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Par Jean Louis Libourel
Le Musée de la Voiture à Cheval, à Marcigny :
une collection vagabonde
A Marcigny, village de 1800 habitants dans le département de la Saône-et-Loire, existe l’un des tout derniers musées hippomobiles privés de France, sinon le dernier, Le Musée de la voiture à cheval. Son créateur, monsieur Louis Lacroix, collectionne les véhicules hippomobiles depuis longtemps. Passionné, il a transmis son goût des voitures à son fils Franck.
Contrairement à beaucoup d’autres collectionneurs, il a toujours souhaité partager sa passion des voitures avec tous. L’ouverture de sa collection au public a été une aventure qui a connu plusieurs étapes.
La première tentative, sous le nom de Musée des Attelages de la Belle Epoque remonte à 1985. La collection était alors présentée tout près de Marcigny, modestement, dans une dépendance du château de La Garde à Saint-Martin-du-Lac. C’est en ce lieu que nous l’avions vue pour la première fois en 1993. De cette première visite, outre l’aimable et généreux accueil de monsieur Louis Lacroix, nous gardons le souvenir précis d’une petite briska-wourch, alors dans son état d’origine avec une belle garniture intérieure à larges galons fleuris, signée Buy, carrossier actif à Paris entre 1837 et 1850 : une rareté !
Dans le but d’une meilleure présentation et d’un meilleur accueil du public, monsieur Lacroix transporta en 1995 son Musée des Attelages de la Belle Epoque à Souillac (Lot). Après quelques années d’une exploitation insatisfaisante, notre collectionneur rapatrie ses chères voitures dans son village de Marcigny en 2002. Là, il les installe dans un vaste bâtiment qui ouvre ses portes au public en 2006 avec le nom de Musée de la voiture à cheval. Ainsi, après avoir vagabondé pendant plus de vingt ans, la collection Lacroix est revenue à son point de départ.
Un panorama de la carrosserie française
Les nombreux véhicules de la collection Lacroix, de luxe ou de service, voitures de ville, de promenade, de sport, fermées ou découvertes, voitures utilitaires, offrent un large panorama, à la fois typologique et topographique, de la carrosserie française au XIXe siècle. Milords, coupés, omnibus privés, sociables, wourchs, coaches, petits ducs, phaétons, wagonnettes, breaks, fourgons, tilbury, tonneau, cabriolet, illustrent la grande diversité des types. Les fabricants présents dans la collection sont également nombreux ; l’implantation de leurs ateliers sur l’ensemble du territoire national témoigne de l’intense vitalité de l’industrie de la carrosserie dans tout le pays. Les voitures sont originaires de Pau, Roanne, Narbonne, Colmar, Digoin, Orléans, Charolles, Clamecy, Moulins, Limoges, Sancoins, Périgueux, Clermont-Ferrand, Nantes, Noyon, Angoulême, Saint-Pourçain, Villefranche-sur-Saône, Ligny-en-Brionnais, sans oublier Paris, Lyon et Toulouse, grands centres de la production hippomobile.
Paris tient la première place avec ses carrossiers illustres : Binder Aîné (un petit coupé de ville), Henry Binder (un coupé trois-quarts et un tonneau), Vachette (un petit coupé de ville), Valette (une tapissière), Michalon (un milord), Almire Serrée (un sociable), Mühlbacher (un sociable, un milord et un petit coupé de ville), Belvallette & Cie (un milord), Rebut (un petit coupé de ville), Buy (une briska-wourch), Morel-Thibaut (un omnibus à capucine), Kellner (un phaéton), J. Hoogstoel & Cie (un phaéton de dame), J. Palmade (un cabriolet), Million & Guiet (un road-coach et un milord), Ehrler (un milord), Morel (un park drag).
Collomb (un Sociable), Mantoux (un coupé Clarence), Faurax (un omnibus), Roberjot & Cie (un phaéton-spider), Gacon & Cie (un break petit modèle), Depigny (un break garden) illustrent la carrosserie lyonnaise.
Deux fabricants toulousains, Dupiech (un wourch ayant appartenu à la Comtesse de Ségur) et Baqué (un Omnibus) représentent la production de la ville rose.
Enfin, il faut citer quelques-uns des treize carrossiers qui ont été actifs à Marcigny et qui sont présents dans la collection Lacroix: Labaune (un petit coupé de ville), Cognard et Rondet (un petit duc en osier), Roux et Caron (une wagonnette), Bordat (un phaéton).
Coups de cœur
Plus de soixante véhicules sont exposés dans le Musée. Impossible de les mentionner tous. Aussi, nous nous limiterons à quelques-uns qui ont davantage retenu notre attention.
Viennent en premier lieu deux fleurons de la carrosserie parisienne, faisant partie des pièces maîtresses de la collection : un Road-coach et un Park-drag. Leurs auteurs sont des fabricants de grand renom : Million-Guiet pour le premier, Morel pour le second. Leurs provenances sont également prestigieuses : ils ont appartenu à deux collections réputées, celle du baron Jean Casier pour le Road-coach, et celle de madame Dina Vierny pour le Park-drag. Le Road Coach Million-Guiet n° 6559, puissant et majestueux, possède une caisse en bateau au dessin si caractéristique du style inimitable de Michel Guiet. Il est équipé d’un frein à câble d’origine et garni d’un lambris intérieur également typique de la manière Guiet. Le Park-drag Morel n° 2517, plus léger, est une rareté dans l’œuvre de ce carrossier : en effet, un seul autre exemplaire est connu, conservé au Museo delle carrozze de la Villa Pignatelli à Naples.
Nos coups de cœur vont à d’autres réalisations parisiennes. Un sociable de la maison Mühlbacher à caisse, de forme carrée, montée sur une suspension à huit ressorts. Cette luxueuse voiture a appartenu à la famille d’Eugène Schneider, le célèbre maître de forge du Creusot. Bien avant qu’elle n’entre dans la collection Lacroix et qu’elle soit repeinte en rouge, nous l’avions découverte dans les années 1980, alors en état d’origine, abandonnée au fond d’un bâtiment industriel de Creusot-Loire désaffecté. Un élégant poney phaéton de dame, à décor de cannage, œuvre d’un carrossier quasiment inconnu, Julien Hoogstoel, actif rue Marbeuf à Paris de 1857 à 1872.
Ajoutons à cette sélection, bien trop courte, deux créations lyonnaises originales. Un break petit modèle, fabrication n° 2216 des ateliers Gacon & Cie ; cette belle et robuste voiture a pour particularité deux sièges tandem, en vis-à-vis, dont les panneaux arrière et latéraux « à hauteur de coussin », selon l’expression du Guide du Carrossier (1867), sont peints du même rouge que le train ainsi qu’il est de règle pour ce type de sièges.
Enfin, un imposant Coupé Clarence, n° 143, réalisé par le carrossier Mantoux. C’est l’unique œuvre répertoriée de ce fabricant, connu seulement par une mention de 1841. Du coffre de siège jusqu’à l’arrière de la voiture, une ligne sinueuse unique, aux courbes profondes, donne au bas de caisse un dessin d’une grande perfection. Une ligne d’une rectitude totale, énergiquement relevée à ses extrémités, marque la ceinture de caisse, depuis le siège de cocher jusqu’au grand panneau de derrière. Une baguette métallique souligne fortement ce beau dessin de ceinture. Le volume « arrondi » de ce coupé est accentué par l’avance semi-circulaire très saillante sur le panneau de gorge. Autre intérêt de ce véhicule, conservé dans son état d’origine, son curieux avant-train minutieusement décrit par Patrick Magnaudeix dans son article « Avant-train ; “ronds à coulisse” du Clarence de Marcigny », mis en ligne le 2 mars 2011 sur son site www.attelage-patrimoine.com
Il faudrait évoquer bien d’autres réussites de la carrosserie hippomobile amoureusement conservées par Louis et Franck Lacroix. Encourageons tous ceux qui aiment les voitures hippomobiles à découvrir les trésors du Musée de la voiture à cheval à Marcigny.
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Texte et Photos:
Jean Louis Libourel
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