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Par Jean Louis Libourel
Le luxe des voitures a été sans limites. Les matières les plus précieuses, et parfois les plus improbables, ont été utilisées pour leur construction :
Écaille de tortue et cuivre doré découpés et assemblés selon la technique de marqueterie de l’ébéniste André-Charles Boulle (1642-1732).
Plancher en écaille de tortue et cuivre doré du carrosse « de la couronne », 1715 (Lisbonne, Museu Nacional dos Coches).
Ivoire.
Plancher en ivoire d’un carrosse d’ambassade du marquis de Fontes, 1716 (Lisbonne, Museu Nacional dos Coches).
Nacre.
Panneaux en nacre de la berline des marquis de Castellbell, 1798 (San Feliu de Llobregat, Palais Falguera).
Bronze doré.
Main de carrosse en bronze doré. Carrosse impérial d’Autriche, 1763 (Vienne, Schönbrunn, Wagenburg).
Broderies et passementeries en fils d’or et d’argent.
Coupé d’apparat, 1793 (Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage).
Pierreries.
Dans ses Mémoires la baronne d’Oberkirch relatant une visite à Versailles le 8 février 1786 décrit le Dauphin Louis Joseph Xavier François de France né en 1781, s’occupant « beaucoup d’un nouveau carrosse, qu’il avait essayé le matin même, et dont l’invention est charmante et commode ; c’est le premier qu’on voit ainsi. Les panneaux et les peintures, sur les côtés et devant, sont remplacés par des glaces retenues dans des encadrements de vermeil ornés de saphirs, de rubis et autres pierres précieuses. C’est magnifique et élégant ». C’était un présent de la reine Marie-Antoinette à son jeune fils âgé de cinq ans !
Pierreries ornant les boucles de soupente et de courroie de guindage d’une berline d’apparat de Catherine II, 1763 (Moscou, Kremlin, Armoury).
Verre.
Panneaux et pavillon en verres colorés, Berline d’apparat du sultan Abdulaziz, par Victor Lelorieux, Paris, 1863 (Istanbul, Palais Topkapi).
….. et porcelaine
Dans les années 1780, le luxe culmine avec l’emploi de la porcelaine pour l’ornementation de quelques voitures, dénommées « carrosses de porcelaine ».
Plusieurs particuliers, comme Petit et surtout Jean-Baptiste Locré, dont la maison fondée en 1771 a pour clients Madame du Barry et le marquis de La Fayette entre autres, créent des pièces de porcelaine destinées à la décoration de voitures.
Le 25 mars 1780, la duchesse de Valentinois parait à la fameuse promenade de Longchamp dans une voiture de porcelaine mentionnée dans les Mémoires secrets de Bachaumont pour servir à l’histoire de la République des Lettres depuis 1762 jusqu’à nos jours, ou Journal d’un observateur (Londres, 1777-1789) : « Hier, la file des voitures commençait sans interruption, depuis la place Louis XV [place de La Concorde] jusqu’à la porte Maillot […]. C’est le carrosse de porcelaine de Madame de Valentinois qui a été décidé la plus belle voiture de la promenade. Cette jeune femme, fille de la duchesse de Mazarin, une des plus jolies de la Cour, attirait tous les regards. Elle avait quatre chevaux gris pommelés, avec des harnais en soie cramoisie, brodée en argent ». Rivalisait avec elle à cette même promenade une autre voiture de porcelaine dans laquelle s’exhibait Mademoiselle Beaupré, qualifiée de « petite actrice » par Alfred de Champeaux (Le Meuble, t. II, 1885).
Ancienne danseuse de l’Opéra devenue l’une des courtisanes les plus recherchées de Paris, Mademoiselle Duthé possédait aussi un carrosse de porcelaine que lui avait offert le comte d’Artois, futur Charles X.
Des voitures en porcelaine, est-ce possible ? Fragile et cassante la porcelaine est la matière, avec le verre, la moins faite pour la construction des voitures. Faire entièrement en porcelaine une caisse de voiture susceptible d’accueillir des passagers était techniquement irréalisable. La porcelaine ne pouvait être utilisée que sous forme de petites pièces assemblées en placage sur les panneaux d’une voiture. Le choix excentrique de cette matière et sa grande fragilité, le coût exorbitant de sa fabrication et de sa mise en œuvre, expliquent l’éphémère succès des carrosses de porcelaine. Aucun n’ayant résisté à l’épreuve du temps, on ne sait comment étaient réellement ces voitures. Cependant, il est possible de les imaginer grâce à la comparaison avec une splendide commode réalisée après 1760 par l’ébéniste Bernard Van Risen Burgh, dont la face principale et les côtés sont constitués d’un assemblage de plaques de porcelaine enchâssées dans une armature de bronze doré en forme de réseau. C’est ainsi que devaient être les caisses des voitures de porcelaine.
Commode, par Bernard Van Risen Burgh, après 1760 (Ancienne collection du baron Alphonse de Rothschild).
Idem. Détail : plaques de porcelaines montées dans un réseau de bronze doré.
Texte:
Jean Louis Libourel
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