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Par figoli
En lien avec l'article de rosine Lagier "attelage et endurance" nous vous proposons un article assez original proposé, en 1904, par le journal "La vie au grand air".
"MA COURSE PAR LE VAINQUEUR"
Journal "La vie au grand air de 1904"
1 LA COURSE DE FIACRE
Le cocher mondain Péguet chronomètre un concurrent
Sans aucun doute la course des fiacres organisée dimanche dernier par notre confrère la Presse a été, par son originalité et aussi les résultats qu’elle a donnés, un événement sportif très parisien.
Nous avons donc pensé intéresser nos lecteurs en leur donnant ici, en guise de compte rendu un récit des impressions du vainqueur, le cocher Jonquard, de la Compagnie Valentin. Pour laisser toute leur saveur à ces notes, nous en respectons le style primesautier et fort amusant, on va le voir.
2 Le départ de la course de fiacres
3 Monsieur Audistère, chronométreur officiel de l’A.C.F., donne le dernier départ
Laissons la parole au cocher Jonquard.
"Pour avoir eu la veine de décrocher une victoire qui me tenait rudement à cœur, je vous prie de le croire, me voilà devenu, parait-il, presque aussi célèbre que le héros des grandes épreuves sportives de l’année. Les journalistes m’ont interviewé, comme ils disent ; les photographes ont pris ma binette sous toutes les coutures et dans toutes les positions, sans oublier celle de mon canasson, et j’ai passé tout le restant de ma journée à boire des bocks, en racontant mes courses. Maintenant, voilà qu’il faut que je l’écrive et ça c’est plus dur, parce que je suis plus fort pour conduire un sapin ou même pour faire une partie de manille que pour écrire dans les journaux. Enfin, je ne demande pas mieux que d’essayer, à condition que les lecteurs de la Vie au Grand Air excusent d’avance ma façon de causer, ou que le seul moyen de m’en tirer est de vous écrire ça tout bonnement, comme je le dégoiserais.
4 Les concurrents attendent le départ
5 Les nobles bêtes escaladent la côte de Suresnes.
Donc, pour remonter aux débuts, sitôt que j’ai vu dans la Presse qu’on allait faire un Championnat réservé à nos bagnoles, je me suis dit : « Jonquard, mon vieux, voilà une fameuse occase pour toi », et tout de suite j’ai été, après en avoir touché un mot aux patrons, m’inscrire un des premiers, à preuve que j’ai eu le numéro huit.
J’aurais du commencer par vous dire que je conduis, depuis trois ans, un tréteau épatant, une jument normande de demi-sang qui sort de chez Salomon et Wolff. Elle a huit ans, on l’appelle Red Star, ce qui veut dire en français : Etoile Rouge. C’est un anglais rupin que j’ai conduit une fois aux courses qui me l’a dit. Moi, je savais ce que ma bête pouvait faire, parce que ma grande spécialité, c’est de faire les courses de chevaux et dans la saison, presque tous les jours, Red Star et moi, on s’appuie Colombes, Auteuil, Longchamp, Saint Cloud, Vincennes ou même Maisons-Laffitte, comme si c’étaient des ballades de santé ! Et ça va rondement, je vous prie de le croire.
6 Pour une fois, le cocher de fiacre fraternise avec l’Audax-cycliste
Demandez plutôt à M. Lysis-Denaint, celui qui écrit le compte rendu des courses au Journal et qui est mon principal client. Bref, le plus clair de l’entraînement de Red Star a été fait comme ça. Il faut vous dire que, des fois, on conduit des clients pas ordinaires aux courses. J’ai vu charger en plein Paris, une demi-heure avant les courses à Colombes, par exemple, un sportsman bath qui vous promet un louis de pourboire si on arrive pour la première, vu qu’il a un tuyau à jouer. Alors, vous comprenez, on en met un bon coup pour décrocher le sigue et moi, avec mon carcan, neuf fois sur dix j’arrive à temps. Mais le plus drôle de l’histoire, c’est que des fois le tuyau du client crève et le pauvre vieux ressort de l’hippodrome, fauché à blanc. Heureux encore quand il lui reste vingt crocqs pour revenir dans une tapissière. Moi, j’en ai vu qui étaient obligés de rappliquer à Paris à pinces !
7 La lutte sur la route de Versailles
Pour en revenir au raid, comme dit M. de Lafreté, qui a eu, comme vous savez, l’idée de notre course, j’avais chronométré des vitesses épatantes de ma jument en allant ou revenant des courses. Un de mes poteaux qui a acheté un chrono d’occasion à un ancien propriétaires de chevaux de courses qu’ est tombé dans la purée, même qu’il vend des tuyaux à la pelouse, avait pris des temps qui me donnaient une confiance pleine et entière. Et puis, j’ai pas besoin de vous dire que j’ai dorloté, bichonné et soigné mon canasson comme vous pourriez le faire pour votre femme, sauf le respect que je lui dois, vus comprenez, je sais ce qu’est un cheval, vu que si j’ai 42 berges aujourd’hui, voilà plus de vingt ans que je suis dans la partie. J’ai turbiné douze ans à la Compagnie Générale, et voilà huit belles piges que je suis chez Valentin, une boîte à la hauteur.
8 Avant l’arrivée. Deux concurrents luttent dans la dernière ligne droite.
Alors, dimanche, quand je me suis amené avenue de Neuilly, après avoir donné un dernier picotin à Red Star, si il y avait eu des bookmakers, j’aurais bien mis une ou deux thunes sur ma chance.
Pourtant je suis parti en peinard, tout à fait à la douce, en ménageant bien ma bête, et c’est seulement du côté de Versailles que j’ai dépassé deux ou trois autres copains qui avaient marché comme des enragés dès le départ.
9 Les organisateurs, gens prévoyants, avaient demandé la voiture d’ambulance de l’Assistance aux animaux. A la satisfaction de tous, on n’en fit pas usage.
Après ça, mon histoire est bien simple, j’ai plus eu qu’à laisser filer mon canard tout le temps, sans qu’il donne même un signe de défaillance. De temps en temps, quand elle ralentissait, un petit claquement de langue et elle repartait comme si elle avait du riff au derrière. Ah ! La bonne bête, on aurait dit qu’elle savait de quoi il retournait et qu’il y avait des bons fafiots à palper à Courbevoie, tellement elle en mettait. Seulement la route était rudement mauvaise par endroits, pleine de boue où les roues enfonçaient jusqu’à la jante, et puis, de l’empierrement, de l’encombrement, des cyclistes, des autos, des sapins, des piétons et tout le tremblement.
10 Le vainqueur à l’arrivée Jonquard (5510) a couvert les 41 kilomètres de parcours en 1h 48mn 18s.
Enfin, on a gagné ; et vous savez, je suis tout ce qu’il y a d’heureux. Bien sûr que si les canassons pouvaient jacqueter comme les hommes, vous verriez que ma jument pense comme moi. Aussi je vais lui refiler un picotin comme on n’en donne pas aux chevaux du père Loubet. - Jonquard-
Pour vous faciliter l'accés à ce parler populaire de la belle époque nous vous joignons ce petit dexique.
Audax Club Parisien : Club cycliste fondé en 1904
Père Loubet : Emile Loubet, président de la République 1899-1906
Carcan, Tréteau : Cheval
Riff : Feu
Sigue : Pièce de vingt francs
Je remercie Mrs Montillon et Baup (J§B Whips.com) d'avoir mis ce pétillant document à notre disposition.
Figoli
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