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Par figoli
A la fin du XIX° et au début du XX°, il n’était pas étonnant de voir des voitures, portant la marque Felix Potin, remporter des prix dans les concours hippiques; catégorie voitures de commerce.
Cette reconnaissance, qui mettait en valeur la qualité des voitures de livraison, rendait également hommage à un homme et à une entreprise familiale qui révolutionnèrent la distribution des produits alimentaires.
Au début du XIX° siècle, l’épicier est la cible privilégiée des caricaturistes. Il s’avère que les pratiques commerciales se rapprochaient souvent de la malhonnêteté; tromperie sur le poids ou sur la qualité des produits (ex : mélanger de la farine au sucre, de la chicorée au café,..). Il n’y a, de fait, aucun rapport de confiance entre le vendeur et l’acheteur. C’est ce rapport de confiance que Felix potin va s’attacher à construire.
Ce fils de cultivateur est né à Arpajon, en 1820. Il quitte sa ville de naissance, en 1836, pour travailler à Paris pendant huit ans comme commis épicier dans la maison Bonnerot qui jouissait d’une bonne réputation. Tout en restant en bon terme avec son ancien patron qui sera témoin à son mariage avec Joséphine Miannay en 1845, il ouvre sa première boutique au 28 de la rue Neuve Coquenard et obtient rapidement un grand succès grâce aux principes de vente qu’il applique: vente à bon poids, produits de qualité, prix affichés en magasin, marge bénéficiaire réduite. Pour vendre plus, il supprime la pratique courante et la vente à crédit sur de petites quantités et développe « la gache » ; c'est-à-dire la vente à prix coûtant sur certains produits en se rattrapant sur le prix de produits plus luxueux. Il reprend ainsi la pratique développée dans le domaine de la mode et de l’habillement par Aristide Boucicaud, créateur du bon marché.
La vente de produits de consommation courante à bas prix lui est facilitée par le développement ( et donc la baisse de coût) des moyens de transports; eau, chemin de fer..., et par une pratique d’approvisionnement courtcircuitant les grossistes en se fournissant directement au producteurs. Il peut ainsi appliquer le principe fondateur de la maison Potin : « Vente de qualité à bon poids et à bon prix »
En 1860, il ouvre un second magasin, rue Sebastopol, confiant la gestion de la première boutique à son beau-frère Miannay. Il se distingue, en 1870, en refusant la spéculation et en maintenant des prix bas dans ses magasins. Il met également de la nourriture à la disposition des cantines Nationales.
Paris, novembre 1870, par Jacques Guiaud (Musée Carnavalet). En premier plan, queue devant le magasin Felix Potin du Bl Sebastopol.
Sa renommée, sûrement confortée par son attitude en 1870, est plus ancienne et est surtout due à une idée des plus innovantes: la vente de produits de marque. En effet, en 1861, il créa, à la Villette, sa première usine de transformation de matières premières, composée d'une chocolaterie et d'une distillerie.
Ses successeurs; sa femme, ses trois fils et ses deux gendres, réunis en socèté en commandite, continueront cette démarche en créant une deuxième usine à Pantin comprenant des chais, une parfumerie, l'emballage du sucre,... En 1906, ces usines parisiennes emploieront plus de 1800 ouvriers. La maison Potin, sur certains secteurs, réunit les deux bouts de la chaîne en devenant elle-même producteur. La famille achète des terres agricoles, produisant des pruneaux, dans le Lot et Garonne, et du vin en Champagne, prés de Montpellier, en Tunisie, ...
A la mort de Felix Potin, en 1871, ses descendants vont accroître leur capacité de distribution en multipliant le nombre de magasins. Ils initient une sorte de franchise. Les concessionaires de ces magasins (souvent d'anciens commis mariés à d'anciennes caissières de la maison) possèdent le droit exclusif de vente des produits Potin mais doivent produire un chiffre d'affaire minimal. La maison Potin joue gagnant gagnant, n'ayant pas de frais de gestion et restant propriétaire du magasin en cas de faillite. Dès 1890, on compte 160 concessionaires qui seront des milliers en 1920. Elles sont réparties à Paris, en province, mais aussi dans « les colonies ».
Ce développement s'accompagne de l'élargissement des produits vendus, comme charcuterie fine, boucherie, plats préparés, produits de luxe,... allant même à organiser un service de traiteur pour les clients les plus riches. Cela sera rendu possible par une autre innovation du créateur, en 1870; la mise en place d'un service de livraison à domicile.
En 1899, l'entreprise dispose à Paris d'un parc de 85 voitures. Les véhicules s'approvisionnent dans de grands entrepôts et livrent dans 217 localités dispersées dans un rayon de 20 km autour de Paris.
Je n'ai trouvé que peu d'informations sur l'organisation de ce service de transport, de ses écuries, sa cavalerie,... Cependant, elle ne devait pas être trés différente de celle des autres grandes maisons de vente comme, par exemple, celle de la maison Dufayel que nous vous avions décrite dans l'article:Les écuries de la maison dufayel
Il nous reste, cependant, de nombreuses représentations du parc hippomobile. La maison Felix Potin se fournissait, comme de nombreux autres services de livraison, auprès d'entrepreneurs industriels comme "la Carrosserie industrielle".
Les modèles différaient suivant les types de transports effectués. On y retrouve, pour les livraisons des usines et entrepots, des camions et des grands fourgons.
Les autres services de livraison aux magasins ou particuliers étaient assurés par des modèles à quatre roues du même type (différant essentiellement par la taille et l'aménagement intérieur) que celui du dessin ci-dessus et qui ont peu évolué dans le temps.
Au début du XX° siècle, le support publicitaire que sont ces véhicules n'est plus simplement dédié à la maison mère mais aussi, sur un bandeau frontal, aux marques qu'elle produit.
Les livraisons, tout particulièrement auprès des particuliers, sont aussi assurées par deux types de voitures à deux roues:
Les tapissières: fourgons à deux roues dont les panneaux sont remplacés par des rideaux.
Les limousines: fourgons fermés à deux roues
Le parc hippomobile sera utilisé très tardivement jusque dans les années 1930 et coexistera avec le parc automobile.
Chaque entreprise ou grand magasin avait ainsi un service de livraison. Ceci donnait aux rues de Paris une apparence totalement différente de celle que nous avons souvent de la Belle Epoque. La voiture reine du pavé parisien n'était point la belle calèche allant au bois mais les solides véhicules de transport de marchandise et de public qui sillonnaient la capitale. En complément de cet article, nous vous présenterons, la semaine prochaine, un album photos des différentes voitures de livraison circulant à Paris.
Texte:
Patrick Magnaudeix
(Figoli)
Photos:
Collection Figoli et privées
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