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Par Patrick Magnaudeix
Le Raid du Finistère ou… la course à la Mort .
Bien, que l’on puisse noter une nette amélioration dans l’attention portée aux chevaux en attelage, il y a encore des progrès à faire. Les enjeux ; financiers, de la « gagne » à tout prix, … freinent cette salutaire évolution.
Aussi pour nous rappeler notre responsabilité par rapport à nos chevaux, les risques que nous leur faisons prendre, je vous propose de retourner à l’une des origines de l’attelage sportif.
Il s’agit des fameux raids de la fin du 19° et du début du 20°, aujoudhui encore, vantés par certains comme d’extraordinaires exploits. Vous aurez une assez bonne image de leur réalité dans cet article de 1906 du journal « l’illustration sportive » sur le raid du Finistère, nommé par le journaliste Th. Janvrais, « La course à la Mort ».
« Le raid du Finistère »
La Bretagne est une des régions de la France qui élève et fournit le plus de chevaux (le septième de la population chevaline)
Qui ne connait les beaux norfolks-bretons du Léon ou de la Basse Cornouaille, les vigoureux petits bidets de la montagne, les jolis demi-sang ou pur sang de la Cornouaille Rostrenoise ou des environs de Corlay ?
Il était donc intéressant de tenter une grande épreuve avec ces excellents chevaux bretons, une épreuve de toute haleine et de longue route, qui puisse fournir le degré d’endurance des chevaux du pays, tous déjà si renommés à l’étranger.
C’est l’idée qui était venue à M.Jouanneau, de Brest, et à quelques uns de ses amis. Et aussi vite qu’aussitôt conçue la course de chevaux attelés du « Tour du Finistère » fut décidée et organisée.
Elle comprenait un parcours d’environ 300 et quelques kilomètres en quatre journées, en quatre étapes ; celle de Brest à Morlaix par Lannilis, Lesneven, Landivisiau et Morlaix, soit 85 kilomètres environ ; la seconde, moindre, de Morlaix à Carhaix, par Huelgoat (48 Kilomètres) ; la troisième de 75 Kilomètres, par Gourin, Scaër, Rosporden et Quimper ; la quatrième et dernière, aussi la plus longue, d’environ 92 kilomètres, de Quimper à Brest par Chateaulin, Quimerch, le Faou, Daoulas, Landerneau et Brest.
Mais la caractéristique de ce grand raid breton, c’est encore moins sa longueur que son parcours accidenté. Et qui saura les descentes rapides ou les dures montées des vallées de la Penfeld et des aber Benoit et des aber Wrach, sur la route de Brest à Lannilis et à Lesneven ; celles de la Penzé, du Quefflot et du Jarlot avant d’arriver à Morlaix ; les terribles cotes des Monts d’Arrée et les vallées pittoresques de l’Aulne et de l’ Hyère entre Morlaix et Carhaix ; puis les flancs et le sommet des Montagnes noires à Franchir entre Carhais et Gourin, les vallées de l’Isole et de l’Aven ; celles du Steir, de l’Aulne, du Daoulas et de L’Elorn, comme les raides contreforts de l’Ouest des Montages Noires et des Monts d’Arrée, entre Qimper et Landerneau ; ceux là apprécieront les difficultés de ce circuit sur route, peut être le plus accidenté de France en tout cas le plus pittoresque.
Afin de le faire mieux connaitre à nos lecteurs, nous en donnons un petit croquis topographique :
31 voitures attelées à un cheval et une voiture à deux chevaux ont pris part à cette course régionale. La plus grande partie était du Finistère, il y en avait 22 ; puis 5 du Morbihan, 4 des côtes-du-Nord, une d’Ille et Vilaine et une de la Loire-Inférieure
Malgré les excellents conseils donnés au départ par le comité organisateur de la course, invitant les concurrents à modérer l’allure et à épargner le plus possible leurs bêtes, les conducteurs ont mené un train fou, ce qui a fait de cette épreuve une véritable «Course à la mort »
Sur 32 partants, 6 chevaux ont succombé dés la fin de la première étape, et le soir de cette même journée, 20 coureurs ont du abandonner.
Dix huit sont arrivés, Unic en tête, après avoir parcouru les 85 Kilomètres en 3h 41 m. soit du 24 kilomètres à l’heure. Comme on le voit, cette vitesse exagérée a été tout naturellement à l’encontre de l’endurance des chevaux. Car si l’on y a fait du 20 et même du 23 kilomètres en moyenne, encore du 30 kilomètres dans certaines parties du concours, c’est un fait anormal, en contradiction formelle avec le principe qui commande aux courses de fond. A celle de la « Petite Gironde » dont le parcours était de 700 kilomètres la plus grande vitesse n’a pas dépassé 18 kilomètres. L’on s’y est occupé beaucoup plus de la conservation du cheval, de la manière de le faire arriver en bon état au but, que dans celle-ci où l’on a tout sacrifié pour arriver premier, surtout au début.
Au départ de la deuxième étape (Morlaix-Carhaix), il était facile de comprendre qu’il y aurait peu de partants, 12 en tout. Si les 48 kilomètres de Morlaix à Carhaix, par le Huelgoat, n’ont pas été une étape aussi longue que la veille, ils n’en ont pas moins fourni une course accidentée et pénible par la traversée des sommets des Monts d’Arrée. Mais les coureurs avaient cette fois retenu les sages conseils de M Jouanneau et modéré leur allure. Si bien que la première voiture qui est arrivée à Carhaix , (celle de M. Le Pommelec.) mettait 3h29m.à faire ses 48 kilomètres.
Deux heures après Bichette, arrivée première, Unic, le vainqueur de la veille et qui était arrivé au pas au contrôle fixe de Carhaix succombait à son tour. Puis les chevaux de MM. Le Bras et Le Pommelec renonçaient à la course, par suite d’une trop grande fatigue.
Ainsi au départ de Carhaix, le matin de la troisième journée, il n’y avait plus que 9 partants, quittant la patrie de La Tour d’Auvergne en trois groupes.
Au départ de Quimper, il n’y a plus que 7 concurrents en ligne, qui vont tous arriver à Brest, quoique cette dernière étape soit la plus longue et la plus difficile par suite du mauvais état de la route(92 kilomètres).
Le vainqueur est Bichette conduite par M.Bideau, un Brestois. Elle appartient à M. Jules Harchelon, ingénieur, directeur de l’usine des produits chimiques de Lampaul-Plouarzel. Celui-ci gagne le prix de 1500 francs.
C’est une double ponette bretonne, très courageuse ; très bien soignée en route par M. Bideau, elle n’a montré aucune trace de fatigue et elle est aujourd’hui en excellent état. La second, Fanny, à M. Kérouaton, comme la troisième, étoile, à M.Connen, sont aussi de race bretonne. Le quatrième, sans souci, à M.Jézéguel…est un cheval de réforme
On peut critiquer le raid Brest-Brest de 300 kilomètres, en ce sens que la vitesse maximum de chaque journée n’a pas été limitée. De plus la course n’aurait dû être ouverte qu’à des éleveurs de profession, à des cultivateurs, et non à des maquignons ou à des bouchers, qui n’ont eu aucun scrupule à massacrer leurs chevaux pour arriver premier.
Th. Janvrais
Documentation: H.B.P.(Archives du musée de la ville de Spaa)
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