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(Réédition pour raisons techniques d'un article paru le 05 10 2011)
Dans la planche ci dessous représentant des voitures d'origine britannique, vous pouvez discerner un véhicule doté d'un système de rotation et de suspension très particulier. Il s'agit de l' "equirotal" du duc de wellington.
La voiture de type "equirotal"; « patent equirotal carriage » brevetée vers 1830, était présentée comme une révolution dans la construction des voitures. Son inventeur, William Bridges Adams, l’a vraiment conceptualisée. Il ne s’agissait pas d’une simple innovation, mais d’un nouveau type de véhicule qui fut décliné en de multiples modèles. Roues, suspension et direction sont totalement différents des modèles contemporains.
Il a décrit son invention dans l’ouvrage « English pleasures carriages » et l’a défendue dans de nombreux articles, ce qui nous permet d’avoir des précisions sur les avantages attendus et sur les différents modèles proposés.
Le terme "equirotal" vient de ce que ces voitures étaient équipées de quatre grandes roues d’égale hauteur. Il semble que la première recherche d’Adams visait à éviter la rupture de roues en terrain accidenté. Il chercha donc à leur donner une certaine élasticité. Il inventa une roue avec des jantes reliées au moyeu par des cercles métalliques comme le montre le dessin ci-dessous.
Sa solution pouvait convenir à une voiture à 2 roues mais n’était pas satisfaisante pour une voiture à quatre roues. En effet, pour les petites roues de devant, les cercles obligatoirement réduits ne produisaient pas la souplesse recherchée. Il eut donc l’idée de construire une voiture à quatre grandes roues d’égale dimension. Ces grandes roues présentaient, de plus, l’avantage d’améliorer le roulement.
Cette caractéristique sur une voiture classique limitait l’angle de rotation dans les virages. Ceci amena l’inventeur à déplacer le point de rotation. Habituellement assuré par la cheville ouvrière dans une voiture classique, il est ici remplacé par une « charnière » (composée de deux axes superposés) située au centre du véhicule.
Ce dispositif permet aux roues de suivre les mêmes traces dans les virages et ainsi de tourner beaucoup plus court avec moins de frottement donc moins de résistance au roulement.
Voici deux dessins comparatifs proposé par Adams
William Bridges Adams attendait 5 autres avantages spécifiques à ce véhicule :
-Léger et roulant, il facilite le travail du cheval.
-Le cocher est toujours dans la même position par rapport au cheval, ce qui facilite le menage.
-Les ressorts étant situés à la même hauteur, la voiture, moins soumise aux soubresauts, est plus confortable.
-La voiture est peu bruyante.
-Plus stable, elle balance moins dans les virages.
Il avait également imaginé un modèle où la charnière se démontait, ce qui permettait de transformer une voiture 4 roues en 2 voitures à deux roues, de type gig et cabriolet.
Vous avez constaté, dans la gravure précédente, que ces voitures sont montées sur des suspensions particulières. En effet, l' "equirotal" ne permettait pas d’utiliser le système traditionnel des ressorts en C. Adams inventa donc un montage composé d’un ressort incurvé fixé sur une forte lame d’acier ce qui donnait à l’ensemble une forme d’arc qu’il nomma « Regulating bow spring ».
Ce type de suspension permettait également de réduire le poids de moitié par rapport à une suspension classique, donc d’alléger le véhicule.
William Bridges Adams inventa et construisit de nombreux autres dispositifs et véhicules que nous allons vous présenter après un bref résumé de sa carrière.
Il est né, en 1797, en Angleterre dans le Staffordshire. Pour des raisons de santé et comme il était également usuel à l’époque, il partit quelques années se former sur le continent. Il revint travailler dans les ateliers de la carrosserie familiale et déposa son premier brevet concernant l' "equirotal". Deux ateliers de construction de ces véhicules furent installés ;
- un, géré par son frère, rue Drury à Londres
- le deuxième, à Glasgow en Ecosse, géré par John Buchanam.
Malgré une gamme de modèles étendue, allant du phaéton à poneys au mail-coach, en passant par le célèbre omnibus, ces voitures n’eurent pas un grand succès commercial et la fabrication s’arrêta assez rapidement.
Cependant il adapta son idée au nouveau moyen de transport qu’était le chemin de fer.
Plan de wagons de W.B. Adams
Il se spécialisa dans le matériel roulant:
-wagons : en 1847, il conçut des voitures à huit roues, plus grandes et plus spacieuses que les voitures de l’époque.
-locomotives : Il réalisa également en 1847, avec l’ingénieur James Samuel, une petite et très légère locomotive d’inspection pour les rails.
Par la suite, il se spécialisa dans la création de locomotives légères et de wagons. Il créa sa propre entreprise au Nord de Londres, en 1849. Il mourut dans le Kent, le 23 Juillet 1872.
Si son invention lui ouvrit les portes de la traction à vapeur, elle n’eut que peu de succès dans la traction hippomobile. Son système de roue (circular spring wheel), à l’origine du véhicule "equirotal", resta au stade expérimental et ne semble pas avoir été installé sur les modèles mis en production. Son idée inspira à la fin du XIX° les inventeurs de la roue élastique qui, elle aussi, fut rapidement abandonnée.
Quant aux ressorts, nous constatons, sur le premier schéma, que W.B. Adams avait essayé des ressorts elliptiques qu'il trouvait trop lourds, d'où sa préférence pour le "Spring Bow". Cependant, il semble qu'il modifia sur les dernières productions l'utilisation de ce mode de suspension. Le seul véhicule de type equirotal encore conservé est un phaéton construit en 1838 pour le duc de Wellington. Nous pouvons constater que la suspension a été modifiée et que les ressorts en arc sont fixés sur la voiture de façon différente, avec l’arc vers le bas.
Dessin et photo du phaéton équirotal de 1838, ayant appartenu au duc de Wellington et conservé au Musée des voitures à Dodingdon Park, Chipping Sodbury, Avon, Angleterre.
Il ne s'agit pas d'une modification ultérieure car nous retrouvons les mêmes caractéristiques sur ce dessin d'Adams.
Le système même de direction n’y est plus assuré par une charnière mais par un système totalement différent. Il s’agit d’une barre pivotant sur 2 chevilles verticales, situées l’une au dessus de l’essieu avant et l’autre légèrement en avant de l’essieu arrière Cette poutre glisse dans des encoches horizontales ce qui maintient les deux parties au même niveau. Voici le détail de son fonctionnement décrit par Sallie Wallrond dans son ouvrage ; Les voitures à chevaux du 17° au 20° siècle.
" Une bielle relie en diagonale l’arrière coté gauche de la partie avant à l’avant de la partie arrière coté droit, de sorte que lorsque l’avant s’articule dans un sens avec la poutre, l’arrière s’articule automatiquement dans le sens opposé….Lorsque le véhicule pivote pour négocier un quart de tour, les roues extérieure s’écartent beaucoup plus que les roues intérieures ne se rapprochent, ce qui permet la conception d’un véhicule plus ramassé qu’il ne peut l’être avec un pivot central. "
Les multiples abandons ou modifications, dans une période de seulement quelques années, laissent à penser que l’inventeur était confronté à des difficultés techniques diverses. Nous n’en connaissons pas les raisons exactes; problèmes de conception, non adaptation des matériaux utilisés, ...? Elles sont surement une des causes du faible succès commercial et de l’arrêt rapide de la construction de ce type de véhicule. Pourtant il avait été adapté à de nombreuses utilisations :
-Omnibus :
Il était conçu pour transporter 12 passagers et Adams avait le projet d’en construire un pour 20 passagers. Il était très léger et ne nécessitait que deux chevaux au lieu des trois nécessaires à la traction des omnibus de même capacité. La charnière centrale était protégée par des soufflets en cuir qui permettait le déplacement des passagers dans le véhicule. Il fut mis en service à Londres. Censé améliorer l'accessibilité de la voiture, le confort des passagers et d’être plus maniable dans les étroites rues londoniennes, il n’eut cependant qu’une très courte carrière. D'esthétique assez moderne, il présente une ressemblance avec nos actuels cars de ville.
Cette recherche d’une certaine simplicité et pureté des lignes est une constante des modèles proposés par Adams.
-Phaéton:
La comparaison d'un modèle de phaéton, construit en 1830, à ceux de type à cheville ouvrière ou à système "equirotal" dessinés par Adams à la même époque, confirme qu'il était à l'avant garde d'une esthétique épurée qui se confirmera dans la carrosserie hippomobile tout au long du XIX° siècle.
-Voiture de ville.
-Cab phaéton
-Mail coach.
William Bridges Adams consacra dans son livre un chapitre entier à cette voiture. Selon lui, son mail coach présentait toutes les qualités nécessaires à ce type de véhicule, aussi bien pour le transport du courrier que pour une utilisation privée. Plus confortable, grâce à un centre de gravité plus bas qu’un mail classique, il offrait plus de place aux passagers et aux bagages. L’absence de petites roues à l’avant rendait son utilisation aisée sur tous les terrains et par tout temps, en particulier sur les routes enneigées. Ses roues étaient montées avec des essieux à patents collinges.
A la pointe de la modernité, la voiture l'"equirotal" n’eut pas le succès escompté mais son principe de l’axe central, déjà imaginé dés 1655 pour une voiture mécanique, a toujours des adeptes.
Nous retrouvons actuellement des véhicules à articulation centrale dans l’agriculture et l’industrie.
Mais encore plus surprenant, certaines de nos plus modernes voitures de marathon reprennent depuis quelques années le principe de l'axe central, avec des matériaux et techniques, bien entendu, d'une autre performance qu'au début du XIX°.
Texte:
Patrick Magnaudeix
Documentation:
Mechanics,magazine -1837
English pleasures carriages par W.B. Adams -1837
Omnibuses and cabs Henry Charles Moore -1902
The world of the wheels -1878
Farmer's magazine -1837
Biographical dictionnary of the history of technology.
Les voitures à chevaux du XVII° siècle au XX° siècle par Sallie Wallrond.