Les valises

Les valises

A Barbara et Christian Mettler

Nous sommes des sœurs jumelles.

Plus très jeunes, il est vrai, mais encore en fort bel état.

Faites de toile forte bise, maintenues closes par des systèmes de fermeture nickelés, avec des poignées, des angles et des contours renforcés en cuir roux.

Simples mais chic !

L’un ne va pas sans l’autre de toute façon.

Nous avons surtout été fabriquées sur mesure pour habiter le coffre d’une ancienne voiture hippomobile de la cour royale de Suède, rien de moins…  et confortable, en plus !

Jamais bringuebalées — ce n’est pas notre voisin, le porte-parapluie en rotin tressé qui nous contredira — juste bercées, quand venait l’heure de voyager.

Voyez donc, nous n’avons pas une éraflure !

Emplies de beau linge et de choses choisies, de choses aimées, nous nous sentions indispensables.

Nous avons adoré partir à l’aventure.

En avons-nous couvert des lieues, par tous les temps — mais nous sommes à l’abri des intempéries — et patienté des centaines, des milliers d’heures, au pas, au trot et même quelques fois au galop de « nos » chevaux quand nous étions en retard.

En avons nous entendu, des rires, des larmes et des confidences, et peut-être même quelques frissons aussi, dans notre dos… c’est que nous avons l’oreille fine !

Mais… en vieilles demoiselles de la bonne société, nous savons garder nos secrets.

En nous entrebâillant, peut-être pourrait-on les deviner encore, mais on découvrirait surtout qu’ils se sont envolés.

De même que dans la boîte ouverte par Pandore, il ne reste rien, à présent, que nos sangles bleues rayées et assorties au papier qui nous habille, c’est tout.

Julie Wasselin