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Par figoli
Vide-grenier
Affalée derrière mon stand, dans un fauteuil de camping,
je regarde le jour se lever sous les platanes, au bord de la Saône, à
Tournus. Deux cafés ne m’ont pas sortie du brouillard. Tomber du lit
aux aurores, rouler une heure au ralenti afin de ménager le barda qui
bringuebale dans la voiture, décharger, installer… dur.
- Non monsieur, je n’ai pas de lampe de mineur… une tasse à moustache,
euh, non… soyez gentil, laissez-moi décharger. Oui, j’ai des cartes
postales de la région. Repassez plus tard, s’il vous plaît, je ne sais
plus où je les ai mises.
Il y a en a, comme ça, que l’on retrouve, une lampe de spéléo sur la
tête, à plat ventre dans les cartons.
Des rafales de vent froid prédisent une journée difficile. Je lorgne
déjà sur la remorque de la marchande de crêpes dont l’odeur achève de
me réveiller.
Pas la foule, mais des gens qui ont l’air de vouloir acheter sans trop
rechigner… j’ai un beau stand, enfin… c’est ce que l’on me dit, ça va
peut-être marcher.
Vers 10 heures, je vois arriver un petit monsieur plus très jeune avec
une selle et des bottes à la main. Il est vêtu d’une élégante veste
cavalière un peu fatiguée qu’il porte sur un gilet de velours fané.
Entre les stands qui me font face, il déroule un bout de couverture sur
le sol, y dépose la selle, les bottes, deux cravaches, un mors à
aiguilles et une paire d’éperons. Puis il ôte sa veste et la dispose
entre les bottes et la selle.
Debout, il attend.
En manches de chemise, il n’a sûrement pas chaud.
Vers 13 heures, alors que chacun avale un sandwich, une gauffre ou le
contenu d’une gamelle, lui se nourrit de rien.
Souriant, il s’avance vers moi et me demande si ça marche…?
- Pas si mal, et vous ?
- Non… lui n’a rien vendu. Il a remarqué que j’ai des mors d’attelage.
Bien entendu nous évoquons les chevaux, mais comme il se sépare
probablement de ce qui lui tient le plus à cœur, je prends garde de ne
pas poser de question et lui propose des pommes :
- Vous en voulez ? Servez-vous, je ne mangerai pas tout ça.
Confus, il accepte.
ll est visiblement intéressé par une paire de chaussures pour homme
quasiment neuves dont on m’a confié la vente :
- Si je vends quelque chose, je les achèterai.
- D’accord. Je vous ferai un prix.
Passent les heures. Passe la foule aussi, qui ne le voit même pas.
Vers 17 heures, quand commence en douceur le remballage, je me rends
soudain compte que le petit monsieur a disparu. Dans la foule, je
reconnais la veste qui s’éloigne.
Personne n’a voulu de ses rêves.
Oppressée, je me dis que j’aurais du les acheter… il faut si peu de
choses, parfois… parce que si quelques bonnes âmes, de temps en temps,
prennent au pré de vieux chevaux, on n’en voit pas qui prennent les
vieux cavaliers.
Julie Wasselin
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