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"La forêt qui marche"

    « La forêt qui marche »

 

 

 

 

 

Au chapitre des étonnements hippomobiles du pavé parisien, observons un chariot très surprenant, un « convoi exceptionnel » dont plus d’un badaud s’est amusé, dont plus d’un cheval s’est effrayé : le fardier servant à transporter les grands arbres « vivants » destinés à la transplantation le long des  boulevards ou à meubler les parcs et jardins.
Ce chariot, appelé parfois chariot préfectoral puisqu’il en a existé un dans les remises de l’Administration, est tout à fait remarquable dans ses proportions comme dans sa mise en oeuvre. Le dessinateur humoriste Crafty attarde sa plume en 1884 dans son fameux Paris à Cheval : le paragraphe s’intitule « la forêt qui marche » !


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Le magazine Vie à la Campagne lui fait l’honneur de sa couverture le 1er octobre 1913 et d’un article de 3 pages dont, pour l’essentiel, les prochaines lignes s’inspirent.


Comment donner à un jardin fraîchement créé l’allure d’un parc trentenaire, à un boulevard nouvellement percé l’ombre qui sied à la fois à la quiétude du promeneur et au repos du cheval de fiacre ? En transplantant de grands arbres ! L’idée est simple mais sa concrétisation osée… Le chariot dont c’est l’office au XIXème siècle est une transposition d’un type assez ancien de chariot destiné à déplacer les arbustes en pots (notamment les orangers) dans les allées de plusieurs châteaux du Grand siècle. Le musée des équipages de Vaux le Vicomte en conserve un modèle.

L’opération ? méthodique…
La manœuvre suppose, pour les sujets d’une taille respectable, une débauche d’énergie comme il ne s’en conçoit plus. Pour enlever les arbres en motte (avec la terre autour des racines), on commence, autant qu’il est possible, par trousser précautionneusement les branches pour diminuer le volume de la frondaison. On creuse une tranchée circulaire selon un tracé préétabli en fonction des caractéristiques du « patient ». Descendue verticalement, large d’environ 80 cm pour une profondeur d’environ 1 mètre, la tranchée s’éloigne plus ou moins du tronc selon que l’arbre a été ou non préparé à la transplantation par « cernage » de ses racines. La motte est ceinturée de cordes. On glisse entre ces liens et la motte des douves écartées entre elles de 4 à 5 centimètres pour permettre leur serrage, entrepris depuis le bas. On fixe ensuite successivement, en remontant, des cercles en remplacement des cordes. Des traverses sont alors clouées sur la partie supérieure pour maintenir, à la façon d’un couvercle, le bac ainsi formé. On mine enfin sous les racines l’espace nécessaire à l’engagement de deux forts plats bords à l’extrémité desquels on place des chaînes qui serviront plus tard au levage.
 

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On amène le chariot
Imposant, lourd, il lui faut un chemin de roulement savamment étudié sur le sol meuble d’un jardin ou d’une pépinière. Des traverses ferrées sont souvent obligatoires. On manœuvre au plus juste…pas le droit de mal positionner le fardier… il faut soulever d’aplomb. Une fois  dans l’axe, on démonte le pont arrière, on recule à l’aide de pinces et on cale. Les fortes chaînes des treuils latéraux sont déroulées, crochetées à celles des plats bords. Quelques tours les maintiennent tendues. La traverse arrière du chariot retrouve sa place. L’équipe peut commencer le levage. Par deux sur chaque leviers, les « treuilleurs », aux ordres du contremaître, s’activent dans un parfait synchronisme. Soulevé de quelques dizaines de centimètres, le bac reçoit un fond de solides planches promptement glissées et aussitôt clouées. On continue le levage pour être nettement hors sol. La stabilité de l’arbre est assurée depuis le cadre du chariot à grand renfort de haubans et de bambous.


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et l’arbre prend la route…
L’attelage est mis en place, très variable selon les arbres, le terrain, la distance : 5, 6, voire 9 forts chevaux rôdés, qui aux limons, qui à la cheville ou à la manœuvre en tête à l’art difficile d’un enlèvement de fardier. C’est maintenant au charretier de montrer toute sa dextérité. Le rythme est mesuré, les trajectoires anticipées. Il arrive cependant que, pour éviter les fils aériens, des branches ou un pont on doive incliner vers l’arrière l’imposant chargement. On allonge de quelques tours les chaînes arrières en relevant l’avant dans la même proportion. L’obstacle esquivé, le vénérable retrouve sa verticalité.


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Parvenu à  destination les opérations reprennent en sens inverse. Les jardiniers auront soins quelques temps du nouvel arrivant qui, en deux saisons, développera son ramage sans rien laisser paraître de sa transplantation.


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Texte et documentation:Etienne Petitclerc

Article paru dans "Sabots magazine N°15 ( Novembre/Décembre) 2006.

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J
Un de ces fardiers subsiste également à Versailles.<br /> Louis XIV adorait, chaque matin, découvrir ses jardins métamorphosés.... les fleurs avaient donc la bougeotte toutes les nuits, et quelques arbres aussi !
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A
Bonsoir. Je découvre ton magnifique site. Tes photos d'archives sont superbes. Très bons documentaires. Je vais te souhaiter de passer une très bonne soirée. Amicalement Antoine.
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M
Je ne connaissais pas ces manoeuvres et l'utilisation de ce convoi exceptionnel, pourtant c'est logique et la question aurait dû se poser de l'implantation des arbres " adultes ", prêts à l'emploi<br /> !<br /> L'article et les photos sont très instructifs.<br /> Merci pour cette découverte et l'explication des techniques.<br /> Bonne journée.
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