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Accueil de la reine Victoria, en voiture de grand apparat, au château d'Eu par Louis Philippe (tableau de Lami)
Le destin des voitures
de Louis Philippe
On ne peut parler de ce que sont devenues les voitures de Louis Philippe sans parler de la façon rocambolesque dont en 1830 le peuple lui ramena à Paris une partie des voitures de la cour de son prédécesseur Charles X.
Quand le peuple roula carrosse
Nous n’allons pas retracer l’histoire des trois glorieuses et traiter de la façon dont Philippe d’Orléans prit le pouvoir au détriment de Charles X et de son fils, le Dauphin. Nous allons seulement relater la fin de cet étonnant changement de monarchie. Le Duc d’Orléans avait, en tant que lieutenant général, envoyé des émissaires à Charles X, alors retranché à Rambouillet avec 12000 soldats, pour l’enjoindre de quitter la France. Devant son refus de recevoir les émissaires en pleine nuit, ceux-ci revinrent à Paris rendre compte au futur Louis Philippe qui réagit immédiatement:
« Qu’il parte, s’écria-t-il avec véhémence, il faut absolument qu’il parte : il faut l’effrayer !».
Il fut alors décidé de rameuter une expédition sur Rambouillet. Cette intervention, en complément de la pression mise sur Charles X, avait aussi l’avantage de faire quitter Paris aux républicains les plus engagés.
Une foule cosmopolite accompagna les soldats. Tout ce qui roulait ; fiacres, omnibus fut réquisitionné pour transporter cette improbable expédition.
Charles X en fut effrayé et décida de s’enfuir sous la protection des émissaires de Louis Philippe qui obtinrent, de plus, qu’il démobilisa ses troupes.
Instruit de la situation, le général Pajol, responsable de l’expédition, décida de retourner sur Paris mais la foule hétéroclite, qui s’était étoffée en chemin entrainée par les républicains, envahit Rambouillet. Pour éviter tout désordre, il fut décidé de rapatrier sur Paris les plus turbulents dans les carrosses abandonnés par Charles X. Cette multitude bruyante et bigarrée, entassée dans des carrosses aux armes royales, menés à huit chevaux « avec des guides de soie » par les cochers de la cour, fit une entrée triomphale dans la capitale. C’est donc tout le service des écuries de Charles X qui arriva ainsi dans la cour du Palais royal, où se trouvait le duc d’Orléans, en criant sous ses fenêtres :
« Tenez voilà vos voitures »
De fait, quelques mois plus tard, en 1831, lors de la vente du patrimoine de Charles X, ne voulant pas laisser dégrader ou détruire ces rares produits de l’industrie carrossière auxquels se rattachaient des souvenirs historiques, Louis Philippe fit l’acquisition de 12 voitures de cérémonie auxquelles s’ajoutait la calèche de l’Impératrice Marie Louise. Hormis deux voitures qu’il faisait atteler, bien que très rarement pour des relations diplomatiques, aucune de ces voitures ne fut utilisée pendant son règne. Contrairement à leurs futurs conservateurs, il en prit grand soin faisant, par exemple, 9858 fr de travaux sur la voiture du sacre de Charles X achetée 90000 fr et, surtout, en les conservant dans les meilleures conditions.
« Toutes ces voitures étaient garnies de fourreaux de flanelle. On les chauffait pendant les temps humides de l’hiver, et un serviteur était uniquement occupé à leur conservation. »
Présentation du carrosse de Charles X avec ses harnais lors de l'exposition "Roulez carrosses" à Arras
Si la révolution de 1830 lui permit de prendre le pouvoir en sauvant une partie du parc hippomobile de son prédécesseur, celle de 1848 le poussa également à l’exode en abandonnant, par contre, l’ensemble des voitures de sa maison.
Leur sort fut divers et varié, allant de la destruction à leur conservation au Trianon sans oublier celles qui devinrent voitures de laiterie ou pompes à incendie.
Les voitures détruites durant la révolution.
Malgré l’abdication de Louis Philippe au profit de son petit fils Philippe II et l’ordre donné à la troupe de ne pas intervenir, des heurts violents s’engagèrent entre la foule et certains éléments de l’armée.
Ainsi un groupe d'une cinquantaine de soldats était assiégé dans le corps de garde du château d'eau prés de la place royale
Non loin de là, dans les écuries du roi, sur ordre du comte de Chabanne, écuyer et aide de camp du roi, on attelait les chevaux dans l’attente d’une décision de Louis Philippe de partir vers St Cloud, Versailles,… pour y attendre le rétablissement de la tranquillité dans les rues de Paris.
Un convoi de 12 voitures avec tout leur personnel ; cochers, postillons, garçons de suite ou d’attelage, était prêt à partir:
3 berlines attelées à huit chevaux pour la famille royale ; la Saverne, la Moselle et la Tamise.
4 berlines attelées à six chevaux pour les aides de camp et les dames d’honneur ; la Seine Inférieure, l’Italienne, et la Commode première.
4 berlines de ville attelées à deux chevaux en sécurité ; la Favorite, la Française, la Ceres et la Minerve
Exemple d'un convoi royal. Louis Philippe faisant voir les grandes eaux de Versailles à la princesse de Kent en 1844 (Château de Versailles)
Vers 12h30, le convoi s’ébranla pour aller querir le roi et sa suite aux Tuileries. A peine sorties, les deux premières voitures furent attaquées et les portes des écuries furent immédiatement refermées. Un piqueur et quatre chevaux périrent dans l’attaque. La foule força alors les portes et s’engouffra dans les écuries pillant et dégradant les voitures. Un certain nombre de ces voitures ( 18 selon certaine sources) furent amenées contre le mur du corps de garde ou elles alimentèrent l’incendie qui fit périr la totalité des cinquante soldats qui s’y étaient enfermés. Les assaillants essayèrent, également, de brûler le carrosse du roi ; la Saverne. Mais comme l’Italienne et la Seine, les parois du carrosse royal était renforcées et, hormis la garniture intérieure, le carrosse ne brûla pas. Par dépit, il fut jeté dans la Seine avec deux autres voitures. Quelques mois plus tard, le liquidateur de la liste civile les fit repêcher pour les vendre à des ferrailleurs.
Mis à part le piqueur assassiné, le reste du personnel des écuries ne fut pas molesté et prit le lendemain le service des officiels de la nouvelle République qui venait d’être proclamée. Louis Philippe, sans ses équipages, dut, pour fuir, emprunter différents moyens de transport.
Les voitures de la fuite de Louis Philippe.
C’est habillée en bourgeois que la famille royale fut amenée en voitures de ville par le général Dumas à Saint Cloud d'abord, puis (dans deux berlines prises à Versailles) à Dreux, où ils arrivèrent dans la soirée du 24 février.
Représentations d'époque de la fuite de Louis Philippe et de sa famille dans des voitures de service
Par sécurité, ils séparèrent les deux berlines. Celle de la princesse de Saxe Cobourg se dirigea vers Boulogne alors que la famille royale prit la route d’Honfleur pour prendre le bateau vers l’Angleterre. Arrivé à Evreux, Louis Philippe monta dans un cabriolet mené par un fermier monarchiste alors que le valet de ferme du fermier conduisait la berline transportant le reste de la famille royale.
A Paris, le gouvernement provisoire de la deuxième République s’installa et une partie de ses nouveaux dirigeants utilisait, dès le 25 février, à titre privé ou officiel, les équipages royaux.
Quand la République s’installe dans les voitures du roi.
C’est avec un soin méticuleux que Louis Tirel, l’ancien contrôleur des équipages royaux, nous indique, de façon sarcastique, l’affectation de chaque voiture et même de chaque cheval. Il nous raconte de nombreuses anecdotes comme celle :
-de l’ancienne blanchisseuse devenue femme de ministre, qui réquisitionna un coupé pour faire ses courses.
- du ministre de l’intérieur Ledru- Rollin, qui s’était créé une véritable maison princière monopolisant 6 voitures et 26 chevaux.
-du fils du ministre de la justice, qui faisait de nombreuses promenades dans le phaéton du roi ou sur les chevaux des princes.
…
Les seuls nouveaux détenteurs du pouvoir à ne pas se servir dans les écuries royales furent Dupont, Vaulabelle ministre de l’éducation et Lamartine.
Vous pourrez trouver en annexe, l’ensemble des anecdotes que raconte Tirel sur l’utilisation, pour lui odieuse, des quarante et une voitures réquisitionnées par le nouveau pouvoir. D'aprés lui, ces utilisations auraient fortement dégradé l'état des véhicules donc, leur valeur marchande.
Il s’agissait d’un landau de ville, d’une berline, de 17 coupés, 10 calèches, 7 briskas, 2 coureurs, 1 wursh et un char à bancs.
En voici la liste détaillée
Nous allons terminer en parlant de ce qu'est devenu, par la suite, l’ensemble de ces voitures, dont les voitures de Charles Dix, achetées par Louis Philippe.
L’entrée des voitures historiques au Trianon.
Comme nous l’avons vu précédemment, Louis Philippe avait acheté une partie des voitures de Charles Dix à savoir :
Le Sacre, la Couronne, le Baptème, la Victoire, la Brillante, la Topaze, la Turquoise, la Cornaline, l’Amethiste, la Perle, la calèche de Marie Louise.
La Modeste et l’Opale, également achetées en 1831, ne faisaient plus partie de cet ensemble puisque l’Opale avait été donnée au Bey de Tunis et la Modeste affectée, en 1832, au service du prince pour qu’il monte sa maison.
Sur proposition de Mortimer Pernaux, rapporteur d’une commission parlementaire, il fut décidé de conserver ces voitures historiques au Trianon (ce qui fut fait en 1851).
Vous aurez plus d’indications sur la présentation d'origine de ces voitures en lisant l’article:
Collection des voitures du musée de Versailles en 1851
En effet Napoléon III fit faire de nombreux travaux sur ces voitures, entre autres en les décorant aux couleurs impériales. C'est sous cette apparence modifiée qu'elles nous sont parvenues.
Par la suite, elles furent rapatriées dans les écuries du château de Versailles dans des conditions de conservation rudimentaires, très éloignées du soin qu’y avait apporté Louis Philippe.
Heureusement, après des décennies de tergiversation, ces voitures seront de nouveau accessibles au public dans les locaux réaménagés des grandes écuries à partir du 10 mai 2016.
Je n’ai pas trouvé d’inventaire des voitures intégrées dans les écuries de la République puis, de Napoléon III. Le reste des voitures, chevaux et harnais fut mis à la vente le 21 juillet 1848.
Vente aux enchères des derniers équipages.
Cette vente aux enchères des voitures de Louis Philippe ne rapporta pas les résultats financiers attendus. En effet, les acheteurs anglais, férus de voitures historiques, étaient totalement absents. Une seule voiture achetée par un prince russe retrouva les fastes d’une cour royale.
Pourtant, une grande partie des voitures avait une histoire forte comme
-le tandem qui avait conduit Louis Phippe de Neuilly à Paris pour recevoir, des mains de M Dupin, la couronne de Roi
-le landau qui le mena à Saint Cloud, puis à Versailles le 24 février 1848.
-la calèche qui conduisit Thiers, nommé président du conseil, aux Tuileries
….
Les acheteurs français n’y virent qu’un intérêt usuel ;
-la récupération de l’or des voitures de cérémonie pour les ferrailleurs.
-la modification des voitures en véhicules de service pour la majorité des acheteurs français. L’auteur de l’article du « Charivari », dépité, remarque :
« Si on eut laissé les voitures du sacre à un Français il en eut fait des Omnibus. »
Voici quelques exemples des utilisations qui furent affectées à ces voitures;
-Trois breaks d’écurie neufs, n’ayant jamais servi, ont été achetés 200 frs pièce, moins cher que le seul prix des roues. Ils devinrent :
-une cabane ambulante pour le berger d’un fermier du Berry.
-une voiture de lutte contre l’incendie de la ville de Brie Comte Robert
-une voiture de transport pour une laiterie parisienne
-Deux coupés furent achetés par une compagnie de transport et furent utilisées comme fiacres.
…
Ainsi se termina piteusement la vie de véhicules qui avaient connu les fastes de la royauté. Elles furent remplacées par d’autres, souvent construites par Ehrler, qui comblèrent les attentes du nouveau régime : l’empire. (voir la fin de l'article: "voitures Ehrler à l'exposition universelle de 1867")
Les chevaux, quant à eux, attisèrent la convoitise des acheteurs et, en moyenne, furent vendus à mille francs pièce.
Texte:
Patrick Magnaudeix
(Figoli)
Documentation:
La République dans les carrosses du roi par Louis Tirel, ancien contrôleur des équipages de Louis Philippe),1850
Louis Philippe vie anecdotique par le Marquis de Flers,1891
Article du journal Charivari du 22 Juillet 1848
Annexes:
1)Tableaux représentant Louis Philippe en voiture
2)Extrait de "La République dans les carrosses du Roi"
Tableaux représentant Louis Philippe en voiture
Extrait de "La République dans les carrosses du Roi"