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1900: un des derniers sursauts du coaching!
En 1900, année de l’Exposition universelle à Paris, les gazettes du sportman, comme La vie au grand air, Le sport universel illustré, mettent largement en avant les sports à la mode; tennis, yachting, cyclisme et, tout particulièrement, le nouveau sport à la mode; l’automobile.
Pourtant, une activité équestre fait de la résistance et semble revenir à la mode comme à ses plus beaux jours; le coaching.
L’impulsion générale donnée par l’ouverture de l’Exposition universelle n’y est sûrement pas étrangère. Ainsi, parmi les multiples initiatives sportives pour se rendre au salon; des échassiers faisant la route de leur Landes natales, l’ouvrier venant d’Autriche avec sa brouette, un autre groupe de musiciens venant de Vienne à pied, des rouleurs de barriques, les inévitables automobiles…, plusieurs projets de voyage inclurent des coaches. Une des initiatives les plus en vues et qu’accompagnèrent de nombreux coachmen tout au long de sa réalisation fut le voyage Londres-Paris en mail-coach. Il fut impulsé par l’américain Fowness et soutenu par quelques personnalités de la haute société londonienne. Ce voyage a été relaté dans les colonnes du Sport universel Illustré du 28 Avril 1900.
En Mail-coach de Londres à Paris
« Deux Mails prenaient part à l’expédition, l’un conduit par M Fowness lui-même, l’autre dirigé par une sportwoman distinguée, Miss Eastwick, qui s’est acquis dans le coaching international une réputation considérable. » Miss Eastwick, native de la nouvelle Orléans, était accompagnée de sa sœur et de MM Denison, Dana et Dickson.
« Les deux mails étaient en tout point semblables, carrosserie de couleur marron foncé ; le train des roues en rouge. Les chevaux étaient des hunters excellents, robustes, très dociles, très endurants. Alors que le mail de miss Eastwick était attelé de quatre chevaux bais, celui de M Fowness comptait trois bais et un gris pommelé.
Le départ de Londres s’effectua le 6 Avril de Piccadilly parmi un grand concours d’amis et de curieux qui firent aux voyageurs des ovations frénétiques lorsqu’au claquement des fouets et dans la musique perçante des trompes les attelages s’ébranlèrent dans leur majestueuse ordonnance et leur gracieux convoi de jolies femmes et leurs chargements pittoresque de bagages.
A Newhaven les mails furent chargés à bord d’un steamer pour effectuer la traversée de la manche. Ce fut le plus pénible moment du voyage. Le mauvais état de la mer, les tempêtes, nécessitèrent deux ou trois jours d’attente avant qu’il fut possible de tenter, sans danger pour les chevaux, la traversée du Détroit.
A Dieppe, les mails reprirent la route et après avoir roulé de concert, les deux mails se séparèrent : celui de M. Fowness prenait une étape d’avance.
Le jeudi 19 Avril, « The Rocket » faisait escale à Saint Germain au pavillon Henri IV. Le mail de miss Eastwick le suivait à un jour d’intervalle.
L’étape finale fut réglée, pour l’un comme pour l’autre, de façon à permettre une entrée dans Paris aux heures à sensation, au retour du bois, de 5 à 6 heures.
Le vendredi 20 Avril, The « Rocket » arrivait à Paris par le bois de Boulogne, descendait les Champs Elysées et, conformément à un itinéraire fixé d’avance, allait faire contrôler son apparition avenue de l’Opéra par nos confrères du New York Herald.
Le lendemain, samedi 21 Avril, le mail de miss Eastwick faisait à son tour son arrivée avenue de l’Opéra.
Des déclarations faites par M Fowness il résulte que le voyage s’est effectué – à part les conditions climatiques- dans d’excellentes conditions. Pas un seul accident ni incident en cours de route. Les chevaux, supportant l’effet avec un bel entrain, n’ont pas souffert un seul instant. Les étapes quotidiennes ont été en moyenne de 58 kilomètres.
Plus tard dans la saison, les visiteurs américains regagneront Londres de la même manière.
A l’initiative de la Société des guides, de nombreux coaches et voitures accompagnèrent les deux américains tout au long du parcours et particulièrement à partir de St Germain. Cet événement démarra une saison brillante où de très nombreuses excursions furent organisées en forêts de St Germain, de Sénart, à Chantilly, à St Cloud,…sans oublier les grands moments habituels:
- la journée des drags à Auteuil.
- Réception de la société de polo à Bagatelle
Invitée par le Club de polo, la Société des guides proposa à ses membres d'assister du haut de leur coach au match de Polo se déroulant à Bagatelle. Pour donner une image réaliste de ce type de rassemblement mondain, il faut souligner qu’un orchestre viennois accompagna le déroulement du match et, bien sûr, le goûter qui clôtura la manifestation.
Les coaches ayant accepté l’invitation étaient ceux du marquis de Villaviéja, J. Boussaud, duc de Noailles, duc de Brissac, baron de la Caze, J. Pastré, Nagelmakers, comte d’Alincourt, le Roux de Vilers, comte du Douët de Graville.
- Concours international hippique
Si le concours hippique fut globalement semblable aux concours précédents, les journaux ; « Le sport universel illustré» et « La vie au grand air » soulignèrent, par contre, l’exceptionnelle participation de meneurs au défilé des coaches.
« Le concours d’attelage a été remarquable. Trente et un coaches dont plusieurs venus de Belgique avaient répondu à l’appel du comité. La piste n’était pas assez grande pour les contenir tous. Le premier prix a été attribué à M Nagelmacker ,… » -La vie au grand air-
Voici, pour les passionnés de coaching, la liste des participants :
Le comte Geoffroy d’Andigné, comte J d’Arlincourt, A Chanu, Georges Chaudoir, comte du Douët de Graville, O. Galice, M de Guadalmina, Max Guillaume, J.Hennessy, baron de la Caze (avec 2 mails), Paul Lambert, comte de Lariboisière, H Jonh Mandi, Georges Nagelmakers, (avec 2 mails), baron de Neuflize, duc de Noailles, Orban, Prince Orlof, Georges Pauwels, de Poliakoff de Saint Léger, G Saint Paul de Sincay, L Thom, baron de Veauce, P Vernes, J de Warn, comte G de Zogheb, baron de Zuylen de Nyevelt.
Si le chroniqueur du Sport illustré lie perfidement la hauteur de la participation au montant particulièrement élevé des dotations, ceci ne semble pas suffisant pour expliquer cet exceptionnel engouement qui est à l’image de la mise à l’honneur des coaches, en cette année 1900.
Il faut cependant spécifier que cette envolée concerne les voitures de parade et de fêtes, de type « Drag », utilisées pour les courts trajets alors que pour les longs trajets, la pratique du road coaching concurencée par le sport automobile, tend à disparaître progressivement.
Les raisons de ce renouveau.
Les raisons de cet engouement pour le coaching en 1900 sont multiples et, en premier lieu, la persistance dans un certain monde d'intégrer les sports hippiques à la vie mondaine.
Persistance du fort lien entre vie mondaine et activités hippiques
Cette attitude de déjeuner, entre amis sur l'herbe, et de se montrer amuse le chroniqueur de la « Vie au grand air »:
Le mail coach* « est une diligence perfectionnée, améliorée, dont les grands coffres au lieu de bagages contiennent des tables, des paniers de champagne et les victuailles nécessaires pour improviser promptement les lunchs en forêt ou sur la pelouse des champs de course. La mode adoptée est de n’occuper que les places extérieures du mail ; siège, plate forme et banquettes, en laissant les hommes de l’attelage et les valets de pied se prélasser à l’intérieur. Seul reste sur la banquette le sonneur de tuba.
Il va donc de soi que la participation, juché sur un mail, à une quelconque manifestation liée à l’exposition universelle, soit très recherchée.
La dynamique donnée par l'exposition universelle
En dehors de l'impulsion donnée à toute activité lors d'une exposition universelle, le coaching benéficia surement de la surreprésentation de l'hippomobile au champ de Mars en 1900.
Deux caractéristiques de cette exposition ont pu induire la résistance de l'attelage sportif et du coaching face aux sports liés au cyclisme et à l'automobile:
-L'espace dédié au transport ayant été limité, la majorité des exposants de cycles et d'automobiles fut reléguée à l'extérieur de Paris,
-la restrospective d’un siècle de transports était adjointe aux stands et a pu inciter les passionnés d’attelage à mettre en avant un moyen de transport qui, on le voyait bien, allait devenir obsolète face à l’automobile.
Si effectivement un sentiment de nostalgie a pu pousser les passionnés de four in hand à se mobiliser, il faut noter qu'ils y furent incités par le secteur de la construction de voitures hippomobiles.
La mobilisation des constructeurs d'attelage de luxe.
En 1900, ce secteur représente un impact économique considérable: 20000 entreprises en France dont 3500 fournisseurs de voitures de luxe.
Les Coaches, en déambulant dans les lieux les plus fréquentés par les grandes fortunes, étaient un support publicitaire indéniable pour l’image des grands constructeurs et ceci, paradoxalement, même dans leur mutation vers l’automobile.
« Du reste, le mail semble devoir redevenir une voiture très à la mode ; certains industriels en ont même fait construire tout spécialement pour leur servir de réclame ambulante, et c’est certainement une bonne réclame ; car l’attention des promeneurs des boulevards et des champs Elysées est forcément attirée par ces grandes voitures attelées de quatre chevaux et dont la venue est annoncée par le valet de pied sonneur de tuba, un instrument qui est certes plus agréable que la trompe des automobiles. »-la vie au grand air-
Si effectivement l’année 1900 a montré un sursaut du coaching, sport qui, par la suite, va doucement péricliter, il faut souligner qu’elle montre, à contrario, un certain abandon des traditions, particulièrement dans le choix des chevaux dédiés à être attelé à un coach ce qui confirme la primauté donnée aux attelages de parade. Nous terminons donc cet article en citant Paul Megnin qui, dans « La vie au grand air », décrit, tout en la déplorant, cette évolution.
« Il semble qu’au point de vue de l’attelage la tradition se perde pour les mails : la faveur va aux steppeurs tandis qu’elle aurait du rester aux beaux routiers ayant du dos, de la hanche, de l’encolure, du corsage, et des actions étendues, mais plutôt basses ; parmi ceux qui respectent la tradition, nous avons remarqué les attelages du baron de la Caze de M Octave Gallice ? Max Guillaume…
Les autres attelages étaient des carrossiers aux gestes ronds et élevés plutôt que des routiers ; les chevaux de coach ne doivent pas être des chevaux de gala.
…Comme chevaux de coaches, aucuns ne sont comparables comme force, courage et travail au cheval hongre anglais de grande taille, plus doux, plus sociable que les juments flamandes (qui sont cependant excellentes, attelées en coach) également plus endurant au travail et pouvant servir plus longtemps. Les polonais sont bons aussi mais trop petits souvent et d’un caractère trop violent.
Nos coachmen cherchent depuis quelques années la diversité dans les couleurs ; certains prétendent que rien n’égale « le damier » : encore une tradition qui se perd. Les chevaux de coach devaient autrefois être de même couleur ; il fallait même que leurs marques fussent semblables. Ainsi par exemple, si l’un avait la face blanche, des balzanes antérieures ou postérieures, ou de couleur pie il fallait que les autres eussent les mêmes marques. Aujourd’hui, on ne cherche plus à réunir que trois conditions ; mêmes allures, même caractère, même force ; il est vrai que, sans elles, on n’aurait que des attelages désunis et qui se fatigueraient très vite.
Voici, d’après l’auteur du « Livre du cheval » qui fait autorité de l’autre côté du détroit (Angleterre), quel doit être le vrai type du cheval de coach :
« Tête bien proportionnée; confort ; poitrine pleine ouverte et ronde ; membres plats, court-jointés, secs et biens garnis de poils ; côtes arrondies, dos fort, croupe bien ronde, forte charpente, grande stature. »
Un débat qui semble resté ouvert jusqu'à nos jours.
Texte:
Patrick Magnaudeix
(Figoli)
* A noter, pour certains journalistes de l’époque, que le terme Mail désigne la voiture et le terme Drag l’ensemble de l’équipage : « On emploie quelquefois le mot « drag » pour désigner un « mail » mais, cette appellation manque d’exactitude ; le mail est la voiture seulement tandis que drag signifie l’ensemble de l’équipage »
Documentation:
Collection Figoli
Exposition centenale des moyens de transport.
Sport Universel illustré avril, Juin 1900
La vie au grand air Juin 1900
Rapport du Jury internationnal exposition universelle 1900.