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Les "carrosses modernes":
originaux et maquettes de J. Brito
L'article "Coche attribué à Philippe II original et maquette de José Brito" vous a proposé de découvrir l'évolution des voitures d'apparat et de voyage, au XVI° siècle. Ces voitures, suspendues par des soupentes et destinées au transport des personnes, vont évoluer, tout au long du XVII° et pour une grande partie du XVIII°, sous le terme générique de "Carrosse". Ces carrosses, qu'ils soient de voyage ou d'apparat, sont dans la première partie du XVII° d'une apparence proche de celle des coches à caisse trapézoïdale du XVI°.
De l'évolution des coches, ils en ont gardé toutes les contraintes techniques. Ces voitures, aux trains avant et arrière unis par une flèche droite, n'ont qu'un angle de braquage limité et, de ce fait, sont peu maniables. Leur confort et la protection des passagers contre les intempéries sont limités. Il faudra attendre la moitié du XVII° siècle pour que des avancées techniques révolutionnent la construction des carrosses.
La caisse devient entièrement fermée par des panneaux et des vitres. Elle est doté de portes aux vitres coulissantes.;
"D'après les coches, on a imaginé des voitures qui puissent être fermées de toute leur hauteur et avoir des portières ouvrantes et solides; les carrosses modernes."- Roubo 1771-
La maniabilité de ces "carrosses modernes" est très grandement améliorée par la modification de la flèche reliant les trains, qui est alors dotée de deux pièces métalliques cintrées permettant le passage des roues sous la caisse; communément nommé "col de cygne".
« Ce nouveau carrosse a pour atouts une caisse entièrement fermée et vitrée avec des portières sur toute la hauteur, et un train dont la flèche axiale, qui réunit les deux essieux, comporte, à l’avant, des arcs en fer, dits en col de cygne, permettant aux roues antérieures, de petit diamètre, de passer dessous pour tourner à angle droit, ce qui était impossible avec l’archaïque avant-train à sassoires utilisé jusqu’ alors. Augmentant considérablement la mobilité des véhicules par de plus grandes possibilités de braquage, cette invention constitue un progrés décisif dans l’évolution technique des voitures »- Libourel-
Ce dessin plus tardif (1754) de Garsault illustre cette évolution des flèches.
Le chercheur allemand Rudolf Wackernagel, spécialiste des carrosses français, situe l'invention du carrosse moderne dans les années 1660-65 et l'attribue à Jean Le Pautre qui en aurait réalisé la mise au point.
Au XVII°, alors voitures de cour réservés aux cortèges royaux et princiers, ces carrosses font l’objet d’une perpétuelle surenchère dans le luxe et l‘ostentation.
« A l’extérieur, la caisse fut surchargée de sculptures et de dorures, tandis que l’intérieur était tapissé de velour et de soie parsementées d’or et d’argent. »
Les carrosses royaux peuvent, quant à eux, être complètement sculptés et dorés comme le montre cette étude du peintre Adam François Van der Mollen représentant le carrosse de Marie Thérese (1680-1684).
Un des rares modèles de ce type, encore conservé, est le carrosse offert par José I d'Autriche à sa sœur Marie Anne, à l'occasion de son mariage avec le Roi du Portugal Jäo V.
Carrosse à caisse fermée de style Louis XIV entièrement sculpté et doré (conservé au musée des carrosses de Lisbonne)
La majorité de ces voitures n'étaient pas entièrement dorées mais décorées par une alternance de dorures, sculptures dorées et de panneaux peints.
Voitures d'apparat, leur utilisation sous Louis XIV est codifiée de manière stricte ; le nombre de chevaux attelés et la position dans les cortèges, sont liés à la place sociale de leur propriétaire. Sous peine d'amende, les propriétaires sont même dans l'obligation de demander l'autorisation de placer leurs blasons ou monogrammes sur leurs carrosses.
Les carrosses du Roi; " carrosses du corps" sont considérés comme représentant la personne même du Roi. A leur passage, même à vide, chacun se doit donc de se découvrir.
Détail de la toile de Van der Meulen représentant l'entrée du Rois Louis XIV et de la reine Marie Thérese à Douai en 1667 (collection chateau de Versailles)
Le plus grand nombre de ces carrosses, encore conservés, sont exposés au Musée des carrosses de Lisbonne. Plusieurs d'entre eux sont d'origine française. La France est alors leader dans l'évolution de la carrosserie et l'ensemble des cours européennes y commandent des voitures ou s'en inspirent.
Parmi les plus anciennes pièces conservées à Lisbonne, deux modèles, ayant été utilisées par Marie Françoise de Savoie Nemours (dite Mademoiselle d'Aumale; cousine du Roi Louis XIV°, mariée, en 1666, au roi du Portugal Alfonso VI puis, deux ans plus tard, à son frère Pedro II), ont retenu l'attention de José Brito.
Il en a donc réalisé les maquettes.
Elles font partie de ses premières constructions et ne bénéficient pas de toutes les avancées techniques qu'il a pu développer au fil de ses réalisations. D'autre part, la finesse de certaines sculptures, comme celles des montants des portes et fenêtres, est très difficile à reproduire à cette échelle du 1/10.
Elles sont toutefois fidèles aux originaux et de grande qualité..
Le plus ancien de ces carrosses d'origine française, ramené de France par la Reine Marie Françoise, présente toutes les caractéristiques du carrosse moderne; caisse entièrement fermée par huit fenêtres vitrées et, grande innovation de la carrosserie moderne, le passage de roue ( col de cygne), autorisant les braquages courts.
Des "mains de caisse" situées aux quatre coins de la caisse permettent d'y fixer les soupentes la reliant au train.
La peinture de l'extérieur de la caisse présente "des motifs floraux, de diverses figures allégoriques, et d'écus aux doubles blasons du Portugal et de Savoie Nemours."
"La portière du côté droit est décorée avec le monogramme de Mademoiselle d'Aumale inscrit dans une couronne de lauriers, fermée et tenue par deux figures féminines."
-Silvana Bessone-
"Le train arrière est ornementé de motifs végétaux sculptés en bas relief et présente, dans sa partie supérieure, un mascaron à la tête anthropomorphe entouré de motifs conchiformes"
A partir d'une série de photos des détails de la voiture, M Brito a réalisé un relevé des cotes qui lui a permis de produire des patrons au 1/10. C'est suivant ces patrons qu'il a construit la structure de la caisse et les différents autres éléments du carrosse.
Par le même processus, il a réalisé les différents éléments de décoration; peintures, sculptures, dorures,...
La maquette finie est d'une grande fidélité à l'original.
Tous les détails ont été reconstitués au plus près comme, par exemple, les glaces coulissantes des portières.
Les carrosses modernes ont, quelques années plus tard vers 1669, soit moins de 4-5 ans seulement après leur invention, bénéficié d'une nouvelle innovation; le ressort métallique. Ces ressorts, également imaginés par les services de la Petite écurie du château de Versailles, sont installés aux quatre coins de la caisse.
"En 1671, la Reine Marie Thérèse recevra un carrosse en broderie d'or et d'argent sur un fond de velours cramoisi, enrichi de plusieurs ornements et sculptures de bronze vermeil doré....doté de quatre mains de ressort... aux quatre coins de la caisse" -extrait: comptes des trésoriers des écuries du roi, conservés au château de Versailles-
Ces premiers ressorts sont, au début seulement, composés de trois lames superposées, ce qui, améliore certes modestement le confort du véhicule.
Ces ressorts sont inclus dans les mains de carrosse reliant la caisse aux soupentes.
Mais cette, peu esthétique, "mécanique" se doit d'être cachée.
Le bas de la caisse est donc doté d'un arc boutant, support éventuel d'un ornement sculpté suivant la forme des ressorts.
Le deuxième carrosse, choisi par José Brito, bénéficie de cette nouvelle suspension.
Selon la tradition, il aurait été offert par Louis XIV à sa cousine Marie Françoise de Savoie. Ceci est difficile à confirmer car il s'agit d'un assemblage de deux époques.
Le train est bien du XVII° avec son arrière sculpté de volutes et d'acanthes dans le style Louis XIV et peut donc conforter cette allégation.
Par contre la caisse est du XVIII° siècle mais également de fabrication française; "...attestée par la peinture du panneau arrière où nous pouvons voir la royauté française représentée par une figure féminine couronnée et assise sur le trône, portant un grand manteau décoré de fleurs de lys, accompagnée de la gloire avec ses trompettes et entourée de plusieurs symboles où se répètent les armes de la France." -Sylvana Bessone-
La caisse est décorée de fins ornements de bois sculptés qui, au vu de leur complexité, n'ont pu tous être entièrement reproduits à l'identique par J. Brito.
Cette caisse est liée au train par des mains de ressort à deux coins, constituées, chacun, de deux groupes de 14 ressorts.
L'intérieur est tapissé de velours rouge cramoisi sur fond en satin jaune.
A la fin du XVII°, les voitures vont se diversifier et apparaîtront; berlines, coupés, calèches, landaus, phaétons, omnibus,....
Différents types de ces voitures sont conservés au Portugal et ont inspiré José Brito, qui en a reconstitué, en maquettes, plusieurs modèles. Nous vous les présenterons dans de prochains articles.
Texte
Patrick Magnaudeix
Photos
José Brito,Patrick Magnaudeix, courtoisie.
Documentation:
Sylvana Bessone
"Guide Musée National des carrosses"
"Les voitures française au musée National de Lisbonne" dans "voitures chevaux et attelages" dirigé par Daniel Roche.
"Le musée National des carrosses de Lisbonne"
Jean Louis Libourel
"Voitures hippomobiles"
"Les carrosses modernes" dans "Roulez carrosses"....
Max Terrier