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Par figoli
Des nombreux métiers oubliés du cheval de trait, celui-là mérite assurément un moment d’attention… Saviez-vous que des chevaux ont été employés à la distribution des wagons de chemin de fer et à la mise en place des convois ferroviaires ? Sans conteste marginale pour le nombre des chevaux qui l’ont exercée, cette activité garde néanmoins un grand intérêt historique et technique.
Quel rapport y a t’il entre le chemin de fer et le cheval de trait ou, plus largement, le cheval d’attelage ?
L’historien des transports verra dans le premier un concurrent déloyal du second. Il vous dira comment le rail a supplanté les fabuleuses armadas de la Poste aux Chevaux, comment il a relégué au magasin des antiquités maîtres de Poste, voitures et postillons, condamné les relais au « recyclage » ou à la fermeture … Les plus avertis vous évoqueront peut-être la fin des Chasse-marées, des Grandvalliers…
Certes, tout cela est vrai, mais réducteur. N’oublions pas que l’arrivée du chemin de fer, puis la densification de son réseau, ont multiplié les besoins en transports routiers de toutes sortes. A une échelle locale, d’innombrables lignes d’omnibus ont dû être créées entre les bourgs dotés de gare, dont l’importance économique s’est trouvée renforcée, et les autres. De leur côté, la plupart des grands hôtels n’ont pas tardé à proposer à leur clientèle les services d’une « voiture de gare ».
La révolution ferroviaire a évidemment bouleversé le transport des marchandises et des matériaux. A la batellerie, qui seule permettait jusque là de transporter de gros volumes, le train a opposé d’emblée, à capacité de charge équivalente, sa fiabilité (il ignore dans une large mesure les périodes de grande sécheresse, les inondations, les forts gels qui immobilisent les bateaux), sa vitesse (intéressante pour les denrées périssables), sa polyvalence grâce à ses nombreux types de wagons. Il n’en demeure pas moins qu’une gare, fût-elle celle d’une usine, ne constitue pas une fin en elle-même, et qu’il faut toujours y amener ou en expédier le fret… C’est encore là qu’interviennent des attelages de plus en plus nombreux et spécialisés.
Autant dire, et pour conclure sur ce point, qu’il ne faut pas oublier que la révolution des transports, généralement associée à l’industrialisation et à l’urbanisation de la France au XIXème siècle, ne concerne pas seulement la navigation intérieure et le rail mais également la route, et donc l’attelage.
Dès leurs débuts, les chemins de fer ont donc recouru aux chevaux. Passons sur les trains à traction hippomobile, « exotiques » et éphémères pour beaucoup, pour souligner que les Compagnies de chemin de fer ont employé, jusque dans l’entre-deux guerres, énormément de chevaux pour le camionnage et les messageries et que leurs spectaculaires équipages ont souvent brillé au Concours Central Hippique de Paris.
Dans l’ombre de ces superbes attelages, d’autres serviteurs ahanent. Dans les gares de triage, les ports ou les usines, les wagons ne sont pas tous déplacés par des locomotives, les chevaux sont aussi à la manœuvre.
Ce travail de titan requiert des animaux particulièrement solides, dans la force de l’âge. Il s’agit plutôt de chevaux entiers, généralement jugés plus forts et résistants. Le service ne dure vraisemblablement que quelques années, les énormes coups de colliers usant prématurément les meilleures épaules. Ce travail en gare est aussi dangereux, essentiellement à cause du risque de glissade et de chute, de tampon, voire de hernie ou de tour de reins. On nous a rapporté que des chevaux ayant l’habitude d’œuvrer sur les mêmes voies, connaissaient les pavés disjoints, les traverses saillantes sur lesquels s’appuyer au démarrage de leur imposante charge (une habitude bien connue chez les chevaux de mines).
Un harnais particulier équipe les chevaux de gare : l’« écrevisse ». Peu décrite dans les traités de bourrellerie, son emploi n’est pas pourtant rare. On la retrouve surtout, sous quelques variantes, dans les carrières ou dans les mines. L’ « écrevisse » fait partie de la famille des harnais à palonnier porté, comme le « bas-cul » ou l’« arceau », utilisés au halage, au débardage, au maraîchage (notamment au binage), en viticulture. Ce type de harnais présente l’avantage de minimiser les risques d’enchevêtrement du cheval dans ses traits, d’accrochage sur un sol encombré, d’arrachage des plants.
Ces scènes banales, d’un quotidien laborieux, n’ont malheureusement laissé en leur temps - une fois encore - que peu d’éloges et de (trop) brefs commentaires, alors laissons aux images le soin de témoigner de ces extraordinaires tractions…
Texte:
Etienne Petitclerc
Photos:
Collection Etienne Petitclerc
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