soie cramoisie doublée en marceline assortie et garnie de franges, or fin...."

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Dessus strapontin amovible, longe cocarde et gland de parade

Mais il est possible que des pièces ait été changées, "La façon de l'intérieur faite entièrement sur cartons et chassis s'enlevant à volonté,..."

Les peintures que nous voyons actuellement ne sont pas celles peintes à l'origine par Delorme  dont il fait la description dans sa facture.

"Ces peintures se composent de douze enfants ou génies ailés dont quatre vêtus d'une dalmatique en velours violet, doublé d'hermine, ornée de fleurs de lys...supportent d'une main les armes de France et tiennent de l'autre un étendart fleurdelisé..."

 

 Dans les jours précédent le sacre, une foule de voitures de toutes espèces "amenèrent la musique de la chapelle du roi, l'argenterie, le mobilier précieux de la couronne, les officiers du roi chargés de présider aux dernières dispositions...."Le carrosse et les autres voitures de la cérémonie avaient également été amenés sur place. C'était une organisation toute militaire, comme le montre ce plan de la ville, réalisé par le ministère de la guerre à cette occasion.

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L'ensemble des équipages et régiments était stationné dans  un camp spécialement monté pour l'occasion.

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 Pourtant le roi faillit ne pas arriver à son couronnement. Parti de Compiègne, il fit escale dans la ville de Fisme. Le matin du 27 mai, le  carrosse, enveloppé dans une toile pour le protéger du temps maussade, avait été amené à Trinqueux, à une petite demi heure de route de Reims.  Au moment de partir de Fisme pour se rendre au rendez vous à Trinqueux, un accident se produisit.

"Mais tout à coup, un accident grave répandit les plus vives alarmes. Au moment du départ de Fismes, une grande détonation des batteries de l'artillerie de garde, dont le bruit fut doublé par un eccho trés sonore, effraya tellement les chevaux de la voiture où étaient les comtes de Cossé et Curial, que ces chevaux prirent le mors aux dents et entrainèrent avec eux dans un ravin profond la voiture, les quatre voyageurs,...  Les huit chevaux de la voiture du roi, effrayés à leur tour, s'emportaient déjà..."

Mais comme en firent une légende ses affidiés, "La providence sauva le Roi"

"Le Roi venait de dire à son fils; nous allons verser...Mon père, répondit le dauphin avec sang froid, un grand danger nous menace, mais la providence est là" 

Arrivé saint et sauf à la halte, Charles X monta dans le carrosse.

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Cinq arcs de triomphe "pavoisés de drapeaux et oriflammes aux  chiffres et armes du roi" ponctuaient le trajet.

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Préfets et maires avaient rassemblé la population sur le trajet. Enfin le roi entre dans la ville, au "milieu des acclamations du peuple, au son des cloches et au bruit de l'artillerie"    

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Le carrosse fut utilisé une deuxième fois, le 6 juin 1825, pour entrer à Paris, au retour du sacre.    

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 Tableau de Louis Lejeune représentant l'entrée de Charles X à Paris sous l'arc de triomphe de la porte de la Vilette. 

Contrairement au triomphe qui avait accueilli Louis XVIII et l'ensemble des Bourbons à leur entrée à Paris en 1814, le peuple  le reçut avec une grande froideur mêlée d'incompréhension;

 "Le petit peuple pensait qu'il s'était allé faire nommer évêque à Reims"  

 

En 1853, le carrosse fut sorti du petit Trianon où il était remisé et confié à la maison Ehrler pour servir au sacre dont rêvait Napoléon III. Sa restauration ainsi que la réalisation de plusieurs autres voitures avaient été commandées à la maison Ehrler comme l'indique "Le mémorial d' d'AIX" du 17 novembre 1953

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Détail du tiroir de marchepied intégré dans la guirlande

 

L’aspect actuel de cette voiture date donc de cette époque.

P1020782-1L'essentiel des sculptures réalisées par Roguier a été conservé.

Les modifications concernent le rajout d'un aigle en bronze sur l'avant train, le retrait des fleurs de lys de la galerie, remplacées par des aigles aux angles supérieurs de la caisse,...

Le couronnement en bois sculpté est d'origine avec pour modification le remplacement de la couronne royale par la couronne impériale et sur les médaillons le remplacement du chiffre du roi par un N.

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Les peintures ont été refaites et représentent les armes impériales, allégories et anges portant des armes,...

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Au niveau des garnitures, la housse du siège du cocher, le ciel et la moquette ont été changés et marqués  du N impérial.  

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Cependant, le Pape refusa de se déplacer à Paris pour participer au sacre ce qui amena Napoléon III à annuler la célébration. Mais l'empereur eut l'occasion d'utiliser le carrosse en une autre circonstance, lors du baptême de son fils. Le carrosse participa donc au cortège qui traversa Paris, le 14 juin 1856, pour amener le prince impérial sur les fonds baptismaux de Notre Dame. 

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 Voici le carrosse qui arriva à Notre Dame dans un cortège de douze carrosses tractés par pas moins de 96 chevaux.

Le parrain était le Pape Pie IX qui se fit représenter par le cardinal-légat Patrizzi. La marraine retenue était la reine d'Angleterre qui, étant de religion protestante, fut représentée par la reine de Suède. Ce baptème fut tellement somptueux qu'il fit dire à Napoléon III :

"Un tel Baptème vaut bien un sacre"

 

Le carrosse fut remisé dans le bâtiment du petit trianon

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dont il ne sortit que pour sa restauration par les services du château et son transfert dans le musée actuel.

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      Restauration des soupentes réalisée, à l'époque, par Daniel Bouchard.

Les conditions de conservation dans ces anciennes écuries ne sont pas les meilleures au niveau des changements thermiques hygrométriques. Cette situation, bien que partiellement traitée, a limité, entre autres causes, l'ouverture au public. Ainsi, le musée n'a été ouvert qu'un seul jour en 2011.

Heureusement, vous pourrez, à partir du18 mars, voir une partie de la collection à Arras dans de trés bonnes conditions. Dans le cadre d'une politique d'ouverture de ses collections aux régions, le musée de Versailles met à disposition de la ville d'Arras le carrosse du sacre, huit autres voitures et différentes autres pièces dont de superbes harnais.

 


 Le carrosse du sacre est actuellement préparé pour cette manifestation.

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Photo du début du démontage des sculptures du carrosse du sacre et de celui du baptème du Duc de Bordeaux

Elles sont nettoyées et remises en état dans l'atelier de dorure de la petite écurie de Versailles et seront remontées directement à Arras. 

Alors, n'hésitez pas et rendez-vous, à partir du mois de mars, à Arras où vous pourrez admirer ce carrosse et les autres pièces dans le cadre d'une muséographie de trés haute qualité.

Vous aurez toutes les informations sur l'accés à cette exposition en cliquant sur ce lien: link


 Texte: Figoli

*Le poids est actuellement estimé à 4T-4,5T mais le chiffre de 13000 livres est noté dans certains documents d'époque.

Photos: Figoli, musée des carrosses de Versailles, courtoisie. 

Documentation: En complément de la bibliographie présentée dans les différents articles précédents.

"Précis historique du sacre de sa majesté Charles X" de Ch. Siret.

"Relation complète du sacre de Charles X" de M Darmang.

"Der franzosiche krnungwagen 1696-1825" de Wackernagel.

Différents livres titrés "Histoire de la restauration" par les auteurs; Lamartine, Rosenwald, Nettement, Vieilcastel.

"Histoire de Napoléon III" de Mulois.

.....

 


 


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Voir les autres articles sur le musée des carrosses de Versailles:

La collection du musée des voitures de Versailles en 1851.

Musée des carrosses de Versailles.1 Traîneaux

Musée des carrosses de Versailles 2; Char funèbre Louis XVIII

Musée des carrosses Versailles 3: Les berlines de Napoléon

Musée des carrosses de Versailles 4:Berline du duc de Bordeaux


 

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