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Troïka
« …on monte dans une Troïka, et le rapide équipage avec ses trois chevaux en éventail, part au milieu d’un tintement de grelots soulevant une poussière argentée. » (Théophile Gauthier)
Je vous propose de vous laissez entraîner, vous aussi, dans cet attelage mythique au milieu des grandes plaines, dans la musique des cloches, des grelots, du claquement du fouet, …du hurlement des loups.
Cet attelage permettait de relier tous les territoires et cultures de l’immense Russie. Vous auriez pu y découvrir tous ces habitats présentés à l’Exposition Universelle de 1867.
Le terme de troïka ne définit pas un type de voiture ou de traîneau mais une technique spécifique d’attelage qui prend naissance dans les services de poste de la Russie.
Voiture publique 1867
Au 18° siècle, les services de transport et de relais de poste étaient, comme dans pratiquement tous les pays, critiqués par les voyageurs. Mais, en plus de l’état des chemins, les intempéries et les animaux sauvages, en particulier les meutes de loup, rendaient le voyage encore plus périlleux.
Cependant, une des qualités reconnue de cette poste était sa vitesse liée à la technique d’attelage à trois chevaux de front, dite troïka. Cet équipage avait la réputation « d’être aussi rapide qu’un oiseau ». Cette vitesse était bien entendue facilitée par les étendues plates des grandes plaines russes. Au vu des conditions climatiques, spécifiques aux territoires de la Russie, trois chevaux n’étaient pas toujours suffisants.
Il était souvent nécessaire de prendre des chevaux de renfort.
« En Russie on attelle toujours trois chevaux devant la voiture…C’est ce qu’on appelle un troïka. Si la voiture est lourde et les chemins mauvais, on ajoute deux autres chevaux au devant des premiers. La neige ayant une profondeur d’une aune et nos lourdes voitures posées sur des traineaux bas et grossiers les faisant enfoncer…, les paysans attelèrent 7 chevaux devant la troïka » (Souvenir d’un voyage en Sibérie de Christopher Hansteen.) Suivant les difficultés, l’attelage pouvait se composer de 10-12 chevaux et Hansteen parle même de 18 chevaux.
La voiture ou le traîneau utilisés étaient trés rustiques, souvent dépourvus de suspension, donc facilement réparables. On trouvait; Téleque,Tarantass,...
Téleque
Ils étaient équipés d’un brancard spécifique ainsi décrit par R Lefevre des Noettes :
« Au XVI° siècle, on voit apparaître sur des documents russes la Duga, sorte d’arcade élastique qui va d’un brancard à l’autre par derrière le garrot et se trouve relié, d’une part au collier moderne, et de l'autre aux brancards par de courtes lanières qui font office de trait »
La traction s’effectue donc par l’extrémité des brancards.
Détail du collier et des liens avec la duga
En troïka, le cheval placé entre les brancards trotte alors que les chevaux attelés sur chaque côté maintiennent un galop rapide. Cette technique d’attelage était donc renommée pour la vitesse (de 40 à 50 Kms par heure suivant les auteurs), la capacité de chargement, la manœuvrabilité et la stabilité de l’attelage.
Le cocher avait dans ses mains quatre guides, deux pour le limonier et une pour chaque galopeur comme le montre le schéma ci-dessous.
Ce montage des guides donnait aux chevaux cette position si caractéristique.
Les chevaux devaient être sélectionnés et entraînés pour ce type d’équipage. Cette sélection donna naissance par exemple à la célèbre race du trotteur Orlov créée par Aleskey Orlov.
Ce cheval est considéré de par sa longue foulée, son trot rapide, son endurance et son élégance, comme le meilleur cheval de troïka. Mais cet aboutissement de la sélection n’apparut que dans une utilisation plus tardive pour les voitures de maître ou les courses. Les chevaux utilisés dans les relais de poste étaient loin d’être de la même étoffe. Dans les guides de voyage et œuvres romanesques nous pouvons trouver de nombreux témoignages de la qualité « aléatoire » des chevaux fournis par les relais.
Il est indéniable que seuls des cochers très entraînés pouvaient manier un tel équipage à grande vitesse. Suivant les besoins, il devait pouvoir agir indépendamment sur chaque cheval. D’origine paysanne, les cochers se transmettaient le métier de père en fils.
La profession de cocher de troïka était prestigieuse et reconnue ; par exemple, ils étaient exonérés de l’ « impôt de capitation ». Ils portaient des vêtements caractéristiques.
« Les cochers qui, je le répète, sont les plus élégants d’entre les moujiks, portent hiver comme été le caftan, c'est-à-dire une longue robe de drap bleu, plissé à la taille et serrée par une ceinture de couleur tranchante presque toujours rouge » (Petersburg et Moscou de Léon Godard 1858)
L’utilisation des troïkas s’étendit aux maisons de l’aristocratie.
Elle s’élargit aux voitures de louage comme nous l’explique Léon Godard dans l’opus précédemment cité.
« Le paysan russe a une prédilection particulière pour ce métier qu’il exerce avec passion, avec frénésie ; dès dix douze ans, employé dans les écuries du seigneur auquel il appartient, il n’a qu’un souci, devenir cocher, et s’il ne peut l’être chez son maître, il demande la permission de se placer chez un loueur. Avec le temps, il achète un cheval et un Droschky et dès lors, le monde est à lui, il a son idéal….Dans la rue, le passant bien habillé n’a besoin que de se retourner une fois pour voir arriver à brides abattues une douzaine d’entre eux »
Sur ces tableaux, hormis les magnifique berlines, vous pouvez voir plusieurs voitures de louage attelées en troika complète ou partielle ce qui donne une présentation étonnante à certains attelages avec un cheval au trot et l'autre au galop.
Le troïka, symbole de la liberté des grands espaces, portait donc aussi un espoir de liberté pour le moujik qui le conduisait. C’était cependant une liberté très contrôlée et il lui fallait éviter à tout prix quelconque accident.
« Celui qui écrase un passant (chose rare) est arrêté, et on le fait soldat si l’individu est mort de suite de ses blessures ; sinon il reçoit une punition corporelle et son cheval est confisqué au profit du dépôt des pompiers. »
L'été ils utilisaient le Droshki, mais malheureusement pour le voyageur pas toujours aussi bien suspendu que celui ci.
Pour l'hiver, voici un type de traîneau utilisé(Conservé au musée de Marcigny)où les passagers sont protégés des intempéries par la position semi debout de leur cocher.
Une autre caractéristique de la troïka est bien sûr la musique de ses cloches et grelots.Traditionnellement, les paysans qui assuraient le service de la poste avertissaient de leur arrivée au relais en utilisant un sifflement strident jugé incommodant pour les voyageurs. Pierre 1° ne réussit pas à imposer la pratique de l'utilisation des trompes des autres pays d’Europe. Le sifflement fut interdit et remplacé plus tard par des cloches accrochées à la duga ce qui valut à cet équipage d’être considéré par certains comme un instrument de musique.De plus cet environnement sonore était renforcé par de nombreuses clochettes et grelots installés sur le harnais.
Ensemble de l'équipement en cloches et grelots
Détail d'une cloche.
Avec l’arrivée du chemin de fer, l’utilisation de la troïka pour les services de poste fut progressivement abandonnée. Par contre, leur utilisation pour les voitures de louage, les festivités et les courses s’intensifia.
La première course fut organisée en 1840 à l’hippodrome de Moscou.
Mises en sommeil pendant la période soviètique, ces courses sont revenues à la mode.
Ce symbole de la Russie fut présenté dans différentes expositions universelles comme ici au grand palais à Paris.
On retrouve des représentations de troika sur de multiples objets
Le terme de troïka fut par la suite largement utilisé en politique où les fauves sont sûrement plus nombreux et féroces que cette troïka d’ours.
Vous trouverez de trés nombreuses représentations de troïka dans les albums: