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Par figoli
De la "contrefaçon" en voiture hippomobile. Leinika de type russe (Voiture de parc), musée de Lancut, construite par Schustala mais dotée de bouchons signés Binder Paris.
Nous avions intégré dans un album sur Binder Frères des voitures venant du musée de Lancut. Bien que cette filiation apparaisse sur différentes publications, d’aucuns d’entre nous s’étonnaient de leur style, très caractéristique des pays de l’Est, mais il aurait pu s’agir d’une commande spécifique. Or, des études récentes ont avéré que, si les bouchons de roue étaient bien signés « Binder Paris », la société Binder Frères n’était en rien le constructeur de ces véhicules .
Voiture de parc construite par Schustala mais dotée de bouchons de roue signés Binder Paris
L’étude approfondie de ces voitures a montré que les essieux étaient signés du carrossier Schustala (voir l'article Répertoire des carrossiers: catalogues, albums,... et les albums 1-schustala et 1-schustala-utilitaires ). Pour une voiture, une facture du manufacturier a également été trouvée dans les archives du musée. D’autre part, un examen des catalogues de cette manufacture a permis de trouver des modèles totalement identiques.
Photo du même vévicule que la voiture présentée en titre, extraite d'un catalogue Schustala de 1878
Pour cette voiture de montagne montrée orécedamment sous un autre angle la preuve de son origine est apportée par un article du journal de la carrosserie Française
Pour cette voiture de montagne montrée précedamment sous un autre angle, la preuve de son origine est apportée par un article du journal de la carrosserie Française de 1891
Cette « contrefaçon » semble être très ancienne et pose de nouveau le problème de l’identification des créateurs de nos voitures. Cette question n’est pas nouvelle et a provoqué des plaintes en justice au minimum dés le début du XIX°. Un numéro spécial du journal « La carrosserie Française », du 15/01/1892, traita même de ce sujet sous le titre « MARQUE DE FABRIQUE de la propriété des noms ». Cet article s’appuie sur les informations de ce numéro, signé L Lagard.
L’origine de ces manipulations peut être attribuée à:
-Des propriétaires de voitures voulant revaloriser l’image de leurs équipages, ce qui semble être le cas pour les voitures de Lancut. Il faut noter que la famille Potocki propriétaire de Lancut avait de fortes attaches parisiennes et était surement cliente de Binder pour ses équipages parisiens.
Vis à vis construit par Schustala et dotée de bouchons signés Binder
-Des constructeurs eux-mêmes. Là, la situation est plus complexe.
En effet, la pratique d’acheter une voiture en blanc (sans peinture et décoration) et de la vendre sous son nom était commune et légale. Des peintres en voitures ou selliers se nommaient ainsi officiellement carrossiers.
J’ai, par exemple, dans ma collection un tonneau signé A Parcyns 15 rue du marché aux porcs Bruxelles « constructeur de voiture de luxe » (plaque et bouchons) et qui, en fait, est une voiture en blanc d’un carrossier parisien. Mr Parcyns n’a donc fait que les finitions.
Tonneau signé Pyrcins (collection Figoli)
Par contre, falsifier l’origine des voitures était condamnable de par la loi du 28 juillet 1824.
« Quiconque aura soit apposé, soit fait paraître par addition, retranchement, ou par une altération quelconque, sur les objets fabriqués, le nom d’un fabriquant autre que celui qui en est l’auteur, ou la raison commerciale d’une fabrique autre que celle où lesdits objets auront été fabriqués, ou enfin le nom d’un lieu autre que celui de fabrication, sera puni des peines portées en l’article 423 du code pénal….Tout marchand, commissionnaire ou débitant quelconque sera passible des effets de la poursuite, lorsqu’il aura sciemment exposé mis en vente, ou mis en circulation les objets marqués de nom supposés ou altérés".
Cette interdiction absolue de toucher à une marque de fabrique semble claire, du moins en France. Pour notre exemple, il semble que d’autres pays avaient une justice plus accommodante, ou que « les princes » échappaient aux règles du commun des mortels.
Maintenant, l’application de cette loi n’a pas été si évidente que cela puisque des jugements ont donné des interprétations différentes liées à la référence de l’application de l’article 423 du code pénal qui parle, lui, de tromperie sur les matières utilisées, ou sur de fausses mesures. Nous n’entrerons pas dans les détails de ce texte mais voilà le type de jugement qu’il pouvait engendrer :
Exemple d'un Jugement rendu par le tribunal de la Seine qui dit :
« Qu’un carrossier, qui achète une vieille voiture et qui la transforme, a parfaitement le droit d’y appliquer son nom ; que la voiture ainsi transformée est devenue commercialement parlant un objet tout différent de celui qui avait été fabriqué primitivement »
La relativité de la notion de « transformation » fut au cœur de différents conflits. Quelle était donc l’importance des travaux nécessaires pour changer la marque d’une voiture ? Le tribunal de commerce de Lyon, dans son audience du 26 Novembre 1886, a condamné un carrossier de cette ville à 5000 francs de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, car il avait « remplacé sur une voiture, qu’on lui avait donnée à réparer, le nom d’un carrossier de premier ordre de sa ville par le sien »
Devant cette situation, la branche professionnelle, sous la plume de Mr Lagard dans la carrosserie Française, proposait la règle suivante. Pas de changement de nom pour des modifications d’entretien ou de mise au goût du client. Le nom du réparateur ne pouvait être apposé que s’il y avait changement total de la caisse.
Donc, cela veut dire pour nous qu’une voiture, ayant un train marqué d’une grande signature, peut en fait, de façon tout a fait légale pour l’époque, être de moindre qualité sinon tout simplement du charron du village, et vice versa.
De plus cette proposition est tardive, et il y a fort à parier que, tout au long du 19°, la pratique de modifier aprés "transformation", les signatures sur les garnitures intérieures et bouchons fut largement pratiquée. Même aprés, les praticiens, par ignorance ou malhonnêteté n'appliquaient surement pas cette législation à la lettre . Un marché de l’occasion florissant tout au long du 19° ne pouvait qu’alimenter les dérapages sinon des escroqueries.
L’âge de nos voitures induit un nombre important d’interventions et donc augmente le risque de falsifications. Hé oui certain vous vendrons de modestes voitures de piètre élégance mais dotés de bouchons aux signatures célèbres. Certains utilisent des bouchons d'origine mais le plus souvent ce sont des bouchons simplement gravés.
A nous donc, comme le suggère de grands restaurateurs ; hollandais, allemands,… d’être très prudents sur la nomination des constructeurs. Seul le démontage de la voiture, la recherche des marques (ex: sous le siège, les ferrures,…), la comparaison avec les dessins et indications des catalogues, les éléments d'histoire de la voiture,... peuvent nous permettre d’éviter les erreurs.
Texte Figoli
Documentation : Mr R. Senseby, HBP,Figoli .
Wagonette découvrable construite pa Schustala et dotée de bouchons signés Binder
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