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Les voitures des haras nationaux.
Chefs d’œuvres en péril
En 2010, après diverses pérégrinations, l'administration des haras nationaux est absorbée dans un établissement public administratif: "l'Institut Français du Cheval et de l'Equitation".
Progressivement, l'IFCE se sépare de la majorité du parc immobilier des haras. Le patrimoine historique conservé dans ces établissements; voitures hippomobiles (dont 68 voitures classées ou inscrites au patrimoine des monuments historiques), harnais et autres matériels, est laissé dans l'abandon le plus complet avec pour corollaire, malheureusement, la disparition de certaines pièces de la collection.
Malgré de nombreuses sollicitations, l'IFCE a maintenu le secret sur le devenir qu'elle envisageait pour cet exceptionnel parc hippomobile. L'avenir de la plus grande collection française de voitures hippomobiles; plus de 300 véhicules représentant l'oeuvre de 150 carrossiers, était donc jusqu'au printemps 2018, totalement inconnue.
A cette époque, lors d'une réunion confidentielle, l'IFCE a enfin présenté son projet de valorisation et de conservation du patrimoine des haras. Ce projet inquiétant intègre la "déconstruction" de certaines voitures et confie la politique de restauration des autres véhicules au personnel des haras; personnel dont la restauration d'art n'est pas le métier!.
Dernièrement, un petit film diffusé sur facebook nous a appris que le projet était amorcé et qu'une centaine de voitures avaient été regroupées dans un hangar métallique non climatisé, situé à Uzes. Deux voitures ont déjà été "déconstruites".
De nombreuses personnes et associations s'inquiètent de cette situation. Elles demandent que ce patrimoine unique soit préservé "dans le cadre d'une politique raisonnée, capable d'assurer la meilleure conservation à ces voitures et de garantir leur existence".
Sur cette question de la sauvegarde du plus grand ensemble hippomobile conservé en France, nous vous conseillons de consulter la revue Attelage magazine N° 120 de Février Mars 2019, qui a ouvert le dossier en proposant pas moins de six interventions sur ce sujet.
Patrick Magnaudeix
Nous vous proposons, dès à présent, de découvrir la contribution de Jean Louis Libourel.
Les voitures hippomobiles des Haras Nationaux :
un patrimoine unique…. très menacé
Les Haras nationaux possèdent à eux seuls la majeure partie du patrimoine hippomobile public français : entre trois cents vingt et 350 véhicules, constituant le plus important ensemble de voitures anciennes conservé en France.
Depuis leur création les haras ont toujours possédé des véhicules hippomobiles. Jusqu’au début du XXe siècle, ils étaient indispensables à la vie des haras et à leurs activités quotidiennes, alors totalement dépendantes de la traction animale, qu’il s’agisse du déplacement des personnes ou du transport de matériaux et de charges diverses.
Des premières voitures, les plus anciennes, il ne subsiste plus aucun exemplaire. Celles qui sont actuellement conservées ne remontent pas au-delà de 1850.
Constitué à une époque où les voitures à cheval étaient encore les seuls moyens de locomotion terrestre, le parc hippomobile des haras nationaux se compose majoritairement de voitures sportives ou de service, pour le dressage, l’exercice, l’entraînement des chevaux, et la vie quotidienne des haras. Parmi elles, certains modèles, par leur répétition et leur présence systématique, apparaissent comme voitures « emblématiques » des haras nationaux : les breaks grands modèles (32 exemplaires), les squelettes de dressage (41 exemplaires) et les grandes wagonnettes dites « breaks d’écurie » (25 exemplaires), les omnibus (22 exemplaires), les charrettes anglaises (67 exemplaires), les tilburys (9 exemplaires).
À ces véhicules, historiquement liés au fonctionnement des haras, se sont ajoutés quelques autres plus luxueux, de ville, de voyage ou de loisir, donnés par des propriétaires qui n’en avaient plus l’usage. Parmi eux, un coupé de voyage des carrossiers Berlioz et Gouillon à Paris, un road-coach de Holland & Holland à Londres, un milord fermé de Jacques Rothschild & Fils à Paris, donnés tous trois au haras du Pin, un Carrick à pompe de Peters & Sons à Londres (Haras de Saint-Lô), une calèche transformable à huit-ressorts de Clochez à Paris (Haras de Tarbes), un grand Break par Bail Jeune à Paris (Haras de Cluny).
Ainsi s’est constitué le plus grand ensemble hippomobile conservé en France : 320 voitures anciennes, soit les deux tiers du patrimoine hippomobile public français. Ces voitures étaient jusqu'à une période très récente réparties dans les différents sites des haras nationaux.
A travers une riche typologie, ce parc hippomobile constitue l’échantillonnage le plus significatif de la carrosserie française de la deuxième moitié du XIXe et du début du XXe siècle. Il réunit en effet des œuvres de 150 carrossiers identifiés : 35 carrossiers parisiens, dont les célèbres Bail, Belvalette, Binder, Mühlbacher, Rothschild, Victor Lelorieux, et 115 carrossiers provinciaux. Il constitue en quelque sorte un véritable musée de la carrosserie française réunissant un vaste panorama typologique et géographique alors que les grandes collections publiques, le Musée national de la voiture à Compiègne, la Galerie des carrosses à Versailles et le château de Chambord, ne conservent que des voitures parisiennes de haut-luxe.
Il témoigne des techniques et des habiles savoir-faire des métiers de la carrosserie, du charronnage et de la sellerie et constitue une indéniable richesse culturelle.
Jusqu’alors simples outils de travail, ces voitures vieilles aujourd’hui de 80 à 150 ans, ont maintenant le statut d’objets d’antiquité et sont désormais des éléments du patrimoine hippomobile national. En effet, comme tous les moyens de transport ayant plus de 75 ans d’âge, elles entrent toutes dans la catégorie « véhicules de collection », définie par la réglementation sur la circulation des biens culturels visés par la loi européenne du 31 décembre 1992.
Aujourd’hui, 68 voitures des Haras nationaux bénéficient d’une protection au titre des Monuments historiques.
L’état actuel du parc hippomobile des Haras nationaux doit être l’objet d’une réflexion sur son devenir, indispensables pour établir une politique raisonnée, capable d’assurer la meilleure conservation à ces objets et garantir leur existence le plus longtemps possible. Les réparations « maison », les rénovations sauvages, nées d’initiatives sans doute bien intentionnées mais souvent incompétentes, ne peuvent plus être acceptées pour des objets reconnus désormais comme éléments du patrimoine. Il ne s’agit plus de réparer, de rafistoler au coup par coup, mais bien d’organiser, de planifier un authentique travail de sauvegarde d’un patrimoine unique. Par-delà les habituels travaux d’entretien et de réparations courantes, il faut maintenant mettre en place de véritables opérations au moins de restauration préventive.
Certes, l’IFCE n’a pas pour mission d’être un conservatoire du patrimoine hippomobile. Cependant, en tant que dépositaire de biens appartenant à la communauté nationale, il est responsable de ces biens et doit en assurer la conservation. Il lui incombe de mettre en place une véritable politique de conservation de ce patrimoine unique et original. Garantir son existence longtemps encore, comme un témoignage et une richesse pour les générations futures, à l’aube du troisième millénaire, est une obligation.
Le 31 mai dernier, lors d’une réunion confidentielle, l’IFCE dévoilait aux représentants de l’AFA, seule invitée à cette réunion, un projet de « déconstruction de véhicules hippomobiles » (sic) s’inscrivant dans la politique de l’IFCE de conservation et de valorisation de son patrimoine. Mais quel crédit accorder à la mise en place d’une politique de conservation dont la première opération consiste à mettre en œuvre un « chantier de déconstruction de véhicules » ?
Deux voitures, au moins, auraient déjà été « déconstruites ». Selon un document IFCE daté du 15 septembre 2017, « entre 10 et 20 » autres pourraient subir le même sort.
Jean Louis Libourel
Voitures des haras nationaux protégées au titre des monuments historiques :
69 voitures protégées : 7 classées Monuments Historiques et 61 Inscrites à l’Inventaire Supplémentaire. Lorsqu’elles on fait l’objet d’une procédure de protection M.H. elles se trouvaient dans les haras nationaux
du Pin, Saint-Lô, Tarbes, Hennebont, Pau-Gélos, Saintes, et Uzès.