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Musée des carrosses de Versailles 2;
Char funèbre de Louis XVIII
Comme nous l’avons décrit dans l’article La collection du musée des voitures de Versailles en 1851. , la collection du Musée des carrosses de Versailles était présentée dans un local spécifique situé prés du Trianon. Sa réinstallation aux grandes écuries, en 1985, amena les conservateurs à faire une étude exhaustive de l’ensemble des voitures. L’état d’un des véhicules, de type corbillard, posait tout particulièrement question, aussi bien par son état de conservation que par le manque d’information sur son origine.
Le char funèbre avant sa restauration
Ce char funèbre, en mauvais état, se trouvait constitué de différentes pièces détachées. Pouvait-il être présenté au milieu des voitures, carrosses berlines, au vécu chargé d’histoire? Curieux mystère de la volonté humaine, il est devenu un des fleurons du musée. C’est grâce au travail de recherche et de restauration, mené par M Daniel Meyer, conservateur en chef du musée de Versailles, et son équipe, que ce phénix, si l’on peut dire cela d’un tel véhicule, renaquit de ses cendres.
"C’est à partir de l’examen de la voiture, de ses marques d’origine; M.R. 1790 comportant la couronne royale surmontée de trois fleurs de lys, et de l’observation d’un dessin à la plume de Chasselat montrant la translation du corps de S.M. Louis XVIII à St Denis, que Monsieur Roland Bossard, documentaliste au Musée National des chateaux de Versailles et de Trianon, identifia ce char funèbre comme étant celui du dernier Bourbon mort aux tuileries" -cf.Les funérailles de Louis XVIII de Pascal Moreaux-.
Dessin à la plume de Chasselat
Le char avait conservé les sculptures de quatre divinités ailées supportant le dôme et réalisées pour le char funèbre de Louis XVIII. Ce fut une des raisons qui amenèrent le conservateur à faire le choix de restaurer le char avec la décoration utilisée pour les obsèques de Louis XVIII. Ce choix a été conforté par l’existence d'archives, factures, devis,... sur cette réalisation. Différents éléments d’origine de la décoration avaient été conservés et pouvaient donc servir de modèle comme le drap de présentation et le drap du corbillard (Mobilier national à Paris).
Détail du drap de présentation: velour de soie noir, grande croix moire de 65 cm, galon d’argent. Côté du drap ; satin blanc crême imprimé de 4 armoiries.
Le drap de corbillard : drap de laine blanche, grande croix; gaze d’argent, galon d’argent. Côté du drap satin crême, imprimé comme le drap de présentation.
La restauration mise en place en collaboration avec les spécialistes des ateliers des musées nationaux, débuta en 1987. Elle concernait les sculptures et la fabrication de la couronne du dôme d’après un dessin de Hittorff.
Ange caryatide porteur de palme, symbole de l'espérance et de la résurrection
Détail du dôme restauré
Elle put continuer en 1991 grâce à une convention de parrainage et de soutien financier, mise en place par la Société des amis de Versailles et les Pompes Funèbres Générales. Les PFG firent appels aux sociétés lyonnaises de Jais et Carrier-Feige-Renaud pour reconstituer et assembler avec les techniques anciennes; tentures, tapisseries, broderies, passementeries, …
Cette série de photos vous permettra d’apprécier la qualité et l’authenticité de cette restauration.
La réalisation de cette restauration s’est appuyée sur une recherche technique mais aussi historique. Ces différents travaux et autres documents nous permettent de vous présenter l’histoire de ce véhicule qui a participé du XVIII° au XIX° siècle à une dizaine de grands évènements historiques; de l’Ancien régime à la troisième République, en passant par l’Empire.
Nous savons déjà, par le marquage de la voiture présentée, qu’elle a été intégrée aux écuries royales en 1790. Ses caractéristiques techniques laissent à penser qu’elle fut à l’origine une imposante berline de voyage. Cette hypothèse est reprise par Béatrix Saule dans "Visite du Musée des carrosses" : « A l’examen de sa structure, certains spécialistes avancent l’hypothèse du remploi d’une ancienne berline, dont les dimensions imposantes permettent d’évoquer celle de la fuite à Varenne ».
Ce qui est sûr, c’est que des écuries royales, elle intégra les équipages du premier empire. Paradoxe de l’histoire, cette « résurrection » se fit par sa participation aux obsèques d’un ancien apprenti teinturier, Lannes, devenu Maréchal d’Empire et Duc de Montebello.
Compagnon de route de Napoléon depuis la première campagne d’Italie, Lannes participa au coup d’état du 18 Brumaire et aux nombreuses guerres napoléoniennes. C’est un homme apprécié de l’empereur qui dira de lui:
« Il était d’une bravoure extraordinaire. Il était sage et prudent, d’un sang froid imperturbable. Calme au milieu du feu, il possédait un coup d’œil sûr et pénétrant. Il était supérieur à tous les généraux de l’armée française sur un champ de bataille pour faire manœuvrer vingt cinq mille hommes d’infanterie…Chez Lannes, le courage l’emportait d’abord sur l’esprit ; mais l’esprit montait chaque jour pour se mettre en équilibre; je l’avais pris pygmée, je l’ai perdu géant »
Lannes mourut à la bataille d’Essling, le 22 Mai 1809. Napoléon fit embaumer son corps qui fut transporté à Strasbourg. Ce n’est que le 6 Juillet 1812 qu’il lui organisa des funérailles grandioses.
Mort du Maréchal Lannes par A.P. Bourgeois
A cette occasion, l’ancienne berline transformée devint le char funèbre du Maréchal et fut alors ultérieurement désignée sous le patronyme de « Grand Carrosse de Montebello » -cf. Les funérailles de Louis XVIII-
En 1820, le Duc de Berry, apparenté aux ultras et fils du futur Charles X, fut assassiné par un bonapartiste Jean Louis Louvel.
Ses obsèques furent organisés avec une pompe imposante.
Le char funèbre fut transformé par les architectes Lecointre et Hittorff, de l’administration des menus-plaisirs.
Le cortège place Vendome
Ils firent appel à de nombreux maîtres artisans dont le sculpteur Roguier et le carrossier Prelot pour réaliser les travaux dans les délais les plus brefs.
En 1824, l’organisation matérielle des funérailles de Louis XVIII fut confiée à MM Hittorff et Lecointe. Le caractère exceptionnel qui devait être donné à ces funérailles les amena à faire embellir le char funèbre de la façon somptueuse sous laquelle nous pouvons l’admirer actuellement.
Il manque sur la voiture restaurée le manteau d'hermine de Louis XVIII conservé à la basilique de St Denis
La translation du corps du Roi, des Tuileries à St Denis, a été décrite par F Ribes, médecin ordinaire de l’hôtel Royal des invalides. Voici une synthèse de son récit: Le 24 septembre, le départ du cortège, d’environ 2,4 km de long, était annoncé par 101 coups de canon et la grosse cloche de Notre Dame de Paris, entrainant avec elle celles de toutes les églises de Paris. Le convoi était ouvert par les états-majors des corps d’armée, suivi des bataillons marchant au son des tambours voilés. Venaient alors les différents corps de garde de l’infanterie et de la cavalerie, les officiers généraux, la garde nationale, à pied et à cheval, et la députation des charbonniers et des forts des halles, dans leurs costumes traditionnels. Enfin, juste après les officiers de la maison du Roi, venaient les quatorze voitures de la famille royale. Elles étaient drapées de noir et portaient sur le siège et les portières le blason aux armes de la France. Chacune était attelée à huit chevaux recouverts de draperies noires parsemées de larmes dorées et argentées. La dernière voiture était le luxueux carrosse du Dauphin qui précédait lui-même le char funèbre. « Les huit chevaux qui le tiraient étaient couverts de caparaçons de deuil en velours; toutes les franges, galons et cordelières, de même que les larmes étaient en argent. Seuls les lys étaient brodés en or. »
Depuis cette date, les tentures, les décorations et le dôme furent souvent modifiés pour s’adapter aux cérémonies mortuaires auxquelles le char funèbre participa.
1830 Obsèques du dernier des princes de Condé.
Retrouvé pendu à l’espagnolette d’une fenêtre; suicide, assassinat, accident du jeu de la strangulation, on ne saura jamais ce qui a entrainé son décès.
1835 Obsèques du Maréchal Mortier.
Le maréchal d'Empire Mortier eut une longue carrière militaire et politique et devint même ministre de la guerre et président du conseil, sous Louis Philippe. Il en démissionna le 20 février 1835. Il fut tué avec onze autres personnes lors de l’attentat de Fieschi visant Louis Philippe.
Dessin faisant partie d'une collection de dessins réalisés par des bagnards au XIX° Siècle
30 Juillet 1842 Obsèques de Monseigneur le Duc d’Orléans
Il est mort le 13 juillet lors d’un accident de voiture. Les chevaux de sa calèche s’étant emballés, il voulut s’élancer de la voiture pour l’arrêter et se brisa la tête sur le pavé. Cette mort inspira à son ami, Alfred de Musset, le poème « Treize Juillet »
1860 Obsèques du Roi Jérôme, frère de Napoléon1°.
Ce frère de Napoléon épousa, en 1807, la princesse Catherine de Wurtemberg et fut, quelques jours plus tard, créé Roi de Westphalie par son frère. Avec la chute de l’empire il perdit son royaume et du se réfugier chez son beau-père. Il ne recevra le droit de rentrer en France qu’en 1847. En 1848, il fut nommé gouverneur général des Invalides, Maréchal de France en 1850 et président du sénat, en 1851. Avec le rétablissement de l’empire, il fut réintégré par son neveu dans le titre et les honneurs de Prince impérial. Il eut des obsèques à la hauteur de son tout nouveau statut.
Funérailles du Roi Jérome Estampe musée d'Orsay
Voici deux représentations quelques peu différentes, extraites de journaux.
Dessin provenant de "l'Univers illustré" Nous pouvons noter des différences entre les deux premières représentations et celle ci
1894 Obsèques de Sadi Carnot.
Sadi Carnot fut nommé président à la suite de la démission de Jules Grevy, mis en cause dans l’affaire des décorations. C’est au moment du vote des « lois scélérates », visant à réprimer l’agitation syndicale et anarchiste, qu’il se fit poignarder par l’anarchiste italien Géronimo Casério.
Les trois photos suivantes sont attribuées, sous réserve par leur propriétaire, aux funérailles de Sadi Carnot:
Ainsi le parcous de ce char funèbre a croisé la route de bien des destins et tragédies ; morts à la guerre, suicidaires, victimes d’assassinat,…Il fut ornementé aux marques des différentes familles royales impériales et pour finir de la République.
Mais c’est sûrement les dernières funérailles auxquelles il participa qui furent le plus particulières.
1899 Obsèques de Félix Faure
La particularité de ces funérailles provient ,en partie, de la personnalité même du président Félix Faure, plus connu par les circonstances de son décès (suite à un malaise survenu lors de galants ébats) que par son œuvre politique.
L’abbé venu lui donner les derniers sacrements posa la question « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? » il lui fut répondu « Non elle est sortie par la porte de service »
Mais le plus surprenant est que ses funérailles furent précédées d’une semaine d’agitation et se conclurent par une tentative de coup d’état.
Obsèques de Felix Faure
Ce coup d’état, plus que raté, fut préparé par la Ligue des patriotes et le nationaliste Paul Déroulède. A l’issue des funérailles, celui-ci pris le cheval du général Roget par la bride et adjura ce dernier de le suivre à l’Elysée « pour sauver la France et la République ». Le général le fit arrêter et cette affaire se termina par l’acquittement de Déroulède au tribunal.
La vieille dame rentra dans sa remise et il fallut attendre le déménagement du Musée des carrosses et la détermination de toute une équipe pour que sa place dans l’histoire fût reconnue.
Texte: Figoli
Photos: Figoli et photos de courtoisie.
Bibliographie:
Visite du musée des carrosses de Béatrix Saule
Les funérailles de Louis XVIII de Pascal Moreau
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Maquette réalisée en France et exposée à Houston aux états unis