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Jean-louis Libourel
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Gare de Vienne : Rodolphe, archiduc d’Autriche, accueille son cousin Edward, prince de Galles, à sa descente du train. Les équipages de la cour attendent sur le quai recouvert d’un tapis rouge. Etonnement d’Edward :
— « Pourquoi un tapis rouge ? »
— « Ignorez-vous que la plupart des attentats ont lieu dans les gares, et que sur le rouge les taches de sang ne se voient pas ? »
Théâtral, ce dialogue extrait du film “Mayerling ”, réalisé en 1968 par Terence Young, avec Ava Gardner et Omar Sharif, désigne clairement le déplacement en voiture comme l’occasion la plus favorable pour agresser les grands de ce monde, alors exposés à découvert et aisément approchables. La longue liste des attentats essuyés par des souverains, chefs d’état et hommes politiques dans une voiture démontre combien l’apparat des cortèges peut devenir soudain un piège mortel.
Paris, 14 mai 1610. Dans l’étroite rue de la Ferronnerie une charrette lourdement chargée bloque la circulation, obligeant un Coche aux rideaux relevés à s’arrêter. Un homme bondit vers la voiture, pose le pied sur le moyeu d’une roue arrière, et poignarde le propriétaire de l’équipage : Henri IV, roi de France, est assassiné ! Deux coups ont suffi, donnés « l’un sur l’autre dans le sein de Sa Majesté, dont le dernier porta droit au cœur, duquel il coupa l’artère, et par même moyen ôta à ce bon roi la respiration et la vie » (Pierre de L’Estoile). Ravaillac, le meurtrier, inaugurait ainsi une longue série d’attentats politiques dont les voitures, cibles faciles, seraient la scène privilégiée.
Madrid, 1622. Juan de Tassis y Peralta, comte de Villamediana, célèbre par les amours qu’on lui prêtait avec la reine d’Espagne, est tué dans son carrosse, en pleine Calle Mayor, par un carreau d’arbalète. La rumeur publique accusa le roi Philippe IV d’avoir commandité ce crime.
Duché des Deux-Ponts, 15 août 1716. Sur le chemin du prieuré des Guillemites, les hommes de mains du sieur de Sessan, à la solde de l’Electeur de Saxe Auguste II, tirent des coups de feu sur le carrosse de Stanislas 1er, roi de Pologne, alors en exil aux Deux-Ponts. Attentat manqué.
Versailles, 1757. Par une froide soirée de janvier, le 5, alors qu’il s’apprête à monter en carrosse pour aller souper à Trianon, le roi Louis XV est bousculé par un individu, Robert-François Damiens domestique sans emploi, qui lui assène un coup, sans gravité, avec un couteau-canif.
Lisbonne, 13 septembre 1758. Alors qu’il regagnait en chaise de poste le palais d’Ajuda à Belem, près de Lisbonne, au retour d’un rendez-vous nocturne avec sa maîtresse, la marquise de Tavora, le roi Don José 1er de Portugal est blessé à l’épaule par les balles tirées par trois hommes à cheval armés d’espingoles. Impliqués dans cet attentat, le duc d’Aveiro, les marquis de Tavora et d’Alorna, les comte d’Atouguia, de Vila Nova, d’Obidos et de Ribeira Grande, seront condamnés à l’échafaud.
Paris, 24 décembre 1800. Napoléon Bonaparte, premier consul, se rend à l’Opéra pour la première représentation de “La Création du Monde ”, d’après l’oratorio de Joseph Haydn. Le cortège du premier consul est formé de quatre berlines à housse, attelées à deux chevaux, lancées à vive allure. Dans la rue Saint-Nicaise, le cocher de Bonaparte, Germain dit “César”, évite avec adresse une misérable charrette embarrassant le passage. L’instant d’après, une lueur aveuglante suivie d’une explosion terrible secoue tout le quartier. La charrette, qui transportait une machine infernale, est volatilisée : une dizaine de passants sont tués, vingt-huit autres blessés. La berline consulaire est passée ; seules ses vitres ont été brisées.
Paris, 24 décembre 1800. Attentat de la rue Saint-Nicaise contre Napoléon Bonaparte, premier consul.
Paris, 1820. Rue Rameau, devant l’Opéra, le Duc de Berry raccompagne sa femme à leur voiture et l’aide à y monter — la jeune femme est enceinte —. Le terroriste Louis Louvel le frappe d’un coup de poignard et le tue.
Paris, 28 juillet 1835. Giuseppe Fieschi active une machine infernale, une mitrailleuse rudimentaire, boulevard du temple, au passage du cortège de Louis-Philippe se rendant à la Bastille pour célébrer l’anniversaire de la Révolution de Juillet. La détonation, formidable, tue dix personnes parmi lesquelles le maréchal Mortier. Cinquante autres sont blessées dont sept mourront dans les jours suivants. Le roi est sauf : il n'a qu'une éraflure au front.
Londres, 10 juin 1840. La jeune reine Victoria, enceinte de son premier enfant, et le prince Albert, son époux, traversent Hyde Park dans une voiture découverte — une victoria attelée à la d’Aumont, selon une gravure de l’époque — Edward Oxford, un jeune homme exalté, tire par deux fois sur la reine, sans succès.
Paris, 15 octobre 1840. Un ouvrier anarchiste, Marius Darmès, tire sur la voiture de Louis-Philippe, quai des Tuileries. Le pistolet éclate dans les mains de l’assassin, ce qui sauve le roi.
Londres, 29 mai 1842. Dans Saint James’ Park, un homme, John Francis, tire au pistolet sur la voiture de la reine Victoria. Le pistolet ne fonctionne pas, et l’individu parvient à s'échapper. Le lendemain, la reine emprunte le même trajet plus rapidement et avec une plus grande escorte avec l'objectif délibéré de pousser Francis à attaquer à nouveau afin de le capturer. Comme prévu, John Francis tire sur la voiture ; il est immédiatement arrêté. Le 3 juillet de la même année, un jeune homme, John William Bean, tire, sans succès, sur la reine.
Fontainebleau, 16 avril 1846. Dans le parc du château, un char-à-bancs où se trouvaient Louis Philippe et la famille royale reçoit toute la charge d’une carabine tirée intentionnellement par un garde forestier, Lecomte. Les chevrotines se logent dans la voiture qui contenait quatorze personnes sans n’en toucher aucune.
En 1849, William Hamilton, un chômeur irlandais mécontent, tire sur la voiture de la reine Victoria avec un pistolet.
Juin 1850. Au moment où la reine Victoria franchit en voiture la grille de l'hôtel du duc de Cambridge, oncle de la souveraine, auquel cette dernière venait de rendre visite, un ancien capitaine de hussards, Robert Pate, s'élance vers la voiture et cingle le visage de la reine avec sa canne, la blessant au front. La blessure, superficielle, n'empêcha pas la royale blessée de paraître le lendemain à l'Opéra.
Paris, 14 janvier 1858. Felice Orsini et ses complices lancent trois bombes contre le cortège impérial arrivant à l’Opéra pour une soirée de gala. Soufflée par la déflagration, la berline de Napoléon III et d’Eugénie heurte un mur. Un cheval est tué, l’autre agonise. Huit personnes sont mortes, cent quarante huit blessées. Epargné, le couple impérial gagne sa loge sous les ovations.
Paris, 6 juin 1867. En visite dans la capitale française, le Tsar de Russie Alexandre II traverse le Bois de Boulogne aux côtés de Napoléon III. Aux abords de la Cascade, un émigré polonais, Berezowski, tire sur le souverain russe. Firmin Rainbeaux, écuyer de l’empereur qui escorte la voiture, ayant vu à temps le geste du fanatique, jette son cheval entre lui et la calèche impériale. Le malheureux animal sera la seule victime.
Madrid, 27 décembre 1870. Le général Prim quitte “ la Chambre des Cortes” en fin de journée. Il neige. Sa voiture, un Coupé trois-quarts, est arrêtée dans la rue d’Alcalá obstruée par deux véhicules, et aussitôt entourée par un groupe d’individus surgis d’une taverne proche. Trois coups de feu sont tirés à travers la portière gauche. Le général est blessé à la main et à l’épaule. Il meurt le 30 décembre. Le Coupé, dont les panneaux de custode ont été troués par les balles, est conservé à Tolède au Museo del Ejercito.
Petit coupé de ville du général Prim. Les trous de balles sont visibles sur le panneau de custode. (Tolède, Museo del Ejercito)
Londres, 28 février 1872, un jeune irlandais, Arthur O’Connor, s'élance à la portière de la voiture de la reine Victoria sortant du palais de Buckingham, armé d’un pistolet. L’arme n’est pas chargée. John Brown, domestique écossais de la reine, plaque le garçon au sol avant même que Victoria ait pu voir l’arme braquée sur elle.
Madrid, 30 décembre 1875. Revenant d’une promenade aux guides de son Mail-phaéton, le roi d’Espagne Alphonse XII est la cible d’un tireur, au moment où il arrive à la grille du palais royal. Le coup, maladroit, le manque. Le lendemain, le roi et la reine Doña Cristina vont à la même promenade, “ le Paseo del Retiro”, avec la même voiture toujours menée par le roi, et y sont longuement acclamés. Le Mail-phaéton, œuvre du carrossier parisien Ehrler, est actuellement conservé à Barcelone au Palais Pédralbes.
Mail-phaéton, œuvre du carrossier parisien Ehrler, dans lequel le roi d’Espagne Alphonse XII a été la cible d’un attentat (Barcelone, Palais Pédralbes)
Saint-Pétersbourg, 13 mars 1881. Le long du canal Catherine, un coupé entouré de six cosaques à cheval et suivi de plusieurs traîneaux ramène le Tsar Alexandre II du manège Michel où le souverain vient d’assister à la relève hebdomadaire de la garde. Le terroriste Ryssakov lance une bombe au passage de la voiture qui s’effondre sur la chaussée, le train arrière brisé, tandis que ses glaces éclatent en morceaux. Un enfant, deux cosaques de l’escorte et des chevaux sont tués. Sain et sauf, le Tsar s’inquiète des victimes. A ce moment, un deuxième terroriste, Grinevitski, lance une autre bombe. Mortellement blessé, le Tsar est hissé sur le traîneau du maître de police, le colonel Dvorjitski, qui l’emporte au Palais d’Hiver où il meurt peu après. Le Tsar avait échappé à plusieurs attentats précédents, notamment le 4 avril 1866, le 6 juin 1867 à Paris, et le 2 avril 1879. Construit à Saint-Petersbourg par le carrossier I. K. Breutigame en 1878, le coupé de ville dont l’arrière a été déchiqueté lors de l’attentat est conservé au Musée des voitures hippomobiles de Tsarskoïe Selo.
Windsor, 11 mars 1882. La reine Victoria échappe à un dernier attentat — le septième — : Roderick Maclean, tire avec un revolver sur la reine qui quittait la gare de Windsor dans un landau fermé. Deux jeunes gens, élèves du collège d'Eton, s'emparent de l’agresseur.
Windsor, 11 mars 1882. Attentat de Roderick Maclean contre la reine Victoria devant la gare de Windsor.
Rome, 16 juin 1894. Dans son coupé, Francesco Crespi, président du Conseil italien échappe au coup de feu de l’anarchiste Paolo Lega, la balle n’ayant fait que traverser la paroi de la voiture.
Lyon, 24 juin 1894. Le président de la République Sadi Carnot participe aux fêtes de l’Exposition organisée dans la capitale de la soie. L’anarchiste italien Caserio s’élance vers la voiture présidentielle et poignarde mortellement le chef de l’Etat. Le Musée automobile Henti Malartre, à Rochetaillé-sur-Saône, conserve une calèche huit-ressorts, du carrossier Ehrler, qui passe pour la voiture où fut assassiné le président Carnot.
Calèche huit-ressorts, du carrossier Ehrler, dans laquelle aurait été assassiné le président Carnot (Rochetaillé-sur-Saône, Musée automobile .Henti Malartre)
Mars 1898. Revenant de Phalère vers Athènes avec sa fille la princesse Marie, dans une voiture découverte, le roi de Grèce Georges Ier subit le tir, manqué, de Karditzi et de ses complices.
Monza, 29 juillet 1900. Ayant assisté à un concours de gymnastique, le roi d’Italie Umberto 1er monte en voiture et salue ceux qui l’acclament. L’anarchiste Gaetano Bresci, venu tout exprès de New-York, l’abat de trois coups de revolver. Dans la presse italienne, la voiture du roi est découverte (landau ou grand duc) tandis que la presse française montre une voiture fermée, un petit coupé de ville.
Le roi Umberto avait précédemment échappé à deux attentats. Le 17 novembre 1878, en visite à Naples dans une voiture découverte, avec sa femme et le premier ministre Benedetto Cairoli, il est blessé d’un coup de poignard porté par l’anarchiste Giovani Passanante.
Le 22 avril 1897, alors qu’il arrivait à l’hippodrome de Capannelle à Rome toujours en voiture découverte, Pietro Acciarito tente de le frapper avec un poignard.
Paris, 1er août 1900. Venu visiter l’Exposition universelle, le Chah de Perse Muzaffar al Dîn, quitte en landau l’hôtel Evans, devenu pour la circonstance Palais des souverains. L’anarchiste François Salson, armé d’un revolver, bondit sur le marchepied de la voiture. Il est désarmé avant d’avoir pu tirer.
Novembre 1902. Attentat manqué contre le roi Léoplod II de Belgique, dans un Coupé à pincettes.
Moscou, mars 1905. Le Grand Duc Serge est tué dans un attentat proche de celui qui avait coûté la vie à son père le Tsar Alexandre II en 1881. Au moment où la voiture du Grand-Duc quittait le Musée Historique, un traîneau, dans lequel se trouvaient deux hommes en civil, alla se placer au-devant. Près du Palais de Justice, le traîneau se laissa dépasser et ses occupants jetèrent alors une bombe sous la voiture. L'explosion réduisit la voiture en miettes. Sous les débris on ramassa le corps du Grand-Duc, déchiqueté, la tête séparée du tronc.
Paris, juin 1905. Le jeune roi d’Espagne, Alphonse XIII et le président Loubet descendent l’avenue de l’Opéra en voiture. Ils sortent d’un spectacle au Palais Garnier. Il est minuit et demi. Le cortège arrive à l’angle de la rue Rohan et de la rue de Rivoli. Une bombe explose à son passage. Un cheval est éventré, treize autres, de l’escorte, sont blessés, ainsi que vingt personnes. La voiture présidentielle, un landau huit ressorts, est intacte.
Madrid, 31 mai 1906. La capitale castillane en liesse fête le mariage du roi Alphonse XIII avec la princesse Victoria-Eugenie de Battenberg. Au retour de la cérémonie nuptiale, dans l’étroite Calle Mayor, un terroriste jette une bombe, dissimulée dans un bouquets de fleurs, sous les pieds des chevaux de la berline royale. Les chevaux s’abattent, foudroyés. Le somptueux « Coche de la corona réal », construit par Julian Gonzalez, est disloqué. L’engin tue plusieurs personnes et en blesse beaucoup d’autres. Le couple royal est épargné. Le « Coche de la corona réal », récemment restauré, est conservé à Madrid, au Museo de Carruajes du Palais royal
Madrid, 31 mai 1906. Attentat contre le roi Alphonse XIII le jour de son mariage avec la princesse Victoria-Eugenie de Battenberg.
Le « Coche de la corona réal », berline de grand gala du mariage du roi Alphonse XIII (Madrid, Palacio Réal, Museo de Carruajes).
Lisbonne, 1er février 1908. Le roi de Portugal Carlos 1er et son fils, le prince héritier Louis-Philippe duc de Bragance, sont assassinés dans leur landau, par arme à feu, sous les yeux de la reine Amélie, épouse du premier et mère du second. Jetant son bouquet de fleurs à la tête du tireur, la reine dévie le coup destiné à son fils cadet, le prince Manuel. Légèrement effleuré au bras par la balle, le jeune prince de dix-neuf ans est aussitôt proclamé roi sous le nom de Manuel II. Construit à Lisbonne par F.J. Oliveira, le landau est conservé au Museu nacional dos coches à Lisbonne.
Lisbonne, 1er février 1908. Assassinat du roi de Portugal Carlos 1er et son fils, le prince héritier Louis-Philippe duc de Bragance
Le landau du carrossier F.J. Oliveira dans lequel ont été assassinés roi de Portugal Carlos 1er et son fils, le prince héritier Louis-Philippe duc de Bragance (Lisbonne, Museu nacional dos coches)
Tokyo, avril 1959. Le prince héritier Aki-Hito, fils de l’empereur du Japon, épouse Michiko Shoda. Le jeune couple défile devant une foule immense dans un landau découvert attelé à six chevaux. Un étudiant contestataire rompt le cordon de sécurité, court vers la voiture, s’agrippe à la portière gauche et tente de frapper le prince avec une pierre. Les valets de pied s’interposent, le service d’ordre maîtrise l’assaillant et le désarme. Dans les jours qui suivent, “Paris-Match” publie des photographies prises au moment même de l’attaque.
Tokyo, avril 1959. Attentat contre le prince héritier Aki-Hito, fils de l’empereur du Japon, le jour de son mariage avec Michiko Shoda. “Paris-Match”.
La Haye, 21 septembre 2010. Ultime agression contre une voiture hippomobile. Alors que la Reine Béatrix des Pays-Bas se rend au Binnenhof pour la cérémonie d’Ouverture du Parlement dans le carrosse de la reine Wilhelmine, dernier carrosse royal construit en Europe en 1898, un homme lance un chandelier contre la voiture. Il est maîtrisé et plaqué au sol par les gardes du corps et les policiers de l’escorte.
… au président américain John Fitzgerald Kennedy
On l’aura compris à la lecture de cette liste, bien incomplète : la voiture est le lieu privilégié de l’attentat politique. Motorisée, elle continuera à jouer ce rôle funeste. Il suffit d’évoquer seulement trois des plus tristement célèbres automobiles dont les illustres passagers ont été victimes d’attentats meurtriers : la “Gräf & Stift” dans laquelle fut assassiné l’Archiduc d’Autriche François-Ferdinand à Sarajevo en 1914, la “Delage type D8” où fut tué le roi Alexandre 1er de Yougoslavie à Marseille en 1934, et la “Ford Lincoln Continental” à bord de laquelle le monde entier, par écrans de télévision interposés, vit mourir le président Kennedy à Dallas le 23 novembre 1963.
Le déplacement en voiture est un moment idéal pour l’agresseur, car sa victime est alors une cible bien visible, facile à approcher, dans un espace ouvert et libre, la rue, où la surveillance et une protection totale sont difficiles à exercer.
L’agression a deux formes possibles. L’attaque rapprochée, au poignard ou au pistolet. Ou l’attaque terroriste et sauvage, à distance : bombe disposée à l’avance sur le parcours ou lancée contre le véhicule. Dans le premier cas, la voiture est la scène de l’attentat. Le tueur profite d’une cérémonie, d’un cortège officiel, où la voiture, souvent découverte (calèche ou landau) se déplace lentement, au pas, la victime y étant très exposée, et donc très vulnérable. Dans le second cas, l’assaillant profite d’un déplacement quelconque, la nature de la voiture n’ayant aucune importance : ouverte ou fermée, la bombe doit la détruire ainsi que ses occupants. La cible visée n’est plus directement une personne, mais la voiture elle-même.
Pour parer aux risques d’agression, les carrossiers se sont ingéniés à renforcer la solidité des voitures. Obsédé par la hantise d’un attentat — il en essuiera dix-huit — le roi Louis-Philippe fait doubler de tôle les parois de ses berlines officielles, “La Saverne ”, “La Seine”, “l’Italienne”, et ne se déplace qu’à vive allure.
En 1953, pour le couronnement de la reine Elisabeth II, le grand carrosse d’Etat en bois doré, construit pour Georges III d’Angleterre en 1763, fut équipé de glaces anti-balles, ses panneaux, ornés des peintures de Cipriani, et son plancher furent doublés d’acier. L’anachronique berline de gala construite en 1988 et offerte à la souveraine britannique lors des fêtes du bicentenaire de l’Australie, est entièrement blindée et ses glaces sont résistantes à l’épreuve des balles.
Les mesures et les dispositifs mis en œuvre aujourd’hui pour la sécurité des chefs d’état lors de leurs apparitions dans les cortèges officiels entraîneront-ils la disparition des belles et somptueuses voitures de cérémonie, fleurons de la carrosserie automobile de haut luxe ? L’exemple affligeant, sur le plan esthétique, de la “Papamobile ” fait redouter le pire….