Vous trouverez une présentation très accessible des articles de vos "THEMES FAVORIS" dans le répertoire ci dessous.
Dans un précèdent article sur "La Carrosserie Industrielle", entreprise revendiquant une origine de création en 1780, j'exprimais la difficulté que j'avais à vérifier l'authenticité de ces dires et encore plus à identifier les différentes étapes d'un parcours complexe.
"Ainsi en est- il de la date de création de l'entreprise qui, selon les prospectus, annonces de journaux ou catalogues, est indiquée en 1780, 1882 ou 1840. On peut facilement suspecter que la date de 1780 soit une "allégation publicitaire" visant à vieillir la date de création pour affirmer le sérieux et l'expérience de l'entreprise. Je n'ai trouvé, à ce jour, aucun élément confirmant ou infirmant que cette datation de l'origine de l'entreprise soit exacte. Cependant, elle n'est pas obligatoirement fausse car, au XIX°, la passation d'entreprise ne se limite pas à la seule voie de l'héritage familial qui, si elle a donné de grandes dynasties comme Binder, ne représente pas la règle. Les autres modes de transmission sont multiples; fusion d'ateliers, rachat de concurrents ou d'entreprises en cessation d'activité. Contrairement à une création d'entreprise autonome, ces solutions permettent au nouvel entrepreneur de récupérer une clientèle déjà fidélisée, des fournisseurs de matières premières fiables, des locaux et équipements, des salariés formés,...."
Le temps passant, j'ai trouvé un certain nombre d'éléments confirmant une ancienneté remontant aux années 1820, ce qui n'exclue pas une origine plus ancienne pour laquelle je n'ai cependant trouvé aucune preuve à ce jour. Ces informations proviennent essentiellement d'un catalogue de l'entreprise Perrousset § Samuel publié à l'exposition de 1878, de différentes publicités et de l'almanach du commerce de la ville de Paris. Ce dernier document est un journal à objet commercial pour des entreprises qui font le choix ou non de s'y inscrire et de spécifier leur activité. Les informations sont donc par nature fragmentaires et nous confirment simplement l'existence de la société à un moment donné. Elles m'ont cependant permis de remonter jusqu'aux années 1820 avec l'activité d'un charron nommé Vuateau, puis de décrypter une partie du complexe écheveau, qui nous conduit de l'échoppe d'un charron parisien vers la plus importante carrosserie de la fin du XIX°. La carrosserie industrielle produit, en 1898, 8000 voitures par an et fait travailler de 1000 à 1200 salariés.
Avant 1827:
Avant cette date, je n'ai trouvé aucune information sur les entreprises ayant une place dans la construction de "La Carrosserie Industrielle". Dans l'almanach du commerce, la référence la plus ancienne à un Vuateau exerçant le métier de charron, remonte à 1827. Le fait qu'il se présente comme Vuateau fils laisse à penser, bien sûr sous réserve de vérifications ultérieures, qu'il pourrait descendre d'une famille de charrons ayant exercé leur métier dans les décennies précédentes.
1827: Vuateau fils
"Charron"
178 faubourg St Martin. -Almanach-
Presque vingt ans après, nous retrouvons un Vuateau mais, par manque d'information, sans certitudes sur l'existence d'une filiation.
1845: Vuateau
" charron, forgeron"
180 faubourg St Denis. -Almanach-
1846 à 1847: Vuateau
"Charron forgeron"
186 faubourg rue St Denis. -Almanach-
Je n'ai pas trouvé d'informations sur les raisons du déplacement de domiciliation au 186 de la même rue.
1848: Vuateau aîné
"Charron forgeron, successeur père"
186 faubourg St Denis. -Almanach-
Le fils aîné reprend l'atelier familial.
1849 à 1852: Vuateau aîné
"Charron forgeron, successeur père"
184 faubourg St Denis. -Almanach-
Le changement de numérotation pourrait s'expliquer par une extension de l'atelier donc d'un agrandissement de l'entreprise.
1854: Vuateau Fils
"Charron forgeron successeur père"
184 faubourg St Denis. -Almanach-
Il y a un changement de dénomination de l'entreprise sans précision sur la raison de cette modification; s'agit il d'un autre frère qui rejoint l'entreprise ou du fils de Vuateau Aîné qui succède à son père.
1855-1856: Vuateau Fils
"Charron forgeron, Fabriquant de voitures"
184 faubourg St Denis. -Almanach-
L'entreprise élargit son activité à la fabrication de voitures sans que l'on puisse déterminer de quel type de véhicule il s'agit.
1860: Perrousset
184 faubourg St Denis. -Almanach-
L'entreprise change de main et est reprise par Perrousset. Je n'ai trouvé aucune information sur les activités précédentes de ce repreneur.
De 1861 à 1864 la maison rechange de nom pour sûrement fidéliser la clientèle de son prédécesseur
1861 à 1864: Perrousset (ancienne maison Vuateau Fils)
"Constructeur de voitures, spécialité de camions pour roulage et chemins de fer."
184 faubourg St Denis. -Almanach-
L'entreprise s'est donc spécialisée dans les lourds véhicules de transport de marchandise.
1865: Perrousset Père et Fils
"Constructeur de voitures, spécialité de camions pour roulages et chemins de fer, entretien."
184 faubourg St Denis. -Almanach-
Après cette association du père et du fils Perrousset, nous arrivons à une période plus complexe à analyser avec le changement de dénomination, d'adresse de l'entreprise et l'intégration de deux entreprises supplémentaires dans cette nouvelle structure.
1866-1867: Perrousset § Samuel (anciennes maisons Mony- Vuateau-Jocteur réunies)
"Camions et fourgons pour roulage et chemins de fer, fournisseur des Cies de Lyon et d’Orléans."
25 rue du Chemin de Reuilly et 228 faub. St-Martin. -Almanach-
En 1866, "Perrousset Père et fils" va donc:
1°s'associer à un dénommé Samuel
Je n'ai trouvé aucune information sur ce nouvel acteur (lui-même du métier ou simple financeur ?) qui, comme nous le verrons, prendra une place importante dans l'évolution de l'entreprise.
2°reprendre, conjointement avec lui, tout ou partie de l'activité de deux autres entreprises et déménager dans les locaux de l'une de ces entreprises.
Nous possédons que peu d'éléments sur l'historique de ces deux entreprises:
Jocteur Henri: "Charron" -Almanach-
Cette entreprise, domiciliée jusqu'en 1865 au 17 rue de la Chapelle-Villette et au 28 rue de Paris à Pantin (Seine), va donc déménager, en 1866, dans les locaux communs à Perrousset § Samuel et Mony au 25 chemin de Reuilly et 228 Faubourg St-Martin. Conjointement à son intégration dans Perrousset § Samuel, H. Jocteur va, d'après l'almanach, poursuivre dans les mêmes locaux une activité en son nom propre jusqu'en 1872..
Mony A: "Charron forgeron" -Almanach-
Les charrons forgerons A. Mony et Victor Mousserou, domiciliés au 25 chemin de Reuilly sont associés jusqu'en 1861. A partir de cette date et jusqu'en 1865, A. Mony continue seul son activité dans les locaux du 25 chemin de Reuilly.
En 1866, et jusqu'en 1872, il est toujours domicilié à cette même adresse. L'almanach le présente d'une part comme intégré dans l'entreprise Perrousset § Samuel et d'autre part comme continuant son activité en son nom propre. Comme pour H. Jocteur, cette double inscription peut avoir diverses raisons:
- maintenir leur clientèle dans le nouveau groupement
- continuer une activité liée à une éventuelle spécialisation de production comme la production de pièces de forge spécifiques, de roues, d'avant-trains,...
1868 1872: Perrousset § Samuel (anciennes maisons Mony- Vuateau-Jocteur, réunies)
"Véhicules de toutes sortes pour le commerce, l’industrie et les travaux publics ; roues perfectionnées avec bandages en fers d’angles et à boudins, système Juhe."
228 faubourg St martin et ateliers de construction au 25 chemin de Reuilly. -Almanach-
Ce regroupement a donc permis à la nouvelle société d'élargir son activité à la production de véhicules utilitaires des secteurs du commerce de l'industrie et des travaux publics, de développer de nouvelles compétences techniques et brevets.
1873-1876: Perrousset § Samuel (anciennes maisons Mony- Vuateau-Jocteur, réunies)
228 faub. St-Martin, (ateliers de construction au 25 chemin de Reuilly) -Almanach-
L'année 1873 se concrétise par l'intégration totale de Jocteur et Mony qui n'assurent plus de production propre. Elle inaugure une période de développement commercial et de l'élargissement du marché vers la province où l'entreprise participe à diverses expositions. La qualité de la production se trouve d'ailleurs récompensée par l'obtention, en 1869, d'une médaille d’argent à l'exposition de Beauvais et, en 1872, par l'obtention d'une médaille d'argent et d'une de bronze à l'exposition de Lyon.
1877-1879: Perrousset § Samuel
Fourgons, camions, voitures de toutes sortes, pour le commerce, l’industrie et les travaux publics ; fournitures de roues, ressorts, essieux, ferrures et pièces détachées, en fer et en bois pour toutes sortes de voitures.
Bureaux et magasins, 228 Faub. St-Martin ; ateliers de construction, 74 rue Decaen. -Almanach-
La notoriété de l'entreprise semble assez conséquente pour lui permettre d'ouvrir un local d'exposition et ne plus mentionner, dans son appellation, les entreprises auxquelles elle a succédé ou repris l'activité. "Perrousset § Samuel" revendique la modernité de ses méthodes de production qui s'appuient sur les avancées techniques du moment et la mécanisation de l'entreprise. Lors de l'exposition de 1878, elle s'inscrit dans le groupe 62, intitulé "Carrosserie industrielle", qui correspond alors aux entreprises, majoritairement de type industriel, spécialisées dans la production de véhicules utilitaires; de l'industrie, du commerce et de transport public.
Dans le catalogue de l'exposition, "Perrousset § Samuel" met justement en avant la modernité de ses méthodes de production et leur intérêt pour sa clientelle:
"Il est peu d'industries qui se soient tenues plus au courant des progrès modernes que la carrosserie. Les transports augmentent tous les jours, des routes nouvelles ou améliorées s'ouvrent sans cesse. Cette augmentation rapide était du reste inévitable et les fabricants de voitures se sont mis à la hauteur de ce mouvement; perfectionnant leur outillage et leur matériel. Il ont donné une extension de plus en plus considérable de leur fabrication, tout en conservant les qualités premières des anciens procédés.
La carrosserie de luxe n'est entrée que pour une petite part dans ce mouvement, qui a surtout fait sentir son influence dans la carrosserie industrielle.
A côté de cette carrosserie de luxe si réputée, mais pour laquelle les soins extrêmes à apporter dans l'exécution des détails et l'application du goût individuel de chaque ouvrier forment des obstacles à une fabrication économique et rapide, la carrosserie industrielle a pris une place importante que son accroissement constant justifie pleinement.
Aucune maison n'a fait faire à cette industrie spéciale des progrès aussi rapides et aussi surprenants, aucune n'a réalisé avec un aussi grand succès les trois types de la construction des voitures de service; légèreté, solidité, commodité, que la maison PERROUSSET et SAMUEL." -Catalogue exposition universelle de Paris 1878-
Dans ce document, la maison affirme sa volonté de laisser de côté la carrosserie de luxe pour dédier son activité aux seuls véhicules de fatigue en précisant ses modalités techniques de production.
"Cette fabrication, traitée dans les meilleures conditions de solidité, est faite exclusivement avec des matières premières soigneusement choisies. Elle comporte dans sa forme une légèreté et une élégance relative, mais dont le degré de fini, moindre que dans la carrosserie de luxe, permet l'application de tous les outils et du travail mécanique ... de fabriquer plus vite et à bon marché." -Catalogue exposition universelle de Paris 1878-
Les ateliers de Reuilly, dont l'adresse a seulement changé de nomination; 74 rue Decaen Reuilly, s'étendent, en 1878, sur 10000 M2. Ces très vastes locaux abritent des ateliers spécifiques à chaque type de pièce composant un véhicule. Les différentes machines-outils sont alimentées par une machine à vapeur de 50 chevaux. Cette mécanisation permet de fabriquer les pièces en grande séries ce qui ouvre à l'entreprise le marché professionnel des pièces détachées. Dans l'ensemble du territoire et même à l'étranger, des milliers de petits fabricants locaux; charrons, carrossiers,...n'ont pas les moyens techniques pour réaliser l'ensemble des pièces de voitures. Ils s'approvisionnent, en ferrures, ressorts, roues, caisses,... auprès d'entreprises spécialisées; Lemoine, forges de Sargan,.. ou auprès d'industries de la carrosserie comme "Perrousset § Samuel", "Retif", ... auxquelles ils achètent, également, des voitures en blanc prête à garnir.
La principale activité de l'entreprise reste cependant la production de voitures de toutes gammes ce qui englobe la fabrication:
-de voitures pour services publics et entreprises de place et de remise: Coupés, Mylords , Omnibus,...
-de fourgons, camions pour messagerie et pour transport de toutes marchandises.
-de toutes les voitures destinées au transport de produits divers ou à fonction spécifique, pour lesquels il est nécessaire d'avoir des conditions particulières de forme, de solidité de dimensions.
1880 Perrousset et Samuel (Ad. Samuel et Cie Success.)
"Maison fondée en 1780. . Fourgons, camions, voitures de toutes sortes pour le commerce, l’industrie et les travaux publics ; Médaille d’argent, Mention honorable 1878, fournitures de roues, ressorts, essieux, ferrures et pièces détachées en fer et en bois pour toutes sortes de voitures"
Bureaux et magasins, 228 rue Faubourg-Saint-Martin, ateliers de construction, 74 rue Claude Decaen. -Almanach-
Samuel prend seul la direction de la nouvelle compagnie qui garde son nom initial complété par le nom du successeur. Ad Samuel § Cie; Les productions de l'entreprise restent les mêmes.
1881-1882 SAMUEL (Ad.) et Cie
"Maison fondée en 1780. Fournisseur du chemin de fer du Nord et de l’Ouest, des compagnies de voitures de place, les Urbaines, les Gauloises, les Parisiennes, etc. Fourgons, camions, voitures de toutes sortes pour le commerce et les travaux publics, médaille d’argent, médaille d’honneur 1878. Fournitures de roues, ressorts, essieux, ferrures et pièces détachées en fer et en bois pour toutes sortes de voitures. Cadres (système Joindy)."
Bureaux et magasins, 228 Faub. St-Martin, ; ateliers de construction, 74 rue Claude-Decaen -Almanach-
L'entreprise a conquis de nombreux marchés et, en plein développement, a besoin de se recapitaliser d'où la transformation de son statut en société anonyme.
1884-1888 : "Carrosserie Industrielle (anc. Maison Perrousset § Samuel)"
" Société anonyme au capital de 1 000 000 f, fournisseur des chemins de fer du Nord, de l’Ouest et de Lyon, des compagnies de voitures de place La Compagnie Générale, les Urbaines, les Citadines, etc. Maison fondée en 1780. Fourgons, camions, voitures de toutes sortes pour le commerce, l’industrie et les travaux publics. Médaille Argent 1878."
Bureau et magasins : 228 Faubourg St-Martin, ateliers de construction, 78, rue Claude-Decaen -Almanach-
Samuel fonde donc une société anonyme; "La Carrosserie Industrielle (anc.maison Perrousset § Samuel)" au capital de 1 million dont il assure la direction.
Cette recapitalisation lui permet de développer la capacité de production et de commercialisation de l'entreprise, par:
- la modernisation de l'usine rue Decaen, la construction d'une nouvelle usine "modèle" au 10 rue de l'abreuvoir, à Courbevoie et celle d'une succursale au 10 rue Tourneux, à Paris.
-le développement du magasin du 228 faubourg St Martin, qui pourra exposer jusqu'à 300 voitures
-le rachat de sociétés comme "Guyot, Huiyard et Cie", importante entreprise de menuiserie en voiture, fondée en 1848, située 29 place St Ferdinand, à Paris . En complément de sa capacité de production de caisses et ferrures, elle apporte à son nouvel acquéreur des brevets, notamment pour les systèmes automatiques de capotage et d'ouverture des portes des landaus et landaulets.
Forte de l'augmentation de ses capacités financières, de production et consciente du nouveau marché potentiel d'une classe bourgeoise moyenne en pleine progression, l'entreprise diversifie ses produits et s'adapte aux besoins de marchés très différents:
- Marché de voitures de demi-luxe et de luxe.
Les véhicules de demi-luxe et de luxe sont attractifs pour différents types d'acheteurs:
-une petite bourgeoisie en pleine expansion qui recherche une certaine reconnaissance dans la possession d'une voiture.
-une grande bourgeoisie qui peut ainsi équiper à moindre frais sa résidence de campagne. Elle s'adresse, pour ce faire, à la "Carrosserie Industrielle" comme l'explique cet article du supplément du Figaro.
"En partant à la campagne, de deux choses l'une, ou vous laissez votre voiture à Paris et alors il faut louer au pays ou vous allez, ou bien encore vous faites venir par chemin de fer votre équipage. Dans le premier cas, vous serez très mal servi. Dans le second, vous risquez fort de voir abimer des voitures de prix et d'avoir à supporter en retour des réparations fort couteuses. Il y a un système ingénieux à employer. C'est de vous adresser à la Carrosserie Industrielle qui vous expédiera, là où vous voudrez, une voiture spécialement construite pour le genre d'excursion que vous aurez à faire: petit mylord, coupé, omnibus wagonnette, tous très solides et très légers et que vous ne craindrez pas d'abîmer. Cela vous constituera une voiture de fatigue et de rechange qui ménagera les autres. La carrosserie industrielle, fabriquant de voitures, fabriquant énormément, peut vous fournir ces voitures, avec des différences de prix très sérieuses".
Pour la "Carrosserie Industrielle", le passage de la fabrication de voitures de commerce à celle de voitures de demi-luxe et même de luxe s'effectue sans trop de difficultés . Elle a, en effet, progressivement développé un secteur de recherche et innové et adapté ses moyens techniques et humains pour répondre aux attentes de plus en plus qualitatives de sa clientèle traditionnelle; industrie, commerce, transport public, professionnels.
-Le marché des voitures de commerce.
Le compte rendu des rapporteurs de l'exposition universelle de 1889 explique les raisons de l'amélioration de la qualité esthétique et du confort des voitures de commerce et leurs conséquences pour les carrossiers de type industriel.
"Des améliorations notables ont été introduites depuis quelques années dans l'étude et la fabrication des voitures de commerce. Les chefs des principaux magasins (et entreprises) de Paris, pensant que les véhicules destinés à livrer des marchandises pouvaient attirer l'attention sur leur maison, ont voulu que ces voitures fussent plus élégantes et mieux construites; à cet effet, ils demandèrent des types à des fabricants de voitures fines (de luxe). Naturellement, la transformation fut rapide; ces voitures, dessinées avec originalité, furent plus soignées; les accessoires extérieurs, la peinture surtout, furent traités avec luxe et certaines maisons de carrosserie (de luxe) trouvèrent là un aliment nouveau à leur fabrication"
La "Carrosserie Industrielle" résiste à cette concurrence avec un certain succès par la conception de nouveaux modèles plus luxueux tout en gardant les prix concurrentiels que lui permet son mode de production industriel.
-Le marché des transports publics.
En ce dernier quart du XIX° siècle, les entreprises de transports se font une concurrence effrénée ce qui les pousse à exiger de leurs fournisseurs des voitures de meilleure qualité. Certains loueurs de voitures de grande remise n'hésitent pas à faire appel à des grandes maisons de luxe. L'entreprise a réussi à garder ses clients; l'urbaine, la compagnie générale des voitures, les compagnies de chemins de fer, les administrations,... en leur offrant une large gamme de véhicules d'une qualité en constante progression.
-Marché professionnel.
Les charrons, carrossiers et selliers, qui se fournissent à "la Carrosserie Industrielle" en voitures en blanc ou en pièces détachées, ont des attentes très diverses répondant à la spécificité de leur clientèle. L'entreprise a du s'adapter et elle leur fournit des pièces de différents niveaux de qualité qui sont identifiées sur les pièces par des marques spécifiques.
-Marché de la réparation.
L'entretien d'une voiture peut s'avérer d'un coût élevé et l'entreprise a donc profité de sa capacité de production pour étendre son champ de compétence à la réparation et à l'entretien de tous types de voitures, tout en restant dans une gamme de prestations moins couteuses que celles des grandes maisons de carrosserie.
Forte de toutes ses compétences et savoir-faire progressivement accumulés, "la Carrosserie Industrielle" couvre l'ensemble du champ de la charronnerie et de la carrosserie, proposant à ses clientèles aussi bien un lourd camion de déménagement qu'un landau aux capotages sophistiqués.
Cette diversité se retrouve dans les catalogues de l'entreprise dont vous trouverez deux exemplaires dans l'article ci dessous.
L'action commerciale de l'entreprise ne se limite pas à la seule diffusion de catalogues et encarts publicitaires. Elle participe (et est d'ailleurs médaillée) à de nombreuses expositions nationales; Paris 1891, Lyon 1896 Rouen 1897,...
mais également internationales; Bruxelles 1896, Chicago 1893, Paris 1889,...ce qui lui ouvre un important marché à l'exportation:
-Exposition universelle de Paris de 1889
La "Carrosserie Industrielle" y expose différents modèles:
° un coupé de place à caisse carrée, le devant circulaire avec glace glissante.de voitures utilitaires
°un mylord de place de forme carrée, avec strapontin se logeant dans le coffre.
°un omnibus à six places intérieures, avec siège break et siège trois places sur l'impériale.
°un grand break de course; la caisse forme deux compartiments bien distincts de huit places chacun en vis à vis. Le pavillon qui surmonte cette voiture est constitué de deux plates-formes, séparées de deux sièges chacune et les banquettes contiennent 4 personnes dos à dos. Un coffre à provision forme la séparation entre les deux compartiments.
Ce break obtient la médaille d'or de l'exposition.
-exposition universelle de Chicago de 1893;
L'entreprise y expose plusieurs voitures dont le landau ci dessous.
En 1898, l'entreprise, capitalisée à hauteur de 3 millions de francs, se situe, par sa capacité de production et son très large panel d'activités, comme la plus importante carrosserie française. Cet encart publicitaire, paru dans l'almanach du commerce de 1898, nous donne une bonne photographie de cette entreprise qui se situe alors au sommet de son activité.
Cette même année, Samuel décide de quitter son poste d''administrateur directeur pour se lancer dans la construction d'automobiles. Il s'installe à son propre compte au 9 chemin Lafitte:
" Fondateur, ancien directeur de la carrosserie industrielle. Voitures automobiles de tous systèmes, carrosserie spéciale pour automobiles." -Almanach-
Il exercera son activité jusqu'en 1904.
1899-1902: La Carrosserie Industrielle
C'est sous cette nouvelle dénomination; "La Carrosserie Industrielle", qui ne mentionne plus la référence à Samuel § Cie succ, que la maison est reprise par G Pauwels. Celui-ci acquière donc une entreprise florissante au niveau commercial, disposant de moyens exceptionnels, tant en outillage et locaux qu' en personnel qualifié. L'entreprise emploie alors 1200 salariés.
Par contre, G Pauwels est confronté à l'énorme challenge de préserver l'activité d'une entreprise de construction de véhicules hippomobiles dans un contexte de concurrence démesurée des constructeurs d'automobiles, aussi bien dans la production de voitures utilitaires que celles de luxe. Il développe une stratégie visant:
- à s'adapter au déplacement du marché et oriente une partie de son activité vers la carrosserie automobile. "La Carrosserie Industrielle" fournit des caisses aux maisons les plus réputées comme Panhard et Levassor, Darracq § Cie, Rochet § Petit,...en France, Columbia en Angleterre, La métallurgique à Bruxelles,...
- à maintenir le développement d'une large gamme de véhicules de services et de demi-luxe; diversité revendiquée dans ses affiches publicitaires.
-à sauvegarder sa production de voitures hippomobiles de luxe dans un secteur où les grandes maisons historiques ont déjà, partiellement ou totalement, muté vers la construction d'automobile. Pour résister à la vogue de l'automobile dans la bourgeoisie, G Pauwels s'attache à faire des véhicules légers et solides, à des prix accessibles grâce à un investissement dans l'achat de nouveaux outillages américains. Ainsi s'explique, dans un premier temps, le succès de la marque "Magnet", qu'il crée pour commercialiser ses voitures de luxe.
"Les voitures "Magnet" sont d'une légèreté exceptionnelle obtenue grâce à l'emploi d'acier, travaillé par de merveilleuses machines américaines, et d'une élégance de forme que les dessinateurs s'efforcent d'augmenter chaque jour. Citons pour mémoire la victoria extra légère qui pèse à peine 450 kg" -carte publicitaire-
C'est cette gamme "Magnet" qui représente l'entreprise à l'exposition universelle de Paris en 1900; Elle installe un stand nommé:
La Carrosserie Industrielle à Paris: Marque des voitures de luxe "Magnet"
Elle y expose quatre voitures:
1° Un mylord rond: Montage cinq ressorts derrière, lanternes gamelles. Caisse et train vert réchampi de bandes noires. Garniture drap tendu vert foncé.
2° Un coupé rond: Extra léger, cantine dans l'enfoncement du coffre au dessous des glaces, avant train acier très léger. Caisse et train bleu. Garniture en maroquin lisse capitonné.
3° Un phaéton à flèche: Montage ressorts type télégraphe, caisse cantine, boites bouchées. Lanternes double corps. Caisse cannée. Train bleu foncé, réchampi de larges bandes jaunes partout. Garniture capitonnée maroquin lisse et drap bleu.
4° Un break d'excursion: Caisse, train tasseaux, joues de fond et coquille blanc d'ivoire, réchampi de bandes jaunes et de deux filets rouges. Garniture drap côtelée gris noisette. Echelle pour dame.
L'entreprise est récompensée par l'obtention d'une médaille d'or et d'une médaille d'argent mais la marque "Magnet" ne perdurera pas et disparaîtra, ainsi que sa production de voitures de luxe, en 1902
1903-1908: la Carrosserie Industrielle
Si le marché de la voiture de luxe a été abandonné, celui des transports commerciaux commence lui aussi à subir le contrecoup de la motorisation. Le marché des transports publics tend, quant à lui, à disparaitre progressivement et les autobus commencent à remplacer les omnibus, les taxis les fiacres. A partir de 1903, l'entreprise anonyme n'est plus capitalisée qu'à hauteur de deux millions de francs et ses marchés périclitent. Elle se sépare de ses usines de la rue Decaen et de Courbevoie, ainsi que de ses bureaux et magasins prestigieux du 228 Faubourg St Martin. Elle regroupe ses ateliers dans son ancienne annexe des 10 et 12 rue Tourneux en gardant deux petits ateliers attenants. En 1908, dernière année pour laquelle j'ai encore trouvé de la documentation, sa capitalisation est descendue à 1,2 million et ,bien que l'entreprise revendique encore d'être la plus grande manufacture de voitures, son marché semble se limiter à la production de voitures de service et, surtout, de pièces détachées pour les professionnels.
Bien qu'ayant produit 7000 à 8000 voitures par an, peu de modèles de cette entreprise ont été sauvegardés.
Quant aux voitures des maisons "Perrousset § Samuel, "Vuiteau", "Mony" je n'en ai trouvé aucune trace.
Texte:
Patrick Magnaudeix
Documentation:
Carrosserrie Française, Guide du carrossier: gallica BNF, collection de l'auteur
Almanach du commerce travaux JL Libourel et Patarick Magnaudeix
Photos:
JL Libourel et collection de l'auteur.