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Voyager en voiture privée au XIXe siècle :
en route…. (3ème partie)
Jean-Louis Libourel
Equipée de tous ses accessoires et chargée de bagages la voiture est prête à partir (voir : Voyager en voiture privée au XIXe siècle : les voitures, et Les équipements des voitures). Le voyageur prévoyant s’est muni de guides et d’itinéraires utiles pour le choix de sa route et de ses étapes.
Routes de Paris à Rennes et Paris à Nantes, 1765 (Michel et Desnos : L’indicateur fidèle ou guide des voyageurs qui enseigne toutes les routes royales et particulières de la France […], Paris, 1765)
Vitesse…
Une fois partie, la voiture dévore la route …. à la vitesse des chevaux. La vitesse ! Notion très fluctuante : en un peu plus de trente ans son accélération sera telle que la durée des voyages sera diminuée de moitié !
En 1806, François-René de Chateaubriand quitte Paris le 13 juillet à 3 heures de l’après-midi, en dormeuse. Il est à Lyon, ayant roulé sans arrêt, le 15 à 7 heures du matin. Sa voiture a roulé à 12 km/h de moyenne.
Pour aller de Paris à Toulouse il faut 110 heures en 1814, puis 70 en 1837, et seulement 54 en 1847. Le trajet Paris-Bordeaux nécessite 86 heures en 1814, 44 en 1837, et 36 en 1847. Toujours en 1847, Paris est à 33 heures de Strasbourg et de Lyon, à 16 heures de Lille.
Cette formidable accélération de la vitesse hippomobile dans la première moitié du XIXe siècle est due à la conjugaison de quatre facteurs : les perfectionnements techniques des voitures, notamment leur allègement et leurs nouveaux systèmes de suspension, l’amélioration des races de chevaux destinés à l’attelage, le meilleur état des routes de plus en plus nombreuses à être réalisées selon le procédé inventé en 1815 par Mac Adam, le développement du réseau des relais de poste de plus en plus performants dans la rapidité des changements de chevaux.
Si l’on roule avec ses propres chevaux, qu’il faut ménager et maintenir en état d’étape en étape, la vitesse est modérée. Elle augmente considérablement si l’on utilise les chevaux de la poste, toujours frais car ils sont remplacés à chaque relais, à un prix exorbitant.
Le 30 novembre 1832 Alfred de Montesquiou part pour l’Italie avec sa femme, ses huit enfants, un instituteur, une gouvernante et une nurse anglaise pour le petit dernier. Tout ce petit monde se déplace avec une berline de voyage et une calèche attelées toutes deux en poste, c’est-à-dire à quatre chevaux montés par deux postillons. Les deux fils aînés, Edgard et Gonzalve, accompagnent à cheval.
Entre Paris et Lyon, le remplacement à chaque relai des dix chevaux — quatre par voitures plus les deux des fils aînés —coûtera à monsieur de Montesquiou une somme équivalente à 2500 euros de frais de poste !
A la fin du XIXe siècle, quelques amateurs d’attelage très fortunés, passionnés par la conduite à quatre chevaux, le driving, porteront la vitesse hippomobile à des sommets jamais atteints. En 1888, Jim Selby, aux guides du Old Times [à l’instar des navires, les Road-coaches sont personnalisés par un nom individuel, peint sur les panneaux de coquille, de frise de portières et du coffre arrière], couvre les 173 kms entre Londres et Brighton en 7 heures 50 minutes, soit une moyenne de 22 km / h. Temps record pour les changements aux relais : 47 secondes.
Ce record sera battu en 1892 par le Herald, entre Paris et Trouville. Parti de l’avenue de l’Opéra le 12 juillet à 6 heures, avec Higgins, Tiffany, Gordon-Bennett et Tailor se relayant aux guides, et à l’intérieur, son constructeur le carrossier parisien Guiet et un journaliste du Figaro Illustré, il arrivait devant l’hôtel Bellevue à Trouville à 16h50, ayant couvert 225 km à la vitesse moyenne de 22 km 45 / h.
… et sécurité
Souci constant des voyageurs, la sécurité est assurée par divers systèmes de freinage : sabots d’enrayage, mécaniques, bâtons d’arrêt fixés à l’arrière des voitures pour les empêcher de reculer dans une pente, moyens souvent associés pour une plus grande efficacité.
Bâton d’arrêt à l’arrière d’une berline de voyage du carrossier parisien Clochez (Compiègne, Musée national de la Voiture et du Tourisme)
Apparue seulement au début du XIXe siècle la mécanique est imposée en France aux voitures publiques en 1827 : « toute voiture publique sera munie d’une machine à enrayer au moyen d’une vis de pression agissant sur les roues de derrière […]. Outre cette machine à enrayer, les voitures publiques devront être pourvues d’un sabot, qui sera placé par le conducteur à chaque descente rapide » (Ordonnance du 27 septembre 1827 portant règlement sur la police et le roulage des voitures publiques). Beaucoup de voitures de luxe seront longtemps dépourvues de système de freinage. Apparus peu avant 1860 les freins actionnés par un levier ou un volant ne se généraliseront qu’à partir des années 1880. En 1851, un carrossier anglais, Bascomb, avait présenté une voiture équipée d’un frein à volant à l’Exposition universelle de Londres. En 1855, la maison parisienne Mühlbacher Frères obtient une médaille d’honneur à l’Exposition universelle de Paris pour « un break de chasse avec mécanique à enrayer ». En 1879, le carrossier parisien Binder invente le frein à levier, crémaillère et cliquet. La même année, Lagogué, carrossier à Alençon, présente un frein à pédale monté sur un phaéton et sur un char-à-bancs. « Très énergique et en même temps très rapide », le frein Lemoine, frein à câble à enroulement autour du moyeu, a été à la fin du XIXe siècle la dernière innovation française en matière de freinage.
Garantissant une conduite plus sûre, de jour et de nuit et par tous les temps, l’attelage en poste, à quatre chevaux montés par deux postillon est une mesure de sécurité à laquelle on a fréquemment recours en voyage.
Coupé de voyage attelé en poste sur une route en cours de pavage (lithographie de Delpech, vers 1840)
Les dangers de la route transforment tout voyage en une périlleuse aventure. D’une grande diversité, ils résultaient de causes multiples, souvent étroitement associées : le mauvais état des routes, sujettes à une usure rapide due aux intempéries, à l’intensité du trafic, aux charges excessives des voitures, aux jantes étroites qui creusent des ornières, aux vols de matériaux sur la chaussée ; les intempéries, pluies, inondations, neige ; l’inattention et les fautes de conduite des postillons et cochers, dues à la fatigue, au sommeil, à l’alcool ; les chevaux qui trébuchent et s’abattent ou s’emballent ; les incidents techniques, roues ou essieux brisés, soupentes sectionnées, freins lâchés, harnais rompus ; enfin, les risques d’attaques et les brigandages.
Aussi, les guides à l’usage des voyageurs abondent-ils en avertissements et recommandations. Madame de Genlis dans son Manuel du voyageur (1799) montre comment il faut parler en route aux postillons dont il faut surveiller les manœuvres : « Ecoutez, postillon, allez bon train dans le beau chemin, et doucement en tournant, ou sur les ponts, ou dans les villes et villages […] Eloignez-vous du bord du précipice ou de la rivière autant que vous pourrez ».
Pour prévenir des blessures provoquées par le bris des glaces « il faut, conseille encore Madame de Genlis, qu’une voiture de voyage ait des verres de Bohême et non des glaces ; en cas d’accident, les belles glaces brisées sont d’un danger mortel. Dans tous les passages dangereux, si l’on ne descend pas, il faut baisser toutes les glaces ». Dans ces passages dangereux, si la voiture venait à verser, les glaces abaissées entre les panneaux et les faux-panneaux de la caisse pouvaient être brisées sans risque de blessure pour les passagers.
L’Itinéraire complet du royaume de France, publié en 1828, multiplie les conseils de prudence : « Si vous avez une rivière ou un pont à passer pendant la nuit, n’ayez point de confiance aveugle en vos postillons : ils sont souvent ivres ou endormis : la moindre erreur de leur part peut les faire périr eux et les voyageurs.
12. Trois chevaux attelés au landau de la reine Maud de Norvège et de Madame Fallières tombent dans le canal du Belvédère à Versailles » (Le Petit Parisien, 16 juin 1907)
Soyez aussi sur vos gardes si vous avez à traverser nuitamment une forêt vaste et isolée : ne le faites jamais sans une grande nécessité ; attendez plutôt le point du jour […] On ne doit jamais prendre dans sa voiture les inconnus ou les piétons que l’on rencontre ; cette fausse compassion est le meilleur moyen de se faire voler ou assassiner en route […] Les pistolets à deux coups, surtout s’il n’est besoin pour les tirer que d’un seul et même mouvement de main, sont encore les meilleures armes qu’un voyageur puisse avoir pour se défendre. Ils en imposent à l’agresseur, qui voit deux batteries dirigées sur lui ; car même en supposant qu’un des deux coups ne parte pas, il n’est pas probable que l’autre fera de même. »
Luxe et confort : le voyage en roulotte,
La voiture la mieux équipée pour le voyage est sans conteste la roulotte. Brice Thomas, rédacteur de l’illustre journal Le Guide du Carrossier, en témoigne: « Quelques amateurs riches qui possèdent des roulottes, dans un espace nécessairement restreint, prétendent tous au meilleur confort possible. C’est ainsi que le grand-duc de Russie en possède une qui comprend : salon, salle à manger, chambre à coucher, cuisine, Water-closet, poste d’observation, etc. ». C’est donc le véhicule idéal pour voyager en toute indépendance, sans être soumis aux contraintes des auberges et des hôtels et à leurs surprises, et pour s’assurer un confort permanent et « sur mesure ».
Ces maisons roulantes eurent leurs adeptes, parmi lesquels Fernand Révil, personnage fortuné, qui fit en 1894 en roulotte un voyage de 800 kilomètres de Rouen à Villevieille, village situé à mi-chemin entre Nîmes et Montpellier, voyage dont il fera le récit en août 1906 dans la revue Touring Club de France. Il y décrit minutieusement sa roulotte dont il a lui-même conçu les plans, imaginé le mobilier et les équipements et décidé de leur agencement. (voir : La roulotte de Monsieur Révil, 28 novembre 2013) Cet original voyageur conclue son récit par un conseil …. dispendieux ! « Il est une chose contre laquelle je voudrais mettre en garde ceux qui seraient tentés par ce genre de voyage, c’est l’achat d’une grande voiture pourvue de nombreuses pièces et pesant un gros poids. Si l’on veut beaucoup de place et de confortable, il faut deux, trois, quatre roulottes de 5 mètres sur 2 mètres. Chacune sera suffisamment légère, courte et étroite pour passer partout et procurer le véritable plaisir de ce genre de voyage qui est de pouvoir aller où l’on veut. En réunissant les diverses voitures, que par des moyens très simples on peut faire communiquer, on compose un véritable appartement ».
Ainsi, le luxe semble sans limites pour certains voyageurs, tel le comte Scheremetieff : en 1843 Victor d’Arlincourt rapporte que ce comte russe « se faisait suivre […] d’un tombereau plein de terre à plusieurs étages, où, par le moyen d’un calorifère, il faisait pousser progressivement de la salade et des verdures. Il aimait les légumes frais ; et, grâce à sa serre-chaude ambulante, une végétation printanière galopait, en toute saison, à la suite de ses bagages ». Le summum du luxe !