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A la rencontre des « pailleux » 2°: les attelages

A la rencontre des « pailleux »

 

2ème partie : les attelages

 

 

Nous vous proposions, dans un précédent billet, (A la rencontre des pailleux ; 1°un peu d'histoire) de partir à la découverte des « pailleux », ces charretiers qui acheminaient les fourrages des grandes fermes du pourtour parisien vers les écuries de la Capitale. Dans le sillage de cette première présentation, résolument historique, nous vous invitons maintenant à découvrir leurs attelages

 

Rappelons d’abord quelques éléments de chronologie. Si le commerce des fourrages est très anciennement attesté à Paris, son développement correspond surtout à la vertigineuse augmentation des besoins, engendrée par une cavalerie aristocratique, administrative et commerciale toujours plus nombreuse, largement due à l’adoption de l’attelage comme moyen de transport et comme mode de paraitre à la fin du XVIIème siècle. Ces besoins, qui ne cessent d’augmenter durant tout le XIXème siècle, commencent à décroitre à la Belle Epoque avec la motorisation croissante des transports. En 1950, les camions investissent le métier, les approvisionnements des rares écuries urbaines encore existantes et surtout des abattoirs ne résonnent désormais plus du martèlement des sabots.

 

Il va sans dire qu’en un peu plus de 2 siècles, pour s’adapter à des flux sans cesse croissants, les matériels utilisés vont connaitre de notables évolutions.

 

Du chariot à la guimbarde

 

Aucun véhicule agricole antérieur au début du XXème siècle n’a, semble t’il, survécu. Le recours aux documents d’archives semble donc l’unique moyen de constater cette adaptation des véhicules à la nouvelle dynamique commerciale. Les archives notariales surtout (inventaires, baux, contrats), livrent de précieuses descriptions dont l’iconographie (peintures, gravures, dessins) ne témoignent souvent pas aussi précisément.

 

Jusqu’en 1650, aux environs de Paris, les seuls véhicules lourds présents dans les exploitations sont des chariots à limonière dont l’attelage normal est composé de 2 chevaux. Sur les deux  trains, solidaires, vient se fixer un « brancart », sorte de châssis amovible avec ou sans ridelles. Les textes distinguent ainsi « brancart d’aoûst », comportant des « allonges » (cornes) et le « brancart d’hiver », pourvu d’une « lieure », une tresse de paille et de corde. Si l’avant-train de ces chariots semble tournant dans la majorité des cas, cette précision apportée par la plupart des descriptions laisse présumer que cela n’était pas le cas dans un passé récent, ni même que ce fut encore une généralité en ce milieu de siècle. Les plus grands de ces chariots atteignent la respectable longueur 18 pieds (5,85m).

 

Au milieu du XVIIème siècle, les chariots disparaissent rapidement des inventaires au profit des charrettes. Comme précédemment, les charrettes portent des caisses différentes en fonction des chargements : le « chartil ». Il en existe 2 tailles : le chartil courant de 8 à 9 pieds de charge (2,60m à un peu moins de 3m. de long) et le grand chartil de 12 à 15 pieds de charge (entre 4 m. et 5m. de long). A cette époque, la « charrette à herse » ou « charrette à échelles » commencent à apparaître, préfigurant celle que nous connaissons.

 

Dans les années 1680-1690, les grandes charrettes prennent le nom de « guimbardes ». Si l’on se réfère à la police du roulage, prolixe au XVIIIème siècle, il ne fait aucun doute que le commerce des fourrages à destination de Paris repose largement sur ces voitures qui paradoxalement, au titre des véhicules agricoles, échappent aux dispositions règlementaires les plus contraignantes. Dans le même temps, la consécration des « deux roues », agrandies et alourdies, s’est accompagné d’un renforcement du train : la mention d’essieux en fer est de plus en plus fréquente dans les inventaires.

 

Au début du XIXème siècle sur les bonnes chaussées qui conduisent à Paris, ces guimbardes semblent encore le meilleur moyen de transporter lourd et vite, au détriment cependant des axes secondaires, chemins de pierre ou de terre, qui souffrent des passages répétés de ces lourdes charrettes (les roues et les attelages en file creusent de profondes ornières) ; des chariots, à la charge répartie sur les deux essieux, les auraient sensiblement plus épargnées.

Comme pour la plupart des autres véhicules agricoles, ceux de roulage et bon nombre de voitures commerciales, le dernier quart du XIXème siècle est la période de toutes les améliorations, de tous les développements, de toutes les spécialisations, de toutes les consécrations. Sans doute à cause des rythmes, des volumes imposés par un commerce plus que rentable, grâce aussi à l’avènement des races améliorées de chevaux de gros trait, de nouveaux types sont adoptés. Parfaitement aboutis, ils resteront en usage jusqu’à la disparition de l’activité pailleuse (dans sa phase hippomobile).

 

Le temps de la démesure

Les impressionnantes voitures des pailleux ont constitué un sujet de choix pour les photographes. Transposées pour beaucoup d’entre eux en cartes postales, les clichés des années 1905-1914 nous apportent de précieux renseignements. Un corpus personnel constitué de 47 images (11 photographies et 36 cartes postales, sur 31 communes des départements de la Seine-et-Oise, de la Seine-et-Marne et Paris) montrant 57 voitures de pailleux avérées (23 voitures dételées, 34 attelages) permet de dégager quelques observations.

 

Des années 1900 à 1950, les attelages de pailleux sont de 3 types, géographiquement bien marqués.

Au nord de Paris, on utilise majoritairement des chariots à timon. Quatre chevaux y sont généralement attelés et conduits depuis un siège avec des guides italiennes. De l’est au sud-est de la capitale, les chariots à limonière (brancards) deviennent la règle ; les plus grands sont attelés de 4 ou 5 chevaux en file, menés à pied, au cordeau. Du sud à l’ouest, les grandes gerbières à deux roues prennent le relais. Généralement attelées de trois chevaux, exceptionnellement 4, elles sont également conduites à pied et au cordeau.

S’il semble difficile de mettre en relation la taille de ces imposantes voitures et la distance qui sépare les exploitations du centre de Paris, il est en revanche tout à fait possible de lier cette  taille des véhicules à l’effectif de l’attelage. Il ne fait également aucun doute que les trajets les plus longs (jusqu’à deux jours au XVIIIème siècle, 8 à 10 heures pour un aller-retour au XXème siècle) requéraient un attelage renforcé.

 

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

Ce grand chariot à timon est muni d’un siège, le charretier conduit son attelage avec des guides dites « italiennes » (bifurquées) rares en agriculture à cette époque. On aperçoit également, sous la caisse, une civière suspendue destinée aux cordages, divers petits matériels, les rations des chevaux et le casse-croute du pailleux.

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

 Sur cette photo on voit particulièrement bien le siège qui permet, au premier coup d’œil, de distinguer un chariot de pailleux d’un autre grand chariot agricole utilisé pour les transports entre les champs et l’exploitation. La livraison est exceptionnellement suspendue le temps de la moisson, période cruciale pendant laquelle la capacité de chargement du chariot de pailleux est appréciable. Le reste de l’année, ce type de grosse voiture n’est jamais utilisé hors route.

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

Le pailleux fait une halte sur le chemin du retour. On remarque le maître palonnier unique (ou balance), sur lequel les traits des chevaux de volée (devant) sont crochetés. C’est un dispositif spécial « aux chariots qui faisaient la route » (on retrouvait anciennement  cet agencement dans les attelages de Poste).

 

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

Chariot à limonière de l’est et du sud-est parisien. Les brancards étant fixes, on peut alléger le harnais du limonier de sa pesante sellette. A vide, un solide cheval de cour peut à lui seul déplacer le chariot  mais, chargé de 800 bottes de 5 kg, il faut 4 chevaux pour l’emmener, voire un cinquième si le trajet comporte quelques montées.

 

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

Sans doute photographié en fin d’après-midi, ce chariot savamment chargé et bâché pour préserver son sommet de l’humidité nocturne, partira avant l’aube approvisionner un grenier parisien.

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

-Stationnés le temps d’une pause, un superbe attelage de 5 chevaux noirs.

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

Une grande gerbière est venue en renfort pour la moisson. Les attelages de pailleux ne travaillaient jamais dans les champs, les gerbières et  les chariots pailleux sont des véhicules essentiellement routiers même s’ils présentent de nombreuses similitudes avec les autres voitures de l’exploitation. Leur grande taille et leur poids considérable leur rend difficile l’accès aux terres cultivées. 

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

 Il est parfois difficile de discerner une gerbière de pailleux d’une gerbière de grande taille comme il en existe beaucoup dans la plupart des énormes exploitations de Brie ou de Seine-et-Oise…

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

Prête pour le départ…

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

 Détail des harnais d’un attelage lourd  à 4 chevaux menés en guides. On remarquera notamment la liaison avaloire-reculements-chainettes, la balance unique pour les chevaux de volée.

A la rencontre des « pailleux »    2°: les attelages

 Détail des harnais d’un attelage à 3 chevaux en file mené au cordeau. 

 

à suivre....

 

Texte et photos

 

Etienne Petitclerc

 

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