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La mule et l'attelage au joug "landais"
dans les landes de Gascogne;
2° "Le joug à collier"
Nous vous avons présenté dans la première partie; "La mule et le joug landais dans les landes de Gascogne" 1° histoire", la mutation du territoire des landes de Gascogne. Il a connu, en quelques décennies, une transformation radicale de sa physionomie et de son économie; la disparition de landes marécageuses transformées en massifs forestiers de pins, la supplantation progressive de la traction bovine par la traction muletière et le remplacement des carts à traction bovine par les bros à traction muletière.
Depuis les temps anciens, aux côtés des carts, étaient utilisées des charettes à 2 roues, tractées également par des bœufs et appelées Bros. Au contraire des carts, voitures à quatre roues à la voie étroite de faible contenance versant facilement, les bros étaient adaptés pour circuler dans les dunes de sable d'où la généralisation de leur utilisation pour sortir la gemme et le bois des « pignadas ».
Le « bros »
L’intensification de la production forestière, le désenclavement des Landes opéré par l’arrivée des chemins de fer en 1854, la mise en place de réseaux routiers locaux liés aux chantiers d’assainissement et d’ensemencement, nécessitèrent l'amélioration de ces voitures qui devaient porter des charges de plus en plus lourdes. Un article du Sport illustré, de 1899, précise que les bros en pleine charge pouvaient peser de 2t5 l’hiver à 3t5 l’été. Les véhicules en eux-mêmes pesaient de 500 à 1000Kg.
Les muletiers attelaient souvent deux bros à la même paire de mules, ce qui pouvait leur faire porter une charge de 4,5 à 5 tonnes. Nous verrons ultérieurement que ces charges vont fortement augmenter avec l'utilisation des pneumatiques "Michelin", en 1933.
Le "bros" est donc un véhicule extrèmement rustique et résistant.
C'est un véhicule à deux roues; la hauteur de celles-ci varie de 1m40 à 1m70; les moyeux et les rayons sont en accacia, les jantes en chêne, protégées par un cercle de fer de 16 à 30 mm d'épaisseur. La voie (distance entre les deux roues) est à peu prés constante; 1m55-1m60. Ces roues, pour offrir moins de prise à l’effet adhésif du sable, l'été, et pour éviter l’embourbement, l’hiver, sont très larges: généralement de 10 à 12 cm mais pouvant aller jusqu’à16-18 cm.
Les bandages très larges caractéristiques de ces voitures peuvent atteindre des largeurs exceptionnelles.
La partie utilisable du bros, dite cuve, peut avoir diverses contenances mais elle est souvent assez grande pouvant, par exemple, contenir, dans la longueur, cinq barriques de résine de 340 kg chacune.
Le timon appelé aussi aiguille, assez court;1,90-2m, est ferré en son extrémité. Les mules y sont fixées par le joug au moyen d’une cheville de fer. Fixé sous la cuve, il peut, suivant la dimension des roues, être droit, incliné ou coudé.
Voici le témoignage des derniers charrons constructeurs de "bros" du village de Soustons (recueillis, dans les années 1990, par Nicole de Senneville Sainte Marie dans son ouvrage "Les mules")
Le joug pour mules.
Depuis l’antiquité, les mules sont attelées en paire au joug pour les travaux agricoles, en particulier le labour; par exemple en Espagne.
« En quelques provinces d’Espagne, on emploie des mules au labourage; ces mules sont attelées au moyen d’un joug. A chacune des extrémités de ce joug sont fixés deux bâtons inclinés entre lesquels se place le cou de la mule »
-Traité de mécanique appliquée 1819-
L’encolure de l’animal est protégée par un coussin en forme de collier s’attachant par le bas. La perche de la charrue s’attache au milieu du joug
Un autre type de joug à utilisation agricole est couramment employé pour les bovins mais aussi pour les mules. Il s’agit du joug dit: à cadre ou à fenêtre. Ce type de joug est également très ancien et Ringelman, dans « Génie rural » (1912), fait remonter son origine aux Macédoniens.
On le retrouve dans différents pays européens comme le montre ce joug d’origine roumaine conservé au musée de Tulcea.
Vous pouvez en voir ici un modèle très rustique du centre de la France avec ses typiques coussins de protection de l'encolure.
Les différentes variantes de ce type de joug à cadre sont constituées de deux perches horizontales reliées par des montants en bois. Aux extrémités de ces deux traverses se trouvent deux orifices dans lesquels sont introduits deux barreaux en fer. Les barreaux extérieurs sont amovibles pour permettre le passage du cou des animaux par le côté. L’encolure de la mule est protégée par un rembourrage, sans attelles, en forme de collier se fermant par le bas.
Le joug à cadre était couramment utilisé dans des régions proches des Landes de Gascogne, tout particulièrement en Catalogne et dans le Roussillon, sous l’appellation de « coran ». (Ces "corans" étaient également utilisés pour les chevaux en plaine ; région montalbanaise et nord toulousaine -O Courthiade-)
Ce joug à cadre relativement léger a des montants horizontaux aux formes arrondies.
Joug à mule de la région de Castres conservé au musée du Rouergue (Incomplet car sans anneau central)
Les modèles de « coran » étaient dotés d’un anneau métallique articulé, fixé aux traverses intérieures, permettant de centrer le joug et, de part sa mobilité, facilitant le tirage.
Olivier Courthiade conserve, dans sa collection, un coran règlable dont la forme rectangulaire est semblable au joug landais mais qui est toujours équipé de tiges metalliques et non de mortaises (voir différence avec le joug landais sur la photo ci-dessous). Bien que plus évolué, il était toujours positionné sur des colliers trés rembourrés sans attelles apparentes. Cependant des attelles intérieures permettaient de le rigidifier.
Rembourrage en forme de coussin et coran réglable avec, derrière, un joug landais. Coll O. Courthiadec
Ce type de rembourrage, adapté à la traction agricole, n’était pas suffisant pour tracter de lourdes charges dans les pistes aux sables profonds des Landes.
Le joug à collier landais, forme la plus évoluée des jougs à cadre, apporta la solution à ces nouvelles contraintes de traction, à partir des années 1840-50. Sa grande innovation réside dans le renforcement du joug mais surtout dans le remplacement du coussin de protection par un collier en bois.
Le joug à collier landais
Si le joug en lui même est, semble-t-il, une évolution du joug à cadre, le collier landais, quant à lui, est unique dans sa conception ( il existait bien, dans l'Isere, un joug à collier "la Couleulive" mais dont l'utilisation se limitait aux seuls travaux agricoles).
Je n’ai pas trouvé de sources permettant de préciser l’origine de ce collier landais. Cependant, la forme homogène de ce modèle, dans l’ensemble des Landes de Gascogne, me fait penser qu’il s’agit d’un projet conçu par un commanditaire ou un groupe de personnes mais pas d’une adaptation progressive et complémentaire de différents utilisateurs. Toutes les informations sur cette origine seront les bienvenues.
Harnais landais complet. comprenant le joug, les colliers garnis de leurs protection en peau de mouton, et des licols.
Le joug
Ce joug de type à cadre, réalisé en acacia d’environ 7 cm d’épaisseur, est formé de deux pièces de bois, appelées "pelles", qui sont fixées par deux autres pièces de bois transversales; les "montants", eux-mêmes renforcés par deux tringles métalliques. Les deux « pelles » sont transpercées par des mortaises traversées par des courroies qui permettent de régler l’écartement des deux animaux. La pelle inférieure est dotée d’une plaque de frottement à l’avant où d’un crochet à l’arrière pour fixer la chaîne lors du débusquage ou la manipulation de troncs d’arbres.
Pour la traction d’un véhicule, l’extrémité du timon passe et se fixe par une cheville en fer dans une pièce métallique dite « molade » ; ronde pour une utilisation de travail, ovale pour une utilisation de charroi sur les routes. Cette « molade » est articulée sur des coussinets de fer supportés par les montants. Cette articulation permet d’absorber, en partie, le mouvement de l’aiguille, facilitant ainsi le tirage.
Suivant la morphologie des animaux, ce joug de 25 à 30 kg se présente sous différentes tailles en largeur et en hauteur.
Au cours de ses recherches, Olivier Courthiade a recensé pour ces jougs trois longueurs différentes suivant les travaux, quatre hauteurs différentes suivant la morphologie des animaux et donc la hauteur de leurs colliers.
Le collier landais
A la différence du joug du Roussillon "coran" et autres modèles de joug à cadre, le lourd joug landais ne se fixe pas sur d’épais « coussins » d’encolure mais sur de solides colliers en bois.
" Le collier est composé essentiellement de deux montants en bois avec un fort rembourrage et une fermeture inférieure avec crochet. Au sommet…, on y trouve une garniture en fer formant anneau ou « main » ; c’est là que passe la pelle supérieure du joug. " -Lagoethe-
Les selliers landais donnent le nom de crémaillère à cette main.
Grace à l’amabilité et aux descriptions de Monsieur Hauquin, sellier spécialisé dans la fabrication du collier landais, nous pouvons vous présenter ce collier en détail.
Il est composé de deux bois fabriqués en vergne ou en platane dont les formes divergent suivant la morphologie de l'animal.
Les deux montants sont liés, dans la partie supérieure, par la "crémaillère" fixée à l'aide de deux crochets, permettant ainsi d'assurer sa mobilité.
Les bois sont protégés du frottement des pelles du joug par 4 plaques métalliques.Un crochet réglable ferme la partie inférieure du collier.
Un corps en paille est fixé dans le collier de bois
Ce corps de collier a un corps de paille d'un même tenant seulement plié en partie haute. Il se différencie des colliers classiques, entre autres bayonnais, dont la paille est cousue au sommet.
Le sellier finit le rembourrage avec de la bourre (poil de bovin récupéré au tannage) pour le coussin de protection de la crémaillère et du crin recouvert de toile de lin pour le collier. L'ensemble est protégé par une peau de mouton teintée en bleu, d'une largeur de 20 cm environ, qui peut se rouler par temps de grande chaleur.
Sur certains colliers, on peut observer des tirants ou crochets permettant de fixer des traits. Les métayers attelaient, certes, au joug pour les gros travaux mais certains utilisaient les mules pour d'autres activités, entre autre avec des voitures à brancards. L'utisation du collier landais pour différents types d'attelages, et pas simplement au joug, devint ainsi un usage courant dans toutes les landes de gascogne.
Les colliers de la photo ci-dessus sont des colliers pour chevaux qui pouvaient également, bien que plus rarement, être attelés au joug.
Autres pièces du harnais.
Les mules étaient tenues en main grâce à un licol dont vous pouvez voir ici deux exemplaires.
Contrairement à ce que laissent voir certaines cartes postales, les licols de présentation ornés de clous n'étaient utilisés que dans des moments importants, comme des évènements festifs, mais surtout pour la présentation des mules aux commissions d'évaluation des "consorces". Les mules, seulement équipées du licol et sans mors, obéissaient généralement à la voix. Le muletier n'avait, en plus, pour aide que le bâton ou le fouet. Mais la loi obligeait l'utilisation d'un mors et de guides sur la voie publique ce qui fut source de nombreuses contraventions et conflits avec la maréchaussée.
Suivant les saisons, le harnachement des mules se complétait de différentes protections:
L'été, le "paillat" protégeait des piqûres d'insectes: Il pouvait être composé d'une simple toile de jute agrémentée de franges en rafia. Il était souvent d'une esthétique plus recherchée et était alors confectionné dans une toile de couleurs vives, à carreaux, couvrant le dos et la croupe qui était décorée elle-même de franges à ficelle portant quelquefois des pompons rouges. La tête était protégée par un genre de rideau la "mousquère".
Par temps de pluie, les mules étaient protégées par d'épaisses toiles imperméables, généralement de couleur verte.
L'hiver, de grosses couvertures rugueuses de laine beige; " les marègues" ** souvent à rayures marrons, les isolaient du froid.
** Ces couvertures sont introuvables aujourd'hui. Le plus approchant est le "drap muletier à carreau" que l'on peut encore trouver chez le bourrelier Fattore 16 rue de la poste à Gravesson 13690.
Le tissu de l'avant dernière photo est un coton "nommé siamoise" utilisé pour les couvertures d'été ou les toiles de renforçures des colliers légers pour tracter des jardinières
Certains muletiers de charrois ajoutaient des grelots attachés aux colliers.
Fonctionnement de l'attelage au joug landais:
Le joug est mis en place en deux temps. Sur un côté du joug, la "pelle" est passée dans la crémaillère et fixée au collier d'une des mules (en bouclant la lanière extérieure) puis l'autre côté est passé dans la crémaillère de la deuxième mule.Pour tenir compte de la morpohologie des mules, les lanières de cuir sont positionnées dans des mortaises plus ou moins écartées du timon. Mais ce réglage peut être plus complexe, et par exemple écarter une mule plus que l'autre, pour des animaux aux puissances différentes. (Le muletier équilibre ainsi les forces en utilisant l'effet bras de levier).
L'un des défauts de cet harnachement est l'absence de reculement ce qui rend plus compliqué les mouvements en arrière. Les mules reculent en s'écartant et en tournant la tête
Cette manœuvre est rendue possible par une certaine "rigidité" de leur encolure et la présence d'une "chaînette" qui part du milieu de la pelle inférieure et se fixe au tiers du timon. Sans elle la pelle inférieure irait taper dans les ganaches des mules.
L'art du muletier ne s'arrête pas à la conduite de son attelage. Un bon muletier se définit avant tout dans sa compétence à charger son bros. La charge doit, en effet, être parfaitement équilibrée pour ne pas trop porter sur l'encolure de mules ni les étrangler en se relevant.
Voici un exemple de chargement d'un bros; le chargement des planches.
Le bros reposant sur son arrière, le muletier dispose d'abord une rangée de planches de chaque côté du bros sans dépasser la limite avant du véhicule. C'est dans cet espace ainsi délimité, où l'arrière-main des mules ne peut être en contact avec le chargement, qu'il entrepose, en l'avançant jusqu'au dessus du timon, le reste du chargement.
Certains transports demandaient des compétences très particulières. Ainsi certains experts étaient capables de monter, seuls et sans grue, un chargement de long pins à usage de poteaux téléphoniques. Ils n'utilisaient que leur art du menage et un bros équipé d'un "pont" comme vous pouvez le voir sur ces photos.
Dressage:
Les nouvelles mules d'un propriétaire, "les doublonnes", provenaient souvent, comme nous l'avons vu précedemment, d'un échange ce qui nécessitait une certaine rapidité dans le dressage. En effet, le muletier n'avait pas les moyens d'arrêter trop longtemps son activité et pour les métayers èleveurs les mules devaient être vendues dressées correctement au bout d'un an s'il voulait en tirer un bon bénéfice. Ils pouvaient compter sur la solidarité de leurs collègues ou voisins, aussi bien pour le prêt de mule que d'aide dans le dressage des leurs.
Habituées, au départ, à marcher ensemble et à se familiariser avec le mors, elles étaient par la suite attelées à la herse pour leur apprendre la traction puis attelées au bros. Deux à trois mois étaient nécessaires pour les habituer à ce nouvel environnement et il était considéré qu'elles devaient être dressées complètement, donc répondre à la voix et au fouet, au bout de six mois. En effet, bien qu'obligatoire sur la voie publique, la conduite en guides était peu utilisée (ce qui est confirmé par les nombreux procés verbaux d'infraction de la gendarmerie).
Ce dressage rapide s'appuyait sur des techniques que l'on peut définir comme fermes. L'utilisation de la "mougasse", autrement dit le tord-nez, est fréquemment citée, aussi bien dans les écrits que dans les recueils de témoignages oraux.
Le dur labeur des mules:
Le travail demandé à ces mules, qu'elles travaillaient dans les bois, à la ferme, ou dans le charroi, était considérable, tant par l'effort fourni que par la longueur de cet effort.
D'aprés des tests, réalisés dans les années 1930 au moment de la généralisation des pneumatiques, une paire de grandes mules tirait 2940 kg dans le sable avec des bandages fer et jusqu'à 5900 kg avec des pneumatiques.
Sur une distance de 35 km sur route de bonne qualité entre Belin et Ychoux, une paire de grandes mules tirait une charge de 5000 kgs (deux charettes) avec bandage fer et 9500 kilos avec des pneumatiqes.
Sur une distance de 50 kms de Belin à Bordeaux, une paire de grandes mules tractait 3500 kgs avec des bandages fer et 8000 kgs avec des pneumatiques.
Les charges très lourdes, comme la sortie des billons des dunes, les machines à vapeur (8,5 à 9,5 tonnes) des scieries itinérantes, necéssitaient l'attelage de deux paires de mules.
Il faut tenir compte également de la longueur des journées de travail qui pouvaient atteindre jusqu'à 15 heures. Ainsi, en 1903, le "Sport Universel illustré" présente le travail des mules dans le canton de Villandraut.
"bien soignée, bien attelée, avec une charge équilibrée et variant de 2500kg en hiver à 3500 kg en été, une paire de mules peut marcher sans fatigue de 15 à 16 heures par jour. On cite le cas de nombreux muletiers de Villandraut, Saint Symphorien, Préchac, Liposthey, qui amènent, deux fois par semaine, à Bordeaux, distant de 60 Kilomètres, l'essence de thérébentine faite dans ces régions."
L'allure est le pas à une vitesse moyenne de 5 kms à l'heure.
Soins et alimentation:
Malgré la compétence de leurs meneurs, ce labeur intense en toutes saisons pouvait entraîner des blessures et maladies. "Tous les muletiers savaient voir et traiter les maladies les plus courantes de leurs bêtes et ne faisaient appel au vétérinaire qu'en dernier ressort" -Témoignage René Lapenu-
Ils savaient traiter les "hics; verrues courantes sur le nez et les flancs, les "seurons"; abcès de poitrail provoqués par un harnachement défectueux,...
Cette énorme charge de travail demandait une alimentation adaptée. Ainsi, on comptait pour une paire de mules une consommation de 50kg d'avoine et 50kg de son par semaine. Dans certaines régions, l'avoine était remplacée par le maïs. Certains parlent également de "potions magiques", intégrant du vin. Une paire consommait également 15 kg de foin par jour. Le menage à la voix et au fouet (réprimandé par la maréchaussée), permettait une technique d'alimentation en foin trés particulière. En effet, un sac rempli de foin, "le paillé", suspendu à l'avant du timon permettait aux mules de manger tout au long du chemin.
Durant ces longues périodes de travail, les muletiers sont attentifs à la santé de leurs animaux et particulièrement à l'alimentation en eau. Ainsi, les auberges, qui bordent les trajets muletiers, sont équipées d'abreuvoirs et d'un rond de sable où les mules peuvent se rouler.
Le dur travail des muletiers:
Les hommes, en général, étaient trés attachés à leurs mules dont ils partageaient les très difficiles conditions de travail. Il s'agit, pour s'en assurer, de lire le témoignage de Robert Etchart, recueilli par Madame Senneville de Sainte Marie. Celui-ci, né en 1922, a été le dernier muletier de Soustons. Il parle ici de son premier travail comme muletier avec les équipes d'une scierie mobile. Il passait la semaine en forêt à transporter des billons jusqu'à la route.
"Levé à la pointe du jour, ..., nous attaquions, avec entraîn, des journées de 15 à 17 heures avec seulement deux courtes pauses, le petit déjeuner et le repas de midi.
Le soir, nous étions si fatigués que nous ne pouvions nous traîner. A peine avions nous fini de manger que nous partions dormir. Et Dieu sait que nous en écrasions, même sur les mauvais lits des machinayres. Et, dès six heures du matin, la chemise était mouillée.
Oh, bien sûr, nous avons peiné mais nous avons bien ri aussi, nous formions des équipes trés soudées. C'était un travail sans répit du Lundi au Samedi soir et certains même allaient jusqu'à faire des petits transports pour des copains le Dimanche matin"
En général, un muletier de l'équipe se levait avant l'embauche pour nourrir les mules et dormait sur un couchage de fortune auprès des animaux, en attendant ses collègues.
Le travail de charroi des gemmes avait été déjà largement pris en charge par les camions, bien avant la seconde guerre mondiale. Supplanté par l'arrivée des tracteurs, le travail des mules dans les forêts s'arreta définitivement dans les années 1960. Cet arrêt s'accompagna de la disparition ou la mutation de pans entiers de l'artisanat local. Certains réussirent à perdurer en changeant de production comme l'entreprise de sellerie et fabrication de colliers landais où François Haquin était entré comme apprenti et où il a terminé sa carrière. Cette importante sellerie avait depuis longtemps organisé la production et chaque sellier avait une tache particulière; préparation des corps de collier, garnissage,... Pour survivre, la société se spécialisa dans la fabrication des sacoches de vélos et mobylettes pendant une dizaine d'années. Le plastique suppléant le cuir, la sellerie, qui s'appuyait sur les développements de l'équitation, s'orienta vers le commerce et la réparation de selles. La concurrence devenant trop forte, elle se réorienta vers la fabrication de stores et de bâches de camions.
Mais à cette époque, charrons, selliers, maréchaux ferrants et maquignons de mules avaient depuis longtemps totalement disparus du paysage landais. Il ne reste plus que quelques anciens qui, au coin du feu, racontent leurs souvenirs.
Texte
Patrick Magnaudeix
Figoli)
Photos
François Hauquin,collO Courthiade,Patrick Magnaudeix, cartes coll Magnaudeix, Courtoisie,
Documentation
Lagoeyte "De l’utilisation des mules dans les landes de Gascogne" Coll Olivier Courthiade.
JF Soulet "La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’ancien régime, 1974"
H Cavailles "annales de géographie 1933"
Lamoignon de courson "Mémoire sur la Généralité de Guyenne, 1713"
Patrice Poujade "Le commerce des mules entre la France et l'Espagne à l'époque moderne; L'exemple du val d'Aran et des Pyrénées centrales"
Anthony Pinto " le commerce des chevaux et des mules entre la France et les pays catalans au XIV° et XV° siècle" .
Cabanes de Cauna , "service des armées, 1822"
Senneville de Sainte Marie "Mules " Recueil de témoignages" conservé à la Bibliothèque municipale de Saint Paul les Dax.
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Je tiens à remercier tout particulièrement Olivier Courthiade et François Hauquin pour leur accueil et leur documentation.
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Je n'ai trouvé pour l'instant qu'un seul autre type de joug à cadre aux barres centrales obliques, utilisé avec un collier à attelles. Il s'agit de l'attelage à la "coulalive", utilisé dans l'Isère. Le collier a des attelles, des crochets de traits et, contrairement à l'attelage landais, il est complété par une dossière et un culeron. Ce document de travail du magazine n°9/10 d' Hippobulle édité par l'association hippotese vous en fait une description assez complète.