Elle s’appelait Philippe !
Un rien désobligeant quand même pour une fille…
Sans doute un père déçu de ne pas avoir eu un garçon.
Elle fit mieux qu’un garçon.
Mais avant tout choisit de changer de prénom.
Aristocrate, éprise de belles lettres, elle lisait, et c’est dans
« L’Astrée » d’Honoré d’Urfé, qu’elle découvrit le prénom sous lequel on la
connaît : Phylis.
Très chic, Phylis… prénom, n’en doutons pas, qui devait faire florès à la cour de Louis, quatorzième du nom.
Mais Phylis ne quitta pas son Dauphiné natal et il se dit qu’elle le sauva en 1692 de la vindicte d’un prince de Savoie, à cheval et l’épée à la main, à… presque cinquante ans !
En ce temps, là, un âge à être sous huit pieds de terre depuis longtemps.
À Grenoble, un bronze commémore l’exploit.
De toutes les statues équestres, c’est l’une de plus belles qui soit.
On la sent pâle et volontaire.
Elle est magnifique sous son tricorne, cheveux défaits.
Tellement juste, son attitude, tournée vers ceux qu’elle appelle à la suivre, l’épée à bout de bras et le cheval tenu dans la main gauche, qui n’attend que l’ouverture de ses doigts.
Elle est à califourchon, ce qui prouve que lorsque les choses étaient sérieuses, les
femmes quittaient les fourches, si inconfortables, mais il est vrai, si gracieuses, surtout quand elles avaient la chance d’avoir le
pied bien fait…
Elle est en robe.
En ce temps là, on allait à la guerre en tenue d’apparat.
À ses souliers, au frontal, à la queue du cheval, des noeuds de soie.
On l’aurait préférée dans une selle à piquer, mais… bon.
Erreur de script… la statue n’a que cent ans.
Qu’on se rassure, Phylis revint intacte du combat.
C’était la guerre en dentelles.
Ça n’empêchait pas de passer de vie à trépas, mais ça vous avait du panache, la preuve, on est là, à ses pieds, transis, fous d’elle, et quémandant un regard que l’on n’obtiendra pas.
Julie Wasselin