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Voyager en voiture privée au XIXe siècle
1ère partie : Les voitures privées
2ème partie : Les équipements des voitures
3ème partie : En route !
Jean-Louis Libourel
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Les voitures privées
Tout véhicule monté sur des roues et capable de transporter des passagers a pu servir à voyager. Aussi a-t-on utilisé pour le voyage des voitures de toute sorte. Mais la recherche du plus grand confort possible et de la sécurité la plus efficace a conduit à concevoir des voitures uniquement destinées aux voyages, construites de manière à résister à la dureté des routes, et spécialement aménagées pour aider leurs passagers à affronter l’interminable longueur des étapes.
Quelles étaient ces voitures spécialement conçues pour les longs parcours, capables d’affronter les mauvaises routes, et équipées pour offrir le plus de confort possible à leurs passagers ? Sources écrites et iconographiques, exemplaires conservés dans les musées et collections privées répondent à notre curiosité.
Jusqu’à l’apparition du chemin de fer, pour voyager sur terre, à moins d’aller à pied ou à cheval, la voiture avançant au trot des chevaux est l’instrument indispensable.
On voyage soit dans les voitures publiques, soit avec sa propre voiture. La deuxième manière est la seule confortable, car elle évite la promiscuité des transports en commun et permet une totale liberté en échappant aux itinéraires et aux horaires fixes des voitures publiques. Mais elle se révèle si coûteuse — elle nécessite, outre l’achat de la voiture, l’entretien d’une écurie personnelle ou la location, à prix d’or, de chevaux dans les relais de poste — que seule une classe sociale fortunée peut s’en offrir le luxe.
Chaise de poste attelée “en galère ”, c'est-à-dire avec un troisième cheval (Le Régulateur du sellier, par Alexandre Hofer, sellier de Mulhouse, 1821)
Exception faite de quelques modèles spécialement créés pour les longs parcours — la Chaise de poste à deux roues, le Road-coach privé, la Briska — il n’y a pas de différence morphologique entre les voitures de ville ou de promenade et leurs versions routières pour le voyage. Ces dernières se différencient seulement par une construction plus solide et par des aménagements destinés à les rendre plus confortables. Ainsi, les principaux types de voitures, la Berline, le Coupé, la Calèche, le Landau, le Landaulet, ont donné lieu à la création de versions spécialement adaptées aux longs voyages.
Au premier regard, seule l’adjonction de magasins, grands coffres à bagages solidaires de la caisse à l’avant et à l’arrière, et souvent de sièges extérieurs pour emmener des domestiques, permet d’identifier les voitures de voyages. Un examen plus attentif révèle d’autres particularités. Elles se caractérisent, en effet, par le très grand soin apporté à leur fabrication, pour leur assurer une solidité capable d’endurer les pires conditions d’utilisation : violentes intempéries, routes défoncées, ornières profondes et pavés inégaux les soumettant à d’innombrables secousses. Leurs trains doivent être robustes : roues, flèches, soupentes, ressorts sont réalisés dans les plus solides matériaux ; les assemblages sont renforcés ; la section des bois et des ferrures est plus forte ; l’épaisseur des cuirs est doublée. De cette solidité dépend l’existence même de la voiture et sa longévité, ainsi que la sécurité des passagers.
Coupé de voyage du marquis d’Albon, construit par Berlioz et Gouillon à Paris, entre 1839 et 1843 (Haras national du Pin)
Choisir la bonne voiture…
Quelle voiture choisir ? Voici les conseils que donne le “Journal des Dames” en 1819 : « Quoique l’argent soit la première condition pour se procurer ses aises en voyage, ce n’est pas la seule. Il faut encore une voiture douce, solide et surtout appropriée à la saison. Qu’on ne s’avise donc point de choisir une calèche dans l’hiver — rappelons que la calèche est une voiture découverte — et une diligence dans l’été — la diligence est une voiture fermée —. C’est le contraire qu’il faut faire. Pour une personne seule, je préfèrerais cependant une véritable chaise de poste à doubles soupentes, et, pour une famille, une bonne berline à six places. Qu’on se pénètre bien de cette idée que ce n’est pas la mauvaise nourriture ni le mauvais sommeil qui rendent les voyages pénibles, mais le manque d’espace et que, si l’on pouvait prendre toutes sortes de postures, on ferait le tour du monde sans fatigue ».
Ainsi, par gros temps et l’hiver, la voiture fermée est un abri sûr. Aux beaux jours, les voitures décapotables, comme la calèche ou le landau, procurent les agréables sensations du plein air et offrent à leurs passagers une vision panoramique de la campagne et des sites traversés…. ou presque : la vue frontale reste masquée par les épaules et le dos du cocher ! Aussi les voyageurs désireux de ne rien perdre des paysages n’hésitent pas à quitter l’intérieur de leur voiture pour s’installer sur l’un des sièges extérieurs réservés aux domestiques, comme l’explique Laure Junot, duchesse d’Abrantes, dans ses “Mémoires”: « Je partis de Paris au mois de juin 1817 pour aller en Italie en calèche, seule, avec un secrétaire, ma femme de chambre et un valet de chambre […]. Je voulais faire la route du Simplon […]. Je me mis sur le siège de ma voiture, et laissant l’intérieur à mes gens, je me laissais aller à jouir du spectacle magnifique qui m’entourait ».
Mais la meilleure façon de voyager est d’aller en “dormeuses”, voitures de voyage par excellence. Ces voitures, principalement des Coupés et des Berlines, sont équipées de dispositifs ingénieux permettant d’agrandir l’espace intérieur pour qu’on puisse y dormir : des panneaux mobiles, coulissant ou s’abattant, libérent un compartiment ménagé dans le coffre avant ; les voyageurs désireux de dormir, installés sur des coussins — appelés matelas — pouvaient étendre les jambes et placer leurs pieds dans ce coffre une fois ouvert. Ou bien, plus rarement, c’est le panneau de dossier qui s’incline par le haut et permet aux passagers de dormir le buste légèrement renversé.
Coupé de voyage du comte de Sales ambassadeur des Etats Sardes à Paris de 1829 à 1836, construit par Luigi Rossi, carrossier à Turin (ancienne collection Dina Vierny).
Coupé-dormeuse du train impérial de Napoléon 1er, construit par Devaux à Paris. Panneaux abattus en position dormeuse (Château national de la Malmaison)
Landaulet-dormeuse de la princesse Sophie von Weimar, 1842. Sangles tendues entre le siège et le coffre ouvert pour recevoir des matelas (Weimar, Kutschenmuseum Auerstedt)
Landaulet-dormeuse de la princesse Sophie von Weimar, 1842. Matelas disposés sur les sangles pour le sommeil des passagers (Weimar, Kutschenmuseum Auerstedt)
Coupé-dormeuse à panneau de dossier mobile s’inclinant par le haut, dessin de Peters, carrossier à Londres, 1839 (Museum of London)
Les voyages sont longs. Et l’on part pour longtemps. Aussi les bagages sont nombreux et parfois ne vont pas tous dans les coffres de la voiture ou sur son impériale. Dans ce cas les voyageurs fastueux se font suivre par un fourgon spécialement aménagé pour un rangement commode des bagages. Ces fourgons possèdent le plus souvent sur le devant un siège couvert où peuvent prendre place un ou deux domestiques.
Combinant robustesse et confort, les voitures de voyage témoignent à la fois de l’ingéniosité des carrossiers, habiles à utiliser l’espace au maximum, et de l’art de voyager.
Mais peu ont été conservées. Soumises aux cahots de la route, ébranlées par d’innombrables secousses, exposées été comme hiver aux intempéries, pluie, vent, neige, boue, rares sont celles qui ont échappé à l’usure du temps et à la destruction.
En France, les collections et les musées publics conservent à peine une douzaine de voitures de voyage du XIXe siècle, et les collections privées une quinzaine d’autres.
Jean-Louis Libourel
Article paru dans le Notiziario del Gruppo Italiano Attachi, 2/2011, sous le titre Viaggiare in carrozza nel XIX secolo : le carrozze private.
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