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Voyager en voiture privée au XIXe siècle:
les équipements des voitures
Jean-Louis Libourel
Pour voyager commodément, il importe de bien choisir sa voiture, et de la choisir bien équipée, ce qui était le cas des voitures de voyage privées généralement pourvues de nombreux accessoires, mobiles ou fixes, utiles au confort des passagers.
Il faut d’abord monter en voiture. L’exercice est souvent malaisé à cause de la hauteur des voitures, notamment pour les dames, embarrassées par leurs longues toilettes. Marchepieds nombreux et de formes diverses — fixes, escamotables, à tiroir, portefeuilles, automatiques — échelles pliables suspendues ou rangées dans un compartiment idoine, poignées de montoir que l’on saisit à pleine main pour se hisser dans la voiture, sont autant d’accessoires facilitant l’accès aux sièges intérieurs ou extérieurs.
Marchepied portefeuille, Coupé de voyage du marquis d’Albon, construit par Berlioz et Gouillon à Paris (Haras National du Pin)
Marchepied à décrottoir, Coupé de voyage des princes de Monaco (Monaco, Collection de voitures anciennes de S.A.S. le Prince de Monaco)
Echelle télescopique en acier, Park Drag construit par Enrico Orsaniga à Milan (Plaisance, Museo delle carrozze)
Á l’intérieur tout est conçu pour le plus grand confort des voyageurs : sièges moelleux et capitonnés ; filets et chapelières tendus sous l’impériale pour le rangement d’objets légers et des chapeaux ; petit coffre à secret, appelé tambour ou arsenal, en saillie sur le panneau arrière pour mettre en sûreté armes et objets précieux, argent ou bijoux ; sous la caisse, cave renfermant nourriture, boissons et matelas, accessibles à tout instant par une trappe ouverte dans le plancher ; poches nombreuses et commodes, dissimulées dans la garniture intérieure, servant à garder sous la main tous les menus objets indispensables à l’agrément du voyage, montre, livres, jeux de cartes, objets de toilette...
Tambour, Coupé du général Dupas, construit par Ritter à Strasbourg, vers 1805 (Thonon les Bains, Château Ripaille)
Poches dissimulées dans la garniture d’un coupé, construit par Clochez à Paris (Fécamp, Musée Centre des Arts)
La longueur des étapes oblige à être prévoyant. Ainsi, « outre la place qui est indispensable aux personnes, il faut songer à celle qui est nécessaire aux effets ; nos belles dames qui se rendent dans leurs terres et aux eaux consentent bien à ce que leurs romans soient placés dans la cave de la voiture, et leur musique sur l’impériale, mais elles ne veulent se dessaisir ni de leurs chapeaux, ni de leur rouge, ni de leurs odeurs » commente Le Journal des Dames (1819) non sans ironie.
L’Itinéraire complet du royaume de France (1828), sorte de guide du voyageur, ajoute : « On fera bien, si l’on a sa propre voiture, d’y pratiquer ce qu’on appelle magasin et poches pour y mettre ce dont on a besoin la nuit, et autres choses que l’on veut toujours avoir sous la main, ou dont on veut se servir dans la route, afin de n’être pas obligé de faire et défaire la malle à chaque instant. ».
Aménagement intérieur du Coupé-dormeuse de campagne de Napoléon 1er. Restitution par Paul H. Downing, mise en couleurs par Andrzej Novak-Zemplinski
Selon la romancière George Sand, la berline de sa grand-mère avec laquelle elle voyageait lorsqu’elle était enfant, en 1810, « était une véritable maison roulante. On sait de combien de paquets, de détails et de commodités de tout genre, les vieilles gens, et surtout les personnes raffinées, se chargeaient et s’incommodaient en voyage. Les innombrables poches de ce véhicule étaient remplies de provisions de bouche, de friandises, de parfums, de jeux de cartes, de livres, d’itinéraires, d’argent, que sais-je ? Ma grand-mère et sa femme de chambre, empaquetées de couvre-pieds et d’oreillers, étaient étendues au fond… ».
Fixées de part et d’autre des sièges, des crémaillères ou brassières, épaisses bandes de tissu recouvertes d’un large galon et formant une ou plusieurs boucles superposées, soutiennent les bras du voyageur passés dans ces boucles.
Crémaillères ou brassières. Coupé de voyage du marquis d’Albon construit par Berlioz et Gouillon à Paris (Haras National du Pin)
Pour caler confortablement ses épaules et son cou celui-ci dispose d’un “rouleau de voyage”, sorte de petit coussin, long et très souple. L’Itinéraire complet du royaume de France (1828) le décrit ainsi : « le rouleau de voyage est une des commodités du luxe. Il rend le mouvement de la voiture infiniment plus doux. Souvent on ne peut ni dormir, ni même appuyer sa tête ; la laisser pendre en se tenant assis sans autre communication avec la voiture que son siège, est tout aussi incommode. Le rouleau au contraire prévient cet inconvénient. C’est un bourrelet fait de peau de mouton fine remplie de duvet d’oie, mais tassé de manière qu’il puisse s’appliquer facilement, partie autour des épaules, partie autour du cou, et s’attacher par-devant aux deux extrémités avec des courroies ». Les rouleaux de voyage peuvent s’attacher par des cordonnets à la garniture intérieure de la voiture.
Rouleau de voyage à l’intérieur d’un coupé de voyage de la famille d’Arenberg (château de Menetou-Salon)
Pour se protéger du soleil ou faire l’obscurité nécessaire au sommeil, les baies des voitures sont garnies de visières ou pare-soleil, de jalousies ou de volets de bois et de stores de soie.
Jalousies à lames mobiles, Coupé de voyage du marquis d’Albon construit par Berlioz et Gouillon à Paris (Haras National du Pin)
De nuit, une lanterne extérieure, appliquée contre le panneau arrière de la caisse, éclaire l’habitacle à travers une vitre laissant passer la lumière tout en isolant l’intérieur de la fumée et de l’odeur de l’huile.
Lanterne éclairant l’habitacle depuis l’extérieur, Coupé de voyage du marquis d’Albon, construit par Berlioz et Gouillon à Paris (Haras du Pin)
Vitre de séparation entre la lanterne extérieure et l’habitacle, Coupé de voyage du marquis d’Albon, construit par Berlioz et Gouillon à Paris (Haras du Pin)
Quelques voitures présentent un équipement particulier et surprenant : pour des besoins intimes et pressants, leurs sièges dissimulent des vases de commodité….
Vase de commodité. Lunette de vase de commodité percée dans la parclose d’un siège intérieur de la berline de voyage de la grande-duchesse Maria Paulowna de Russie et du duc héritier Carl Friederich de Weimar, 1804. (Weimar, Belvédère)
Les bagages, nombreux, sont placés dans les magasins, grands coffres fixes à l’avant et à l’arrière de la voiture.
Coffres mobiles logés dans le magasin avant du coupé de voyage du marquis d’Albon construit par Berlioz et Gouillon à Paris (Haras national du Pin)
Coffres mobiles logés dans le magasin arrière de la berline de voyage d’Eugène Schneider (château d’Apremont sur Allier)
De formes diverses s’adaptant à tous les espaces libres de la voiture, les malles et les coffres sont fixés sur l’impériale, sur les magasins, sur l’entretoise. Leur rangement est tout un art que nous découvrons à travers les conseils prodigués par L’Itinéraire complet du royaume de France (1828) : « Les coffres hauts et courts sont meilleurs que ceux qui sont longs et plats, parce qu’ils vont à toutes les voitures. Si vous avez votre propre voiture, employez le moyen connu, qui est le moins coûteux et le plus commode, celui de faire garnir le fond de votre malle de trois à quatre bandes de fer un peu épaisses, de faire passer au travers de ces bandes des vis avec lesquelles vous attacherez fortement votre malle sur le derrière de la voiture. Cette méthode est la meilleure possible ; car, par-là, le coffre est assuré ; on ne peut l’enlever, et l’on n’a pas besoin de faire ôter et remettre les courroies ou chaînes à chaque station. Pour empêcher cependant les vis de se déranger par la secousse, on fera bien de les assujettir par de petites courroies. Il vaut mieux faire placer son coffre entre les roues de devant. Par ce moyen, non seulement on a ses effets toujours sous les yeux, mais on soulage encore les chevaux ; le derrière de la voiture n’est pas aussi fortement secoué, et l’on risque beaucoup moins de verser […] On appelle vache une sorte de malle recouverte en cuir, de la hauteur tout au plus d’un pied, et rarement davantage, que l’on attache avec des boucles sur l’impériale des voitures. On a des demi-vaches, c’est-à-dire qui ne prennent que la moitié de l’impériale, et d’entières ; mais les premières sont à préférer parce qu’elles pèsent moins.
Vaches. Coupé de voyage du comte de Salles, construit par Luigi Rossi à Turin (France, Coll. privée)
Aménagement intérieur d’une vache. coupé de voyage du marquis d’Albon construit par Berlioz et Gouillon à Paris (Haras national du Pin)
Il ne faut la remplir que d’objets de peu de poids, comme d’habits, de toilette de femme, etc. Les effets plus lourds, tels que le linge, les livres, l’argent, appartiennent au coffre. Les vaches sont d’une grande utilité, surtout à l’égard des habits, parce qu’on peut les y étendre dans leur longueur, sans les y presser, comme on est obligé de le faire dans les malles. Mais une vache trop haute ou trop pesante est extrêmement dangereuse. Ce ne sont pas seulement les ressorts de la voiture qui en souffrent et cassent sous le fardeau, la voiture elle-même perd l’équilibre, et verse au premier choc ».
Pour ne pas être écrasés, les chapeaux, encombrants et fragiles, étaient rangés le plus souvent dans des étuis de cuir maintenus à l’arrière de la voiture par des colliers métalliques.
Etuis à chapeaux à l’arrière d’un coupé de voyage (Monaco, Collection de voitures anciennes de S.A.S. le Prince de Monaco)
Tout voyageur raffiné emmène dans sa voiture une cassette ou un nécessaire de voyage. « Le meuble le plus indispensable en voyage, pour ceux qui en ont le moyen et la commodité, est une cassette. Cette cassette sert à ranger ce que nous avons de précieux, comme bijoux, argent, lettres de change, etc. Le papier, l’encre, les plumes, la cire à cacheter et les cartes de visites y trouvent aussi leur place.
Une cassette de voyage doit avoir des vis qui en traversent le fond ou les côtés, pour l’assujettir fortement dans la voiture ou dans la chambre de l’auberge, de sorte qu’il soit impossible à un tiers de l’enlever autrement que de vive force. Toute cassette est ordinairement garnie d’une écritoire ; d’autres contiennent en outre nombre d’ustensiles commodes, comme assiettes, bouteilles, flacons, rasoirs, savonnettes, bassins, etc., ou bien elles forment, étant ouvertes, une sorte de secrétaire. Tout ceci, au reste, dépend du choix et du goût de l’amateur ».
Certains voyageurs emmènent aussi dans leurs voitures des petits meubles pliants, secrétaires, tables de toilettes, lits, que l’on dressait, le soir à l’étape.
« Quelques personnes ont coutume de porter avec elles un grand sac, fait de cuir impénétrable à l’eau, et que l’on attache avec de petites boucles sur le coffre ou sous le siège des domestiques, lequel sac renferme un lit de voyage complet, tels que matelas, couvertures, oreillers, draps, et même quelquefois un châlit pliant, ou lit de camp fait en fer, mais bien léger. Tout le monde ne peut pas porter de semblables lits avec soi, parce qu’ils augmentent considérablement l’équipage, et qu’ils supposent une suite nombreuse de domestiques. C’est un privilège réservé aux personnes opulentes et de distinction. Cependant, comme on n’est jamais sûr en voyage de trouver partout des lits propres, il faut porter constamment avec soi un drap de lit, et deux peaux de cerf tannées et cousues ensemble. Arrivé dans l’auberge, on étend ces peaux sur le lit ou matelas, on les recouvre de son propre drap ; et par ce moyen on empêche toute espèce de vapeur nuisible qui pourrait s’exhaler du lit de la maison. Tout cet appareil n’est ni dispendieux ni onéreux ; l’on en fait un très petit rouleau, que l’on peut attacher sous le siège de la voiture » (Itinéraire complet du royaume de France, 1828).
Comble du luxe, les voyageurs fastueux se déplaçant avec une grande quantité de malles font suivre leur voiture par un fourgon à bagages spécialement aménagé, dans lequel peuvent également prendre place un ou deux domestiques.
Jean-Louis Libourel