Guy Charvériat
Texte et photos: Julie Wasselin
“Á la robe de pourpre, à la folle jeunesse.. ”
Au Hêtre pourpre du prieuré de Beybleu.
Ronsard évoquerait les plis de ma robe pourprée…
Ma jeunesse s’en est allée, mais, dans la force de l‘âge,
je règne en majesté sur le destin de la famille Charveriat.
Imaginez les petites mains qui m’ont planté, tout jeune baliveau…
attendez que je m’en souvienne… oui, je crois que c’était en 1830.
Pour vous donner une idée de l’époque,
Louis Philippe venait d’être proclamé roi des français,
Lamartine devenait immortel et il était de bon ton
d’être reçu dans les salons de madame Récamier…
l’hiver se révélait mortellement froid et le choléra semait la terreur,
ainsi que Giono le rapporterait plus tard dans le “ Le hussard sur le
toit “.
J’ai grandi sans me hâter, regardant changer les couleurs du temps
et les volets s’ouvrir et se refermer sur les joies et les peines de
mes “ enfants ”.
En ce temps là, on allait au pas des chevaux.
J’aimais cette saine lenteur… entendre les hennissements des chevaux,
le crissement des bandages métalliques sur les graviers,
et les attelages souffler à l’ombre de mes bras.
Au fil des années, j’ai vu les mylords, les tilburys, les breaks de
chasse remisés,
les harnais pendus dans le vide, les chevaux s’en aller… j’ai soupiré.
Que pouvais-je faire d’autre que me résigner…?
Les nouvelles générations, équipées de chevaux vapeur,
me jetaient parfois un regard étonné, me trouvant magnifique,
bien sûr, et tellement grand…
eh oui, vingt cinq mètres tout de même… mais tellement seul,
avec mes souvenirs en guise de compagnons.
Le prieuré est alors entré dans l’ère de Guy…
homme de cheval infatigable qui chaque année gagne en jeunesse
et en esprit d’entreprise ce que le temps dérobe à ses forces
et à ses cheveux blancs.
J’ai vu revenir les chevaux, j’ai vu le tennis transformé en carrière…
et de merveilleux fous dans de drôles de voitures recommencer à fouler
mes racines.
Guy, sous mes frondaisons, organisa des conciliabules…
j’ai tout entendu.
Entouré de sa famille, de ses amis et de ses merveilleux fous,
il inventa de faire venir de toute l’Europe, d’autres fous
et de ressusciter de ces réunions de voitures anciennes…
je crois qu’ils appellent ça des concours de tradition.
Enraciné comme je le suis, évidemment, je n’ai pas pu les suivre
jusqu’au château de Messimy où se déroulaient les festivités,
mais je suis devenu si grand que du haut de mon feuillage, par delà
des tours,
au bord de la Saône ou dans le parc de Fléchères,
j’ai pu voir le soleil étinceler sur la soie des chevaux, le vernis
des carrosseries,
les “ huit reflets “ et les boucles des harnais, et j’ai entendu
s’enthousiasmer
les milliers de spectateurs venus apprendre un peu de leur passé.
Par sept fois, tous les deux ans,
j’ai vu le prieuré s’enfiévrer de papillons nocturnes en capelines,
hauts de forme et chapeaux melons, de malles de pique-nique
comme autant de malles au trésor… chandeliers, dentelles, champagne et rires légers…
J’aurais voulu vous dire… mais, hélas, les hêtres ne parlent pas…
comme ce retour à ma jeunesse a chamboulé mon vieux cœur.
Et puis… on s’en doutait, mais on ne voulait pas le savoir, Guy,
après la septième édition, a refermé sa boite de magicien.
Chacun avait vieilli, c’est vrai, mais si peu…
Je voyais bien que l’entreprise semblait périlleuse et qu’il
paraissait raisonnable…
après avoir défié le sort sept fois, après un septième succès, d’en
terminer enfin…
de sorte que la belle aventure ne laisse au cœur que de suaves regrets.
Je voudrais vous faire une confidence :
je sais que ce n’est pas le soir où Guy a remerciés ses amis
qu’il a fait ses véritables adieux à Messimy…
mais aux guides de l’arbalète d’un autre fou venu de Suisse…
quand, après une randonnée de soleil, dans la prairie où les clameurs
s’étaient tues,
avant que de dételer une dernière fois, Guy a conduit les trois chevaux
faire un tour d’honneur solitaire sous les paupières refermées du
château.
J’espère encore entendre des conciliabules, quand le soleil sera trop
fort au prieuré
et qu’on se sera réfugié à mes pieds…
écouter mes vieux fous se dire tout le bonheur qu’ils ont à se
retrouver :
“ Tu te souviens… c’était en 2005… “
“ Ah non, c’était en 2003, si, si, je t’assure… “
Au Hêtre pourpre, à Joëlle et à Guy,
à Odile et à Marc et à tous les autres fous.
De la part de tous, merci…
Novembre 2009
Julie Casau-Wasselin
à la tête de ses troupes
au briefing avec concurrents et juges
et voilà..Messimy c'est fini.
Mais le Hêtre pourpre veille et attend les prouesses des futures générations.
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