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Quelques informations sur
la carrosserie Faurax
à Lyon
Que nos lecteurs le sachent, reconstituer l'histoire d'une entreprise de carrosserie n'est point chose facile!
Mis à part quelques fonds conservés dans des collections familiales ou confiés aux musées nationaux, les archives des milliers de carrossiers et charrons, ayant exercé ne serait ce qu'au XIX° siècle, ont majoritairement disparu. Les seules traces ne sont souvent que les inscriptions aux répertoires de commerce, des compte-rendus d'expositions, des publicités dans les revues professionnelles, quelques lettres ou factures éparses, ... A cela se rajoutent parfois des articles de journaux qui, au XIX°, manquent assez souvent d'objectivité.
A part de rares exceptions, nous sommes confrontés à ce genre de difficultés quelque soit la notoriété du carrossier étudié. Ma recherche de documentation sur la carrosserie de luxe Faurax à Lyon, est un cas d'école car j'ai été confronté au manque d'éléments généalogiques, à la quasi absence d'archives, à des articles de presse ou compte rendus d'exposition sujets à caution.
L'étude des voitures conservées, qui peut souvent compléter la recherche documentaire, est ici peu opérante. Les 52 voitures encore conservées, recensées à ce jour par le travail de J. L. Libourel, sont toutes estampillées, sur les bouchons de roues et autre pièces, sous la seule dénomination de "Faurax Lyon" sans que l'adresse ou autres informations ne permettent d'en préciser la datation.
Voici quelques exemplaires des voitures conservées.
C'est une difficulté supplémentaire pour l'étude d'une entreprise dont le fondateur commence son activité professionnelle en 1808 et qui construit des voitures sous diverses directions jusqu'en 1920.
Création de l'entreprise à Paris.
Les articles de presse retrouvés ainsi que la plaquette éditée en 1908 pour marquer le centenaire de l'entreprise affirment qu'elle a été créée à Paris, en 1808, par P.F. Faurax (sans plus de précisions sur le prénom exact). Aucun document indiscutable attestant l'exactitude de cette information n'a, à ma connaissance, été trouvé.
Un article du "Panthéon de l'industrie" de 1879 (donc trés tardif), commentant l'activité de "Faurax frères", affirme que P.F. Faurax crée son entreprise en 1808 et a participé à la construction de carrosses pour Napoléon 1°.
"Cette vaste fabrique, l'une des plus anciennes et la première de France par son importance, fut fondée par P.F Faurax, carrossier à Paris. Ce fut lui qui construisit une partie des carrosses de Napoléon 1° ..."
La véracité de ces propos reste à questionner par l'activité même de ce journal ainsi présentée par Mermet dans l'annuaire de la presse de 1880: "Ce journal, fait en vue des expositions, n'a aucune attache sérieuse dans l'industrie. Organe de réclame et rien de plus. Les annonces financières seules sont admises dit le journal; mais tous les articles ne sont que des annonces payées"
Pourtant cette assertion reparaît dans un document de la chambre de commerce de Lyon, en 1891; "Les entreprises lyonnaises à l'Exposition universelle de 1889".
"La maison Faurax est la plus ancienne maison de carrosserie de France. Fondée en 1808, à Paris, par P.F. Faurax, le grand-père du propriétaire actuel, Léon Faurax, elle construisit plusieurs voitures pour la cour de Napoléon, dont une est conservée au petit Trianon à Versailles"
Les seules voitures de l'époque napoléonienne exposées à Versailles sont celles ayant participé au mariage de l'empereur avec Marie-Louise qui ont été construites entre décembre 1809 et mars 1810.
Il est étonnant qu'on ait confié à un carrossier, venant de s' installer en 1808, la réalisation pleine et entière de voitures d'une telle qualité dans un délai aussi court que 3 mois. De plus, il n’apparaît pas dans la liste des carrossiers auxquels ont été confiés ces travaux et qui étaient tous des carrossiers parisiens de grande renommée : Chilbourg, Deloche, Devaux, Guetting et Rasp. La décoration extérieure des voitures ayant été confiée à Gautier. (voir l'article que nous avons précédemment diffusé)
Musée des carrosses Versailles 3: Les berlines de Napoléon - attelage-patrimoine
Musée des carrosses Versailles : Les berlines du mariage impérial Détail de l'huile sur toile de Etienne Théophile Garnier rprésentant le cortège du mariage De Napoléon et de Marie ...
Il reste la possibilité que P.F. Faurax ait travaillé en sous-traitance ou à la tache pour ces carrossiers à moins qu'il leur ait vendu une voiture déjà commencée. En l'absence d'autres informations confirmant la participation de P.F. Faurax à la construction de voitures destinées à l'empereur, nous pouvons envisager que nous sommes peut-être confrontés à une simple "légende familiale" dont nous ignorons l'origine. La deuxième information diffusée dans ces articles, impliquant, sans plus d'éléments de vérification, P.F. Faurax dans la construction du carrosse du sacre de Charles X, pourrait confirmer cette hypothèse. En effet, dans la facturation des artisans ayant participé à la construction du carrosse du sacre, le nom de Faurax n'est en aucun moment cité.
(voir l'article que nous avons précédemment diffusé)
Musée carrosse Versailles 5: Carrosse du sacre de Charles X. - attelage-patrimoine
Carrosse du sacre de Charles X. Carrosse du sacre de Charles X ( photo musée des carrosses de Versailles) Ce monument d'architecture et de carrosserie de 4T5* tonnes a une histoire très marquée par
Par ailleurs, dans son inscription au Répertoire du commerce de Paris de 1828, on peut s'étonner que P.F. Faurax ne revendique pas cette construction et ne se présente que comme "fabriquant de voiture" alors que, dans ce même document, un des acteurs reconnus de cette réalisation; le carrossier d'Aldringen, soigne sa promotion en se présentant comme "carrossier du roi" ayant "fait la voiture du sacre".
Ces deux allégations sur la participation du fondateur de la dynastie à la construction de voitures pour Napoléon et Charles X sont donc impulsées tardivement par ses petits-fils qui, gérant une entreprise, certes, ancienne et importante, n'hésitent pas à la présenter comme la plus ancienne et la plus grande en France. Ceci dénote d'un certain sens, sinon de l'affabulation, du moins de l'exagération de dynamiques commerçants.
Il reste une dernière hypothèse qui serait que 1808 corresponde à l'entrée de P.F. Faurax dans la profession comme apprenti et/ou ouvrier chez un des carrossiers ayant participé à la réalisation de ces voitures historiques.
L'absence de l'entreprise Faurax dans les répertoires du commerce de 1808 à 1825 pourrait appuyer cette hypothèse.
1825-1841 activité parisienne
A partir de 1825, la présence de Faurax dans le Répertoire du commerce de Paris semble confirmer les allégations des successeurs de P.F. Faurax sur l' activité parisienne de celui-ci (cependant sans les prénoms et l’absence d'autres informations, il est difficile d'affirmer avec certitude que nous sommes dans la même filiation).
Une société Faurax, cise au 46 rue St Nicolas d'Antin, se présente dans les répertoires de 1825 à 1830 comme carrossier "fabricant de voitures en tous genres dans les goûts le plus modernes. Prend des voitures en remise"
De 1832 à 1834: la société est domiciliée au 52 rue St Nicolas d'Antin
De 1835 à 1837: nous la retrouvons au 10 rue de l'arcade
Décembre 1836: différentes revues judiciaires, dont la Gazette des tribunaux, font état de la déclaration de faillite au tribunal de commerce du carrossier Faurax, domicilié au 10 rue de l'arcade.
De 1839 à 1841: l'entreprise est de nouveau inscrite au Répertoire du commerce parisien. toujours rue de l'arcade mais au N°6.
A partir de 1841: aucune notification de la présence de cette carrosserie à Paris n'a, à ma connaissance, été trouvée.
Vers 1840, implantation à Lyon
L'article du Panthéon de l'industrie de 1894 indique que "Monsieur Faurax fonda une succursale à Lyon qui devint plus tard le centre de fabrication". Cette information est corroborée par le rapport sur la présence des entreprises lyonnaises à l'exposition de 1889. "En 1840, un des fils du fondateur monta une grande maison à Lyon, centre, à l'époque, du charbon, de la métallurgie et de la production de bois. La fabrication fut peu à peu centralisée à Lyon et la maison de Paris ne conserva que des magasins de vente."
Ce n'est qu'à partir de 1855 que nous allons avoir des informations sur les activités lyonnaises de la maison Faurax par le biais des compte-rendus d'expositions universelles; deParis (1855 ), Lyon (1872),..
Participation à l'exposition universelle de Paris en 1855
L'installation définitive à Lyon et la qualité de la production sont confirmées par le compte-rendu de cette exposition, paru dans "Le travail universel" de 1856, qui nous permet de trouver enfin quelques données techniques sur la qualité et la spécificité des fabrications de l'entreprise. A cette exposition, contrairement aux entreprises parisiennes qui ont exposé des voitures transformables, les entreprises, dites des départements, ont proposé des voitures à une seule fin ce qui est apprécié par les rapporteurs doutant de l'intérêt des acheteurs pour les voitures à fonctions multiples. "Les envois de quelques grandes maisons des départements, au lieu de ces voitures mécaniques et multiples, ont exposé des produits simplifiés destinés à un seul emploi. Nous citerons à cette occasion les noms de M Bergeon de Bordeaux et Faurax de Lyon". Le catalogue officiel de l'exposition précise que la voiture est présentée par Charles Edmond Faurax.
Cette voiture, honorée d'une médaille d'honneur de 1° classe, a été particulièrement appréciée par les rapporteurs qui la présentent comme le produit le plus remarquable de la carrosserie française. Cette appréciation est à souligner car le rapport, hormis pour les maisons Belvalette frères et Delongueil, est assez critique sur la qualité des voitures exposées.
Une description détaillée de la voiture est même intégrée au rapport.
Au vu de cette représentation à Paris de la maison Faurax par Charles Edmond, on peut faire l'hypothèse que celui-ci est l'un des fils du fondateur et qu'il assure au moins la direction technique de l'entreprise, ce qui semble être confirmé par un dépôt de brevet en 1860.
C'est un brevet d'invention de 15 ans pour un "essieu à graissage permanent et hermétique dit essieu Faurax". Il est déposé par Charles Edmond Faurax. Ce dossier précise l'implantation de l'entreprise au 5 rue de Noailles.
C'est toujours sous le nom de Faurax que l'entreprise obtient des médailles d'or aux expositions de Marseille en 1861 et Porto en 1865.
En 1862, sous la dénomination; Faurax carrossier, un brevet, concernant "des perfectionnements aux essieux à graissage permanents et hermétiques dits essieux Faurax", est déposé.
En 1867, nous avons un changement de représentation de la société avec cette nouvelle appellation; Madame veuve Faurax.
En effet, l'entreprise est présente à l'Exposition universelle de Paris de 1867 et y reçoit une mention honorable attribuée à Madame veuve Faurax. M Hurry est également récompensé comme "contremaître de la maison Faurax".
En 1868, un nouveau brevet, concernant des"perfectionnements aux fermetures de landau, est déposé par 'Mme veuve Faurax et fils', sous l'adresse; 4 rue de la Ferrandière (adresse personnelle de la famille?).
Nous constatons que, jusqu'à 1867, l'entreprise n'est nommée que sous l'appellation de Faurax alors que, depuis au moins 1840, les fils sont impliqués dans l'entreprise. Cette apparition tardive de la mention 'veuve Faurax' puis son changement l'année suivante en 'veuve Faurax et fils' peut signifier que le fondateur P.F. Faurax soit décédé peu avant et que nous sommes dans une période d'organisation de la succession.
En plus de Charles Edmond, je n'ai retrouvé qu'un autre fils du fondateur de la maison Faurax; Charles Louis Claude. Nous connaissons son identité par le dossier militaire d'un de ses fils; Marius Paul Faurax mort au Dahomey, en 1892 (plus connu sous le nom du commandant Faurax).
Charles Louis Claude eut deux autres fils Léon et Albert.
Léon Faurax est né 17 janvier 1846 et se mariera avec Marie Marell, descendante d'une famille de sidérurgistes de St Etienne. Nous retrouverons plus tard le nom de cette famille dans l'histoire de la maison Faurax. Je n'ai pas trouvé de date de naissance pour Albert.Les deux frères participent à la guerre de 1870(1).
Ce sont eux qui vont prendre en main la destinée de l'entreprise qui prendra le nom de "Faurax frères" entre 1868 et 1872.
Faurax frères
Les premières informations sur cette nouvelle société nous sont données par le compte-rendu de l'Exposition universelle de Lyon intitulé; "Les merveilles de l'industrie à l'Exposition de Lyon" par Henry de Lagorce". Elle y est notifiée sous le nom de "Faurax frères" et est dirigée par Léon et Albert.
Participation à l' Exposition de Lyon en 1872
Qualifiés de premiers carrossiers de Lyon par le rapporteur de la section transport, l'entreprise est récompensée par la médaille d'or et présente 6 voitures.
"-Un trés joli coupé léger, merveille de légèreté, .... La caisse et le train sont noirs d'ivoire rechampi paille, L'intérieur est doublé en satin noir.
-un délicieux duc aussi élégant qu'une voiture parisienne,...
-un confortable omnibus à six places, avec siège et impériale; fort belle voiture qui peut porter douze personnes au moins, construite sur le genre anglais.
-un phaéton à huit ressorts en blanc,... cette voiture est d'un fini remarquable aux pièces de forge merveilleusement traitées. Nous avons remarqué pour la première fois des jantes de roues d'une seule pièce.
-le chef d'oeuvre de MM Faurax c'est selon nous un splendide landau à huit ressorts, peint et doublé en marron ton sur ton, à train noir; C'est un équipage d'un grand style et d'une rare distinction. Il est fait pour les gens chics, selon la théorie de Morel, qui prétend que chaque individualité veut un type de voiture qui se modifie selon les personnes et qui, avant d'accepter une commande, vous inspecte des pieds à la tête. Il appelle cela: prendre votre mesure.
Ce rapport spécifie par ailleurs que la qualité de ces voitures est égale à celle des fabrications des carrossiers parisiens et anglais qu'elle concurrence par le "bon marché". Une autre caractéristique mise en valeur est l'autonomie totale de l'entreprise qui regroupe en une seule entité tous les corps de métier:
"Il est réellement curieux de visiter cet atelier modèle, où l'on voit fabriquer toutes les pièces de la voiture jusqu'aux moindres détails (et l'on sait qu'il y en a) et le nombre des genres d'ouvriers différents dont doit se servir un carrossier, depuis les lanternes de la voiture qu'il construit, jusqu'aux essieux, depuis la capote en cuir, jusqu'à la menuiserie et au charronnage".
Voici quelques informations sur les ateliers, toujours installés au 5 rue de Noailles.
Ces ateliers sont immenses et forment toute une île. Au rez de chaussée est la fabrication, à gauche les forges et les machines, à droite la menuiserie et le charronnage. Dans les ateliers, on se sert d'un outillage mécanique et à vapeur d'un genre nouveau; les principaux outils machines étant de l'invention de MM Faurax.
Au premier, sont d'immenses galeries qui font tout le tour du rez de chaussée qu'elle domine. Ces galeries servent de magasins à la maison Faurax et contiennent plus de deux cents voitures qu'un treuil à vapeur, d'un système nouveau, fait descendre ou monter suivant les besoins.
Les compte-rendus de la participation de Faurax frères à l'Exposition universelle de Paris, en 1878; rapport officiel du Jury et article du "Panthéon de l'industrie" de 1879, vont nous permettre de compléter nos informations sur le fonctionnement et la production de l'entreprise.
Participation à l'exposition universelle de Paris en 1878
L'article de 1879 du "Panthéon de l'industrie" insiste encore sur la spécificité de l'organisation du travail chez Faurax frères; " La maison Faurax est la seule en France qui fabrique tout chez elle; essieux, ressorts, caisse, pièces forgées, peinture, garniture, lanternes et travaux, pour lequel elle emploie 250 ouvriers." Ce mode de production leur permet de réaliser des voitures de luxe à la qualité reconnue, tout en proposant des prix "bon marché". Cette organisation s'accompagne, depuis les débuts lyonnais de l'entreprise, d'une politique commerciale ambitieuse, visant le marché national et international en s'appuyant sur:
-l'implication dans de nombreuses expositions où la maison Faurax obtient diverses récompenses; Médailles de première classe aux expositions de Paris 1855, Porto 1865, Paris 1867. Diplôme d’honneur à l’exposition de Paris 1862, médailles d’or aux expositions de Marseille 1861 et Lyon 1872.
-l'implantation d'un réseau de comptoirs en France; Bordeaux, Marseille,.. et à l'étranger; Egypte, Espagne, Portugal...
-son statut de fournisseur de maisons royales; cours d'Egypte, du Portugal, d'Autriche.
Comme toute grande carrosserie de luxe, Faurax frères s'efforce à donner le ton de la mode en innovant dans l’esthétique des modèles proposés et dans la recherche d' avancées technologiques.
Des brevets sont déposés dans de nombreux domaines et équipent les voitures proposées à l'Exposition universelle de 1878:
-un système d’essieux breveté qui a retenu l'attention des rapporteurs de l'exposition de Paris 1878
-roues légères, avec jantes cintrées en deux pièces seulement, montées sur un moyeu à enveloppe métallique
- un système de ressort permettant de manipuler les capotes de landau sans descendre de la voiture
-un système de fermeture permettant d'ouvrir les portières des landaux sans baisser les glaces
-....
Ces avancées ne sont pas trop appréciées par les juges parisiens qui en notent la qualité tout en critiquant leur utilité comme le montre le rapport sur la calèche huit ressorts présentée.
L'entreprise expose plusieurs voitures dont:
-la calèche à huit ressorts, citée ci-dessus, avec un train sans boulons, forgé de toute une pièce, dont l'ingénieur des arts et manufactures apprécie la qualité esthétique.
-un coupé de nouvelle forme, rappelant la chaise à porteurs Louis XV, qui supprime le cuir qui recouvre habituellement les coupés.
-un landau muni du système de manipulation des capotes, simple et utilisable d'une seule main.
-un duc caractérisé par sa grande légèreté.
Mis à part la calèche, aucune autre des productions de Faurax frères n'est mise en valeur par le rapport officiel de l'exposition et celui de l'ingénieur Anthony. Cependant, leur qualité a permis, à deux d'entre elles, d'être retenues pour figurer dans l'album des principales voitures de l'exposition, réalisé par Charles Gourdin. Faurax frères n'obtiendra qu'une médaille d'argent.
La société Faurax frères va encore continuer son activité jusqu'en 1883. La dissolution de la société Faurax frères, 5 rue de Noailles, est définitive à compter du 31 décembre 1883. Les deux frères ont maintenant chacun leur propre entreprise; Léon gardant les ateliers de Lyon et Albert créant sa propre carrosserie à Marseille à partir, probablement, du comptoir qui y avait été établi par Faurax frères. En 1889, ils se présenteront d'ailleurs séparément à l'Exposition universelle de Paris en y décrochant chacun une médaille d'or.(2)
Faurax Léon
La nouvelle maison continue sa dynamique politique commerciale en participant, dès 1884, à l'Exposition de Nice. Son exposition va avoir un franc succès et, comme en 1878, puis 1889 et 1894, l'entreprise aura droit à un article élogieux dans les colonnes du Figaro qui, dans chaque article, la place au même niveau de qualité que les plus grandes carrosseries parisiennes. En 1884, le journal, en précisant que Paris est le pôle de la carrosserie de luxe, n'hésite pas à affirmer que Lyon en est le deuxième avec la seule entreprise Faurax.
Les ateliers lyonnais passés sous sa coupe, Léon Faurax met tous les moyens nécessaires à la sauvegarde de leur réputation, n'hésitant pas à utiliser les voix juridiques si nécessaire. Ainsi, en 1886, gagne-t-il un procès contre un autre carrossier lyonnais Charrel. Celui-ci avait remanié une voiture construite par la maison Faurax et l'avait revendue sous son propre nom en changeant les inscriptions des chapeaux de roue. Mais le combat de Léon Faurax sur le respect de la propriété des marques de fabrique ne s'arrête pas là car sa position fut contestée par Brice Thomas, directeur du "Guide du carrossier". Il s'en suivit, étalé de 1886 à 1888, un long échange d'explications, publié dans le GDC. Il n'agit pas seulement pour sa propre entreprise mais pour l'ensemble de la profession car Léon Faurax est alors président de la Chambre syndicale des carrossiers du Rhone.
Nous retrouvons des informations sur l'entreprise, toujours installée dans les immenses locaux de l'avenue de Noailles, dans L'étoile artistique (journal parisien) du 8 aout 1887.
Le journaliste parisien met en avant " l'honnêteté dans la fabrication et le bon goût" et la diversité des modèles proposés. Il s'étonne de l'importance de la production qui s'établit à 300 voitures par an; "chiffre énorme que nos industriels parisiens ont rarement dépassé", et de la fabrication de toute la voiture dans les locaux de l'entreprise.
"Et je l'avoue, j'ai été surpris, trés surpris, de voir, avenue de Noailles, une chose pour ainsi dire unique et non pratiquée par nos carrossiers parisiens; celle-ci: la fabrication dans la maison même de tout ce qui est l'accessoire: les ressorts, les essieux, en un mot; tout ce qui a trait à la voiture. C'est là un avantage considérable puisque, dans ces conditions, il est facile de se rendre compte des matières premières que l'on emploie."
Par ailleurs, il salue la dynamique politique commerciale à l'exportation, mise en place par l'entreprise, en faisant même un exemple.
Ces quelques photos, plus tardives car datant des années 1890, donnent une idée de la qualité des voitures que le journaliste de "L'étoile artistique" a pu observer dans les salles d'exposition du 5 rue de Noailles
Ces commentaires émis par ce journal mondain, culturel parisien donc plus objectif que les parutions chauvines lyonnaises, soulignent le statut national de l'entreprise lyonnaise qui, rappelons le, bien que citée, n'avait pas obtenu de médaille de prestige à Paris à l'époque de Faurax frères. Cette montée en reconnaissance de l'entreprise se confirme à l'Exposition universelle de Paris.
Participation à l'Exposition universelle de Paris de 1889
"Faurax Léon" y expose pourtant que quatre voitures:
--un mail-coach, avec avant-train en bois. Les ressorts sont disposés en chassis avec menottes en fer. Un frein à levier est placé au siège de devant et au siège de derrière.
-Un landau, à trois cintres accusés sans moulures de portes, monté à cinq ressorts derrière avec crosses en bois et muni d'un frein à friction sur le derrière du moyeu.
-Un coupé rond, d'une bonne forme et bien fini. Le ressort d'essieu est attaché de travers par des ronds.
-Un tilbury à capote, monté sur ressorts d'essieu en C, avec soupentes prises entre le ressort et l'essieu et venant s'attacher à la main; siège derrière sur ferrures.
Dans cette exposition, où il remporte la médaille d'or, Léon Faurax confirme au niveau national son statut de grand fabricant de voitures de luxe qui participe, par sa politique d'exportation, à propager l'image de marque de la carrosserie française à l'étranger. C'est alors une personnalité reconnue du monde de la carrosserie et il sera, d'ailleurs, nommé expert auprès du Jury de l'Exposition de 1900 à Paris et réalisera régulièrement, de 1897 à 1907, des rapports sur la production carrossière qui seront publiés dans le journal "La carrosserie française".
Trois ans plus tard, en 1894, il fait partie du comité de patronage et d'organisation de l'Exposition universelle et coloniale de Lyon. La responsabilité de la section carrosserie lui est confiée. Il y est également présent comme exposant.
Participation à l'Exposition universelle et coloniale de Lyon de 1894
L'Exposition universelle de Lyon de 1894 permet à l'entreprise de montrer la qualité et la diversité de ses voitures de luxe en y exposant pas moins de 15 voitures.
L'entreprise offre donc à sa clientele l'ensemble des services nécessaires à la pratique de l'attelage en restant à la recherche de l'innovation dans tous les domaines.
La recherche de l'excellence est toujours la priorité, comme nous pouvons le découvrir dans cette grande wagonnette de promenade avec siège intermédiaire, exposée au salon et décrite, en 1895, dans la revue "La carrosserie française", sous la dénomination: break d'excursion.
Acteurs de cette qualité de production, différents contremaîtres de "Faurax Léon" y sont médaillés: Convert; médaille d'argent, Van Cauwelaert, Delery, Collin; médaille de bronze, Ventajol et Dufour; mention honorable.
En tant qu'organisateur, Léon Faurax propose une exposition rétrospective de l'art de la carrosserie. A cette époque, certains grands carrossiers comme Mühlbacher, Grümmer..., mais aussi Faurax, cherchent à préserver le patrimoine historique de la carrosserie et n'hésitent pas à mettre à disposition des expositions certaines pièces de leurs collections personnelles.
Aussi, Léon Faurax présente t il dans cette rétrospective différents documents et véhicules, dont:
-des dessins de voitures de cour; ceux du carrosse du sacre de Charles X !, de la berline d’Ismaël Pacha, réalisée en 1872 par Faurax frères,...,
-différentes voitures; une fliguette, une litière, des chaises à porteur,...
Certaines de ces pièces historiques seront ultérieurement exposées à l'exposition centennale organisée dans le cadre de l'exposition universelle de 1900 à Paris.
Le break présenté à Lyon est également exposé, avec deux autres voitures, à l'Exposition de Bruxelles, en 1897.
Participation à l'Exposition de Bruxelles de 1897
Le break y est accompagné d'un phaéton de dame et d'un coupé.
-Phaéton de dame
-Coupé
"Le coupé rond est garni en drap et en maroquin avec la même passementerie que le phaéton. A l'exception du pavillon, tout l'interieur est capitonné en maroquin; l'avant est orné d'une belle cantine, les petits accessoires sont en ivoire. Cette voiture est peinte, caisse et train, en bleu corbeau; le train est également rechampi d'une large bande orange."
En 1900, Léon Faurax est présent à l'Exposition universelle de Paris à plusieurs titres:
- expert auprés du jury.
- participant à l'exposition centennale; prêt de voitures, dessins dont, emblèmes de la famille, ceux du carrosse du sacre de Charles X, déjà exposés à Lyon)
- exposant de productions hippomobiles.
Participation à l'Exposition universelle de Paris de 1900
A Paris, il expose quatre voitures dans la section carrosserie, dont un mylord à portières aussi nommé américaine et un phaéton qui seront décrits par le GDC et la carrosserie française .
-Américaine; mylord à portières
(GDC 1076)
Carrosserie française 255
-Phaéton de dame
Carrosserie française 266
GDC 1074
Nous complétons la présentation des productions hippomobiles, de 1890 à 1900, par ce diaporama d'autres voitures "Faurax Léon".
(source: Fondation Berliet Lyon)
En cette fin de siècle, l'entreprise est confrontée à la mutation de l'activité de la carrosserie de luxe qui va progressivement s'engager dans la production automobile. Comme nous l'avions présenté dans l'article c- joint "Cachez ce moteur... que je ne saurai voir", les premières voiturettes "Panhard", "Berliet"... n'attirent, au début, que des sportifs et atteignent difficilement la clientèle des voitures de luxe. Commence alors l'adaptation, entre autre par les plus grands carrossiers, de caisses de voitures hippomobiles sur des châssis de voitures à pétrole ou électrique.
Cachez ce moteur. ... que je ne saurai voir! Fin hippomobile - attelage-patrimoine
N'hésitez pas à consulter les 1200 articles et albums classés à droite de cet article Cachez ce moteur ... que je ne saurais voir ! Cliquer sur les photos pour les agrandir De nos jours, tout ...
http://www.attelage-patrimoine.com/2016/11/cachez-ce-moteur-que-je-ne-saurai-voir.html
Saint Loup, dans sa fiction "Marius Berliet l'inflexible", attribue à Léon Faurax un certain détachement vis à vis de cette situation.
"Le comte de Chabannes, homme de cheval, passionné de rallyes et d’automobile, maître d’équipage des drags, a fait carrosser sa Rochet Schneider par le célèbre Faurax qui ne croit pas à l’avenir de la voiture à pétrole et déclare :
Les coachs que j’ai construits pour les grandes familles de Lyon, cela représente bien une douzaine de véhicules au maximum. Il en sera de même pour l’automobile."
Cette position, si elle est réelle, doit dater du début des années 1890 car elle est contredite par les écrits de Léon Faurax de 1897.
Ses rapports sur l'évolution du commerce de la carrosserie, rédigés dans le cadre de ses fonctions de président du syndicat de la carrosserie lyonnaise, montrent nettement qu'en 1897, malgré l'augmentation continue du parc de véhicules hippomobiles sur le territoire français, il s'inquiète de la rapide progression des ventes d'automobiles et de cycles.
Sa prise de conscience d'une mutation se confirme ultérieurement. Ainsi, les états statistiques de 1900 font état, sur les trois dernières années, d'une baisse des exportations des voitures et une nette augmentation de celle des automobiles. Cette progression des ventes d'automobiles fut si rapide que les organisateurs de l'exposition universelle n'avaient pas prévu un espace assez grand pour accueillir et durent externaliser des exposants en cycles et automobiles.
Tout en continuant à construire des voitures, il développera l'activité automobile en s’associant avec Jules Marrel, membre de la famille de sidérurgistes de son épouse, toujours sous la marque Faurax puis Faurax § Cie avec la même réussite que dans sa production de voitures.
"Nous remarquons également une limousine signée Faurax, le grand carrossier lyonnais dont le nom est un sûr garant de confort et de luxe" -Compte rendu de "Grands sports" sur le salon de l'automobile de 1906.-
Comme ses concurrents locaux et nationaux, Faurax § Cie aura pour activité de carrosser des châssis de constructeurs, pour lui essentiellement lyonnais; Rochet Schneider, Cottin-Degoutte, Berliet,......
En 1908, la maison est acquise par Jules Marrell et prend le nom de: Ancienne maison Faurax§Cie. Pour fêter les cent ans d'activité de Faurax, elle édite une plaquette sur l'histoire de la carrosserie en France.(3)
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Lèon Faurax meurt en 1917 et Jules Marrel en 1922. En 1919, l'entreprise devient Faurax Jarsaillon§ Cie, puis, en 1920, elle fusionne avec la carrosserie Chaussende et se spécialise dans la construction de camions et de cars.
Faurax§Chaussende" sera intégré à Berliet, en 1969, puis à Rénault véhicules industriels, en 1976.
Cet article, s'il met en perspective la place incontournable de de la dynastie Faurax dans le monde de la carrosserie de luxe, est, comme nous vous en avions prévenu, très incomplet.
Aussi, nous comptons sur vous, chers lecteurs, pour le compléter par vos informations ou documentations personnelles.
Texte:
Patrick Magnaudeix
Sources:
Archives personnelles de l'auteur, J L Libourel, Fond GDC; Fédération française de carrosserie, fondation Berliet, Gallica BNF, CNUM.....
Documentation:
Les merveilles de l'industrie Lagorce 1872 Exposition Lyon
Pantheon de l'industrie 1879, 1894
L'étoile artistique mondain scientifique, août 1887
Rapport officiel Exposition universelle de Paris
Archives des dépots de brevets de l'INPI
Le travail universel, revue complète des arts et de l'industrie exposés à Paris en 1855 Collectif sous la direction de JJ Arnoux
Rapport officiel classe 62 Exposition 1878
Figaro 1878, 1884, 1889, 1894,
Rapport officiel Exposition 1889
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1)
Présentation des voitures de Albert Faurax, alors carrossier à Marseille, qui lui ont permis d'obtenir la médaille d'or à l'Exposition internationale de Paris de 1889.
(2)
Léon Faurax, lieutenant d'ordonnance du général Bressone, sera fait chevalier de la légion d'honneur à titre militaire au 25 Juillet 1871 puis officier de la légion d'honneur en décembre 1897
(3) Plaquette "Cent ans de carrosserie".