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Description des écuries de luxe
de la fin du XIX° siècle.
La lourdeur numérique de cet article nous oblige à le diffuser en trois fois.
A la fin du XIX°, le cheval est pour tout membre de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie financière ou industrielle une véritable passion et un marqueur de son appartenance à l'élite.Toute manifestation hippique; promenade au bois, concours, coaching, vénerie, polo,... fait partie intégrante de la vie mondaine.
L'établissement d'une écurie de luxe, au vu de ses fonctions d'hébergement de chevaux de prix, mais également de représentation sociale de son propriétaire, est donc traitée avec le plus de discernement possible.
"Le cheval jouit aujourd'hui d'une attention toute particulière et plus qu'en aucun temps de la protection intéressée de son maître. Ce dernier cherche au moins à lui payer en amélioration de son bien-être et en surcroît de bien-être les avantages précieux qu'il retire de son concours" -Vallée de Loncey, 1888-
Cet article tend à explorer les modalités d'installation, d'aménagement et de fonctionnement d'une écurie dans une période allant de la fin de l'empire au début des années 1900.
Afin de mieux comprendre la spécificité des écuries de cette époque, nous allons brièvement aborder les caractéristiques des écuries des siècles précédents.
L'aménagement des écuries aristocratiques du XVII° et XVIII° privilégie déjà la salubrité des locaux, la recherche du confort des chevaux. L'architecture favorise la ventilation par un grand volume, en évitant les courants d'air par une attention toute particulière portée au positionnement des ouvertures. Les fenêtres, par leur disposition, évitent autant que possible que les chevaux aient le soleil en face.
Les architectes et hippiatres recommandent également un plafond constitué d'une voûte de pierre ou de briques, ce qui limite les risques d'incendie. Quand elles sont bien adaptées au nombre de chevaux, elles permettent de maintenir une certaine fraîcheur l'été et chaleur l'hiver.
L'aménagement intérieur vise, du moins en partie, à protéger la santé des chevaux. Ainsi, les mangeoires sont décalées vers l'avant, par rapport aux râteliers qui les surplombent, pour que les poussières tombent à l'arrière.
De nombreuses expérimentations sur la conception des sols; terre battue, pieux en bois, pavage,... confirment cette recherche du confort de l'animal.
Dans cette même recherche de la sécurité des chevaux, nous pourrions penser que les équidés soient protégés par de solides bat-flancs alors que, majoritairement, une seule barre de bois les sépare.
Profil d'une stalle de la grande écurie de Versailles approuvée par Colbert en 1679 ( National Museum Stockolm)
Il ne faut pas oublier que le cheval est un facteur déterminant de la représentation du pouvoir royal, princier et, plus généralement, aristocratique. Les séparations par de simples barres de bois permettent aux visiteurs d'avoir une vue d'ensemble sur la totalité de la cavalerie et donc sur la richesse et le rang dans l'aristocratie du propriétaire. L'imposante architecture de ces écuries; Versailles, Chantilly,... contribuent également à cette expression du pouvoir aristocratique.
Ecuries de Chantilly construites de 1719 à 1740 pour Louis IV Henri de Bourbon-Condé par l'architecte Jean Aubert
La fonction et l'organisation des écuries vont changer progressivement tout au long du XIX°. Nous vous les présentons à la fin du siècle XIX et au début du XX°.
Les écuries à la fin du XIX°
A la fin du XIX°, le cheval est toujours un élément central de la vie de la haute société. Cependant, il n'est plus le symbole de la domination de l'aristocratie. Celle-ci est concurrencée par les tenants de la puissance financière et industrielle. Sous la troisième république, le cheval est devenu un vecteur de recherche ou d'affirmation de la place du propriétaire dans l'élite sociale. Aristocratie, haute- bourgeoisie et même demi-monde rivalisent d'imagination et de dépenses dans leurs équipages, chevaux, et écuries.
La fin du fin est d'appartenir à l'élite des sportsmen, que l'on soit propriétaire de chevaux de courses ou adepte du coaching et de la vénerie.
"Il faut se rendre compte de la place tenue par le cheval dans la vie et les conversations de tout le monde aussi bien à la ferme, au chateau ou dans l'hotel parisien....Avoir un bon cocher était plus important qu'un bon cuisinier. Avoir un cheval malade ou blessé était un drame. Acheter un cheval était une affaire sur laquelle on consultait tous ses amis et on ne manquait pas de se brouiller à la suite d'un mauvais conseil" -Pauline de Brooglie comtesse de Panges-
Avoir une cavalerie irréprochable est si important qu'on la préserve d'efforts trop intenses. "On ménageait ses propres chevaux. Souvent chez nous, on prenait des chevaux de louage pour aller loin." -Comtesse de Panges".
Ces chevaux sont sélectionnés pour leur excellence dans leur race ou leur spécificité d'utilisation; selle, course, attelage,.... Dans les écuries d'attelage, les chevaux sont appareillés par paire car il n'est pas admissible, hormis pour les voitures à deux roues, d'atteler à un par crainte d'être confondu à un fiacre ou autre voiture de service.
D'aucuns cherchent à se différencier du commun par les robes de leurs chevaux. Ainsi les équipages du frère du comte d'Harcourt, attelés à ses deux paires de chevaux "roses" (Pechard), sont-ils facilement identifiables.
Il va de soi que cette attention s'élargit à l'ensemble de l'environnement du cheval: personnels, harnachements et, bien sûr, écuries.
Celles-ci font partie intégrante de la reconnaissance d'une Maison de qualité.
"On visitait les écuries comme on montrait son salon: les selleries impeccables, les belles voitures." -Comtesse de Panges-
Certains dérogent même aux recommandations traditionnelles, liées à l'hygiène et aux nuisances sonores et olfactives, d'écarter les écuries du logis principal. Ainsi, le marquis de Castellane organise son logis de telle façon que les fenêtres de la salle à manger ouvrent sur les écuries. "Cette disposition permettait au maître de maison et à ses invités d'admirer ses plus beaux chevaux blancs caparaçonnés à l'oriental pendant le déroulement des festins".- Gérard Rousset Charny-
Cette fonction sociale et mondaine des écuries s'applique aussi bien aux hotels particuliers qu'aux villégiatures balnéaires ou de campagne."A la campagne, une visite aux écuries, dût on vous accuser de cultiver le tour du propriétaire, est un bon dérivatif à l'ennui d'une conversation qui tire en longueur" -Comte A de Comminges-
Quoique déjà très luxueusement aménagées, les écuries bénéficient d'un soin spécial lors de réceptions, visites amicales et, en particulier, lors des jours de "réception de madame".
Cette mise en "grande tenue" se réalise à partir de la fin de matinée.
"Il est difficile de mettre l'écurie en grande tenue avant midi. Il faut que les chevaux aient été pansés, promenés, nourris, abreuvés avant de transformer leurs boxes en salon. Naturellement, le sol et les caniveaux lavés auront bien été balayés. La litière sera rafraîchie. Au bord de celles-ci, il faut disposer d'une simple tresse en paille soit une tresse ornée aux couleurs de l'écurie" -Vallée de Loncey-
Dans certains cas, les poteaux des stalles bénéficient, eux aussi, d'une présentation particulière.
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Nous voyons également, sur cette page du catalogue Laloy, deux sortes de plateaux que l'on retrouvaient dans de nombreuses écuries de qualité. Il s'agit de plaques à sabler qui permettent de dessiner, à l'aide de sables de couleur, un "dessin simple et de bon goût" sur le sol du couloir de l'écurie préalablement passé à l'encaustique rouge."Sur des plaques de cuir où en fer blanc, vous secouez du sable de couleur et vous tracez ainsi au milieu de l'écurie, soit le chiffre du propriétaire, soit un sujet hippique quelconque d'un effet agréable à l'oeil et qui fera la joie des personnes admises à le contempler." -Comte de Comminges-
Il va de soi que cette recherche de la perfection ne peut exister que dans des locaux dont l'aménagement répond aux mêmes attentes.
En effet, dans les nouveaux hotels particuliers ou maisons de villégiature construits dés la fin du second empire, les écuries ne sont pas seulement des bâtiments fonctionnels mais aussi des emblèmes de la "place de fortune" de leurs propriétaires. Elles représentent de véritables écrins pour ces bijoux d'exception que sont les chevaux. De plus, bien que souvent conçues dans une tradition classique, elles bénéficient de toutes les avancées techniques de l'époque.
Pour vous les présenter dans leur globalité, nous évoquerons dans un premier temps, leur implantation et leur architecture
Emplacement
Les architectes s'adaptent aux configurations du terrain en s'inspirant, si l'espace le permet, des dispositions de bâtiments de l'époque classique. Par exemple, le porche encadré des bâtiments fonctionnels; écuries remises,... s'ouvre sur une cour, au fond de laquelle se trouve le logis principal.
Pour d'autres configurations du terrain, les écuries peuvent être placées dans une cour secondaire, disposée parallèlement ou à l'arrière du logis principal.
Ces cours disposent alors d'un accès propre et sont reliées par un passage à la cour principale.
Architecture
Les architectes des maisons et hôtels particuliers s'inspirent des constructions de l'âge classique tout en respectant, du moins à Paris, un carnet des charges assez strict. Ces contraintes sont définies par le décret impérial du 27 juillet 1859. Il définit, pour Paris, l'ensemble des normes à respecter en termes d'assainissement, d'écoulement des eaux pluviales mais surtout d'aspect extérieur des façades des bâtiments: hauteur des étages, aspect des façades, jusqu'à l'emplacement des lucarnes. L'inspiration classique et le cadre législatif poussent donc les architectes à rechercher une certaine harmonie entre le corps de logis et les écuries tout en recherchant une plus grande simplicité pour celles-ci. Dans les lieux où ils ont eu plus de liberté que dans les grandes villes, les architectes s'inspirent également de références historiques ou régionales (ex; XVIII° siècle,architecture normande,...).
La recherche de l'homogénéité esthétique peut être poussée à l'extrême quand ces bâtiments de service sont totalement intégrées dans le corps de logis comme, ici, les écuries du baron Empain.
La façade de cette écurie de 12 chevaux forme comme une espèce de cloître ou d’abri, autour duquel sont installées les locaux d'intendance, les remises de voitures et les écuries proprement dites. Sur cette photo, nous pouvons distinguer de discrètes poutrelles métalliques qui soutiennent l'abri.
De fait, à la fin du XIX°, les avancées techniques de la construction métallique vont révolutionner l'ensemble de l'architecture, dont celle des écuries. Elles sont intégrées dans des constructions qui s'inspirent de nombreuses influences architecturales.
Le plus souvent, au niveau de l'aspect extérieur, les charpentes métalliques sont, comme ici, partiellement dissimulées dans les structures des bâtiments.
Ainsi, le château Lanessan (un des rares exemples ouvert au public et préservé dans son état d'origine avec son parc hippomobile) est-il construit en pierre et claustres de briques. Il est relié par une verrière à un second corps d'écurie situé à l'arrière.
Voici quelques autres modèles jouant sur le contraste de l'utilisation de la pierre et de la brique, ou s'appuyant sur d'autres références architecturales.
Certaines écuries des villégiatures balnéaires et de campagne s'inspirent de l'architecture régionale, comme la normande,...
Pour l'intérieur, ces charpentes métalliques sont, par contre, souvent mises en valeur et ornementées de riches décors. Leur légèreté leur permet de couvrir de longues portées. Elles sont utilisées pour couvrir de verrières; écuries, manèges et cours intérieures.
Ces cours, ainsi éclairées de verrières, permettent de préparer les chevaux, à l'abri de toutes les intempéries. Elles sont installées dans une grande partie des écuries, tout particulièrement dans les hôtels particuliers parisiens.
Dans certains cas, les structures métalliques peuvent être également très apparentes sur les façades de bâtiments. En voici quelques exemples, dont ces plans d'une écurie d'attelage, extraits de l' "Encyclopédie de l'architecture".
Agencement de l'écurie.
L'écurie n'est pas seulement destinée à d'hébergement des chevaux. C'est un lieu de stockage des voitures, harnais, foins et grains, mais aussi un lieu de vie d'une partie du personnel qui y travaille; garçon d'écurie, cocher,... L'ordonnancement des locaux entre eux; stalles, boxes, cours de préparation, remises, sellerie, dépôts de grains, de foin, éventuellement forge et manège, est avant tout fonctionnaliste. Mais son agencement et son équipement dépendent surtout des choix du propriétaire au niveau de ses activités équestres et de sa politique de gestion du personnel,... Les plans de l'écurie de la maison Auriac, à Agen, montrent l'intérêt que certains propriétaires portent au confort de leurs salariés (une certaine façon de retenir les employés les plus qualifiés). Ici, chose rare à l'époque pour le personnel, les employés disposent:
-à l'étage, d'une salle de bain attenant aux chambres.
-au rez de chaussée, d'un vestiaire et de toilettes.
Les aménagements des écuries proprement dites profitent de la totalité des avancées scientifiques de l'époque; au niveau de l'éclairage, de la ventilation, de l'écoulement des urines, ...
Equipement sanitaire des écuries.
Eclairage et ventilation.
Les locaux dédiés aux animaux peuvent être directement éclairés par des verrières ou des puits de jour.
Plus généralement, ils le sont par des fenêtres, si possible, disposées à l'arrière des chevaux pour que ceux ci ne soient pas aveuglés par la lumière. La nuit, les locaux sont éclairés par des lampes; à huile, à pétrole, suspendues au plafond ou accrochées aux murs. L'électricité rentrera progressivement dans les écuries au début du XX° siècle.
Différents systèmes permettent de régler l'ouverture des fenêtres, assurant ainsi une partie de la ventilation.
Leur fonction d'aération est complétée par d'autres dispositifs; bouches et gaines de ventilation.
Sols et évacuation des urines
Deux types de matériaux sont majoritairement utilisés dans la mise en place des sols:
- des pavés en grès, granit, schiste ou béton pour les stalles, boxes, et lieux de passage.
-des briquettes, disposées en épis, utilisées uniquement pour les lieux de passage; couloir,...
L'assainissement assuré par une pente unique, dirigée vers l'arrière comme au XVIII° ( celle-ci était accusée par les hippiatres de poser des problèmes au niveau des membres des chevaux.), disparaît progressivement des écuries au profit d'un système de"sol horizontal". Il fut inventé, pour l'armée, par le colonel Basserie, dans les années 1870, et exposé au concours de Paris, en 1883. C'est tout un réseau de caniveaux à pente intérieure, reliés entre eux par des raccords, qui permet l'écoulement des urines. Ces caniveaux sont couverts d'un couvre-drain articulé, qui peut s'ouvrir pour faciliter le nettoyage.
Ces réseaux de drainage permettent aussi de recevoir les eaux usées. Les très importants besoins en eau; abreuvement, lavage des locaux, harnais, voitures,..., rendent nécessaire ce raccordement aux drains.
L'alimentation en eau, quant à elle, était constituée de plusieurs bornes d'eau, présentées sous forme de fontaines.
Le luxe de certaines fontaines laisse entrevoir la qualité des aménagements de ces écuries.
Nous aborderons, dans la suite partie de cet article, la diversité de ces équipements; boxes, stalles, sellerie,..., où le marbre côtoie les bois de qualité, fontes ornementées, fer forgé, laiton, ...
Texte:
Patrick Magnaudeix
Documentation: (Collection de l'auteur)
Comtesse de Pange "Comment j'ai vu 1900/2"
Gérard Rousset Charny "Les écuries de palais de la belle époque" dans "Le cheval à Paris"
Gyslaine Bouchet "La vie d'un cheval à Paris"
Comte A de Comminges "Le cheval Soins pratiques 1894"
H V de Loncey "Le cheval du bourgeois et du sportman"
Délégation de la ville de Paris "rue du faubourg St Honoré".
Laloy, Jardiller, Rabourdin,Rabot, entreprise générale d'installation, " 5 catalogues de 1884 à 1903"
...
Autres documents à consulter
Livres
Pascal Liévaux et Patrice Franchet "Architecture équestre"
Pascal Liévaux "Les écuries des châteaux français"
Articles d'attelage-patrimoine.com
Patrick Magnaudeix
(Cliquer sur les liens ci dessous)
Ecuries de luxe de R Wanamaker
Ecuries du baron Von Zuylen de Haar
L'attelage à travers l'oeuvre des Delton 1
L'attelage à travers l'oeuvre des Delton 2