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Berline de baptême du duc de Bordeaux
Nous avons déjà noté qu'il ne reste sur notre territoire que peu de voitures ayant appartenue aux différentes maisons royales. Le nombre de celles ayant été utilisées par des rois ou princes est encore plus restreint. Paradoxalement, le représentant de la royauté dont on a conservé le plus grand nombre de vestiges hippomobiles ne fut roi que quelques jours, sous le patronyme de Henri V. Il naquit sous le nom de "Duc de Bordeaux" et nous allons vous présenter, au détour de l’histoire de son curieux destin, les différents véhicules qui lui ont appartenu .
« Quand Henri naquit, le jour de Saint Michel, ne disait-on pas que l’archange allait mettre le dragon sous ses pieds? Il est à craindre, au contraire, que l’épée flamboyante n’ait été tirée du fourreau que pour faire sortir l’enfant du paradis terrestre, et pour en garder contre lui toutes les portes »-Chateaubriand-
Son père le duc de Berry, fils cadet du Comte d'Artois futur Charles X, proche des ultras, est assassiné dans la nuit du 13 au 14 février 1820 par Louvel, qui voulait ainsi éteindre la race des Bourbons. La duchesse de Berry, enceinte à la mort de son mari, accoucha sept mois et demi plus tard d’un enfant « posthume », Henri duc de Bordeaux. Cette naissance troubla la succession au trône de France. Une protestation, attribuée à l’époque au duc d’Orléans, parue même, dés le lendemain, dans le "Morning Chronicle". Le duc d’Orléans la démentit rapidement et reconnut la légitimité du duc de Bordeaux. Le 29 septembre 1820, cette naissance, pour éviter toute contestation, fut entourée de multiples précautions. Madame de Coutant, la gouvernante, demanda à deux factionnaires de la garde royale de venir dans la chambre de la duchesse pour attester la légitimité de l’enfant princier. La duchesse de Berry refusa de se séparer de l’enfant avant que le duc d’Albufera ne l’eut vu de ses propres yeux.
Cet « enfant du Miracle » tel que l’appela Lamartine, fut l’objet de toutes les attentions. On ne compte plus le nombre d’odes écrites pour sa naissance. Voici l’hymne qui lui fut dédié au moment de son baptème.
Un autre exemple de cet engouement est le château de Chambord qui lui fut offert à cette occasion par un groupe de royalistes, d’où le nom de comte de Chambord qu'il portera ultérieurement.
Ce baptême se devait d’être somptueux et le carrosse créé à cette occasion vous donnera une idée du faste qui entoura cette cérémonie. Cette berline à sept glaces, construite en 1821, a coûte environ 50000 F. Elle était décorée d'une ceinture de bronze dorée et ciselée. La caisse était peinte aux armes royales de France et de Navarre et ornée de chérubins.
Dessin de Delorme:Armes de France et de Navarre
Elle nous apparaît actuellement sous un aspect différent puisqu'elle fut repeinte et ornée des insignes impériaux pour le mariage de Napoléon III, en 1853 .(Le commentaire ci dessous de Hugues Legrand nous indique que ces modifications ont été confiés à la maison Ehrler pour 25000 F).Elle fut, par la suite, utilisée pour le baptême du prince impérial,
et par le sultan Abdul-Aziz pour l'Exposition Universelle de 1867.
Description de la voiture actuellement conservée au musée des carrosses.
Cette berline, aux brancards à col de cygne et à ressorts en C, pèse 4 T.
Elle offre 4 places plus 2 sur des strapontins. Attelée à 6 chevaux, son service était assuré par 6 personnes; un postillon, un cocher, 2 garçons d'attelage et deux valets de pied.
Des amours, bouquets et armes impériales sont peint sur une caisse fod or.
La galerie est décorée d'aigles et de médaillons en bronze doré. Aux quatre angles de la caisse, des sculptures en bois doré représentent des caryatides.
Les roues sont dotées de frettes en bronze.
Les portières sont équipées de glaces coulissantes et les marchepieds sont encastrés dans des tiroirs.
L'intérieur est en satin blanc et passementerie rouge, bleu et or.
Le pavillon d'impériale a été brodé par les demoiselles de la Légion d'honneur.
Revenons à l'existence du duc de Bordeaux et à ses différents équipages.
Nous ne nous étendrons pas sur les différentes polémiques liées à son éducation, mais noterons qu’il fut très choyé et reçut en cadeau plusieurs modèles réduits de voitures attelées :
Cet équipage (conservé au musée Carnavalet), offert par Louis XVIII en 1824, a été réalisé dans les ateliers du joaillier A.Giroux. Les chevaux sont des sculptures de nacre et la berline faux landau a des marchepieds qui peuvent se déployer.
Petite calèche, construite aux environs de 1828, pour le duc de Bordeaux et conservée actuellement au musée de Compiègne
Ce musée possède aussi ce vis à vis qui lui est (sous réserve) également attribué.
Le duc de Bordeaux n’a pas encore dix ans lorsqu’éclate la Révolution de 1830. Charles X, devenu en 1824 roi à la mort de Louis XVIII, abdique en sa faveur. Il devient alors l’héritier légitime du trône sous le nom d’Henri V. Mais, à la suite de différentes manœuvres politiques, c’est le duc d’Orléans qui prend le pouvoir sous le nom de Louis Philippe. Le duc de Bordeaux part en exil en Angleterre avec l’ensemble de la famille des Bourbons, puis à Prague. En 1844, il s’installe à Frohsdorf, en Autriche, où il mourra en 1883. Sa vie sera donc un long exil ponctué de nombreuses tentatives pour reprendre le pouvoir. Dés sa majorité en 1833, il « élève une protestation solennelle contre l’usurpation de Louis Philippe »
En 1848 il fait un geste de réconciliation avec la famille d’Orléans et signe, en 1852, un manifeste revendiquant ses droits au trône de France. Il précise à ses partisans qu'ils ne devront pas participer à la vie publique, s’abstenir de voter et de se présenter à des mandats électifs. Tout au long de l’Empire, il entretient des liens réguliers et clandestins avec les légitimistes. A la chute de Napoléon III, l’Assemblée nationale élue ne comporte que 240 républicains contre 400 royalistes, soutiens d’ Orléans et Bourbons confondus.
En 1871, le comte de Chambord peut revenir en France et s’installe en son château de Chambord où il prépare son futur couronnement. Il passe commande, à la maison Binder, de plusieurs voitures, devant le conduire à Paris pour son sacre.
La commande à la maison Binder est décrite dans "Le comte de Chambord" de Georges Nouvion et Emile Landrodie publié en 1884 (Extrait aimablement communiqué par J.P. Binder)
Cinq voitures sur les six sont conservées au chateau de Chambord.
Mais devant sa rigidité, dont son refus de garder le drapeau tricolore, et après de nombreux conflits politiques, c’est la République qui est instaurée définitivement en France en 1875.
Les voitures ne feront donc pas le voyage à Paris et resteront définitivement à Chambord, où elles sont toujours conservées après avoir été restaurées. Y resteront également le trône, la couronne et la main de Justice qu'il avait commandés, en 1873.
Le comte de Chambord, quant à lui, rentre à Frohsdorf où il terminera sa vie le 24 août 1883.
Les odes de louanges qui ont accompagné sa naissance furent remplacées par des pamphlets et des chansons triviales dont la plus connue est celle du duc de Bordeaux. Cette dernière inspirera Brassens dans sa fameuse Venus Callipyge.
Texte: Figoli
Photos: Figoli et courtoisie.
Documentations:citées dans les articles précédents
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et l'album.
musee-Versailles 2 Berlines Napoléon
Cette reprise, dans les journaux, de la gravure du baptème n'est pas suffisante pour affirmer l'utilisation de la berline à l'inauguration de l'Exposition universelle de 1855.