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Par figoli
La Fanette
C’est une brave Ardennaise à l’allure paisible, lymphatique, dirait le Louis, si toutefois le bonhomme connaissait le mot.
La robe gris fer, la croupe forte et le sabot d’acier, elle chemine,en cette fin des années cinquante,sur les traînes Limousines et justifie ainsi son barbotage quotidien.
Le machinisme agricole débute son inexorable essor remplaçant peu à peu l’agriculture traditionnelle mais le brave homme, on ne sait trop pourquoi, fait acte de résistance.
Il est jusqu’alors resté sourd aux sirènes de la modernité et bien qu’ayant récemment acquis un petit tracteur, il ne s’est jamais résolu à troquer sa bonne jument contre une quelconque mécanique.
L’engin aurait pourtant bien besoin d’un remplaçant.
Il a suivi de près les barges du débarquement de 1944, est asthmatique et fonctionne encore au pétrole, c’est dire !!!
Dés les beaux jours donc, la Fanette charrie l’herbe aux lapins, ou tracte l’antique bineuse entre les rangées de pommes de terres ou de carottes fourragères.
Sa grande expérience lui évite d’offenser le moindre plant et c’est l’habitude de la tâche tant de fois accomplie qui la fait tourner en bout de raie sans que l’homme ne dise mot.
Elle passera ensuite tout l’été au bord de la rivière, à l’ombre fraîche des aulnaies sous lesquelles les insectes lui laisseront quelque répit.
Tout en mâchonnant le Carex râpeux et la Rauche amère, peut-être songe-t-elle à ces étés brûlants durant lesquels, faneuse au cul, elle écumait sous le harnais.
Aux premières feuilles rousses, elle s’active à nouveau entre les robustes limons de frêne et c’est par pleines charretées qu’elle ramène la récolte de pommes de terres surmontées des fagots de haricots qui sècheront sous les poutres du fenil.
C’est alors qu’à l’âpre odeur des fanes séchées se mêleront les subtils parfums des précieux tubercules tout enrobés de terre chaude encore du soleil de l’été.
Durant l’hiver,Le Louis se régalera de temps à autre d’une grosse patate à la peau craquelée d‘avoir longtemps cuit sous le couvercle de la chaudière à bois.
C’est toujours ensemble,qu’Octobre venu, ils récolteront en pieds de haies ces petites pommes dures dont le vieux fera un cidre qui ne sera vraiment buvable que jusqu’à la saint Sylvestre.
Après, ma foi !!!
Enfin, aux premières gelées, elle l’accompagnera dans la récolte des topinambours dont un sympathique nourrain fera son délice en attendant la Noël et… Son tragique épilogue.
Ils ont ainsi cheminé ensemble et l’affection de son cher complice lui aura évité une fin misérable et l’ignoble couteau. C’est pourtant par un beau soir d’automne que, paisiblement, elle s’est couchée une dernière fois, laissant le brave homme éploré.
Le Louis n’avait qu’un ami, alors jeune gamin, et lui avait transmis, précieux héritage, tout son savoir.
Les harnais de la belle, faute de soins appropriés, ont fini de bien vilaine façon, mais le vieux môme possède toujours la gerbière et la bineuse de son enfance.
Amoureusement entretenues, elles font le bonheur des enfants du village,lorsque par quelque chaude soirée d’été, les hautes roues cerclées de fer raclent les pierres du chemin.
Ils sont alors nombreux à se laisser bercer par le pas lourd de son fort cheval et quand une ou deux fois l’an, la bineuse reprend du service,Il y a toujours une petite main pour guider le brave animal.
Michel Meton
Les photos montrent le "remplaçant" de la Fanette, un welsh, attelé à une charette à âne.
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