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Par figoli
Voitures de porteur d’eau et de livreur de bain
Difficile au premier abord de définir l’utilisation de ce véhicule. Pourtant, il est une variante des plus abouties de véhicules qui ont sillonné pendant des siècles les rues de Paris. Ils fournissaient en eau la population de la capitale. Celui-ci est particulièrement dédié à la livraison de bains à domicile.
Avant de décrire en détail ce véhicule assez étonnant, je vous propose de découvrir l’origine et le développement de ce métier peu ordinaire; législation, organisation, matériel,…
Si le ravitaillement en eau est une des tâches de la « domesticité », l’accroissement des villes, pas toujours bien équipées en fontaines, entraîne la nécessité de faire appel à des porteurs d’eau. Il est difficile de donner une date exacte de l’apparition du métier de porteur d’eau. A Paris, en 1292, le " livre de taille" fait mention de la corporation de porteurs d’eau, forte de 58 membres.
S’il est vrai que les acteurs de ce métier sont majoritairement, au XVII° siècle, des paysans venus du massif central, cette situation se modifie à la fin du XVIII° comme le montre cette étude de l’INED.
A la fin du XVIII° siècle, Mercier ne recense pas moins de 20000 porteurs d’eau à Paris. On peut discerner les porteurs à tonneau des porteurs à bras, que nous allons rapidement évoquer.
Le métier de porteur à bras ne nécessite que peu d'investissement; un joug ou une balance et deux seaux, mais il n'apporte que de faibles revenus. Les archives ne donnent que peu d’information sur leur activité, hormis les rixes autour des fontaines, les plaintes des bourgeois contre leur agressivité,... Ce sont souvent des « gagne deniers » qui pratiquent aussi le portage de bois de charbon, le déménagement,…
La deuxième catégorie est celle des porteurs au tonneau. Leurs tonneaux pouvaient être transportés par des charrettes à bras ou à traction animale; ânes, chevaux. Dès le XVIII° siècle, ces tonneaux étaient armés de soupapes et de tuyaux de cuir.
De 1830 à 1880, le nombre de porteurs d’eau au tonneau varie, suivant les années, de 800 à 1800 dont les trois quarts utilisent des charrettes à bras. Par exemple, sous le second empire, en 1858, on recense 7 tonneaux attelés à des ânes, 204 à cheval, et 662 tirés à bras.
A partir de 1811, des questions d’hygiène et d’ordre public amènent l’administration à renforcer la législation (ordonnances de 1815,1829, 1837, 1845). Pour éviter qu’ils n’aillent puiser dans les eaux malsaines des canaux, l’ordonnance royale de 1815 oblige les porteurs à tonneaux à se fournir aux fontaines marchandes de la ville qui fournissent une eau filtrée dite « clarifiée ».
Cette législation ne s’appliquera pas sans de nombreuses difficultés et les registres regorgent de plaintes et sanctions allant de l’amende à la prison.
Une autre obligation est source d’infraction. La nuit, les tonneaux doivent être remisés, pleins, dans des endroits désignés par la préfecture afin de servir en cas d‘incendie. De nombreux porteurs dérogent à cette obligation en enfermant dans leur remise cette eau si chèrement acquise aux fontaines marchandes.
Chaque tonneau est marqué et identifié avec sa contenance. Devant les fraudes, la préfecture réagit en règlementant tout ; forme , dimensions, couleurs
Ex : ordonnance 1811
Le contrôle des jeaugeages est régulièrement effectué (ici en 1877)
Si tous ne font pas fortune, certains réalisent de bons bénéfices comme le montre l’étude de certaines successions. Un des porteurs d’eau des plus connus est Marcellin Cazes qui racheta la brasserie Lipp et en fit un haut-lieu de la vie parisienne. Il est à noter que son activité était assez particulière. En effet, en plus de l’eau, il fournissait la baignoire. C’était un livreur de bain.
Les livreurs de bain disposaient, au début du XIX°, d’un tonneau d’eau chaude et d’un tonneau d’eau froide ou simplement d’un tonneau d’eau chaude pour les immeubles qui disposaient d’un robinet d’eau froide dans la cour. Le livreur montait la baignoire à dos d’homme puis l’eau à l’aide de seaux sans, bien sûr, rien renverser. Il attendait sur le pallier que le bain soit pris et redescendait baignoire et eaux usées.
Pour porter leur équipement il se servaient de charrettes à bras ou de voitures attelées.
La partie avant recevait les baignoires alors que la partie arrière était réservée au tonneau
Mais il existait des modèles plus sophistiqués comme cette voiture présentée par Guillon dans le journal "Mercure".
« Cette voiture, dont nous vous donnons deux dessins qui permettent parfaitement d’en apprécier les dispositions et la construction, se compose d’un cylindre en tôle ayant 1,63 m de longueur et de 0,62m de diamètre. Ce cylindre est divisé en deux parties dont la grande est destinée à contenir l’eau chaude et la petite l’eau froide; le tout suffisant à deux bains.
A la partie supérieure sont deux orifices distincts pour l’introduction du liquide. A la partie inférieure, chaque partie est aussi munie d’un orifice, mais qui, au moyen d’une disposition spéciale, se réunissent tous les deux dans un commun tuyau de dégagement auquel est adapté une cannelle qui, suivant la manière dont on la tourne, permet d’obtenir à volonté l’eau chaude ou l’eau froide.
A l’avant de tout ceci est placé une sorte de grand châssis adapté sur des ressorts maintenus par des supports en fer. Ce châssis est disposé de façon à recevoir trois baignoires et, au devant, le siège du cocher, de chaque côté duquel est aussi un seau. Ces seaux ont une destination toute spéciale : ils servent à chauffer des peignoirs au « bain marie ». La coupe jointe à la vue de côté en montre les dispositions. Le cylindre intérieur, sans communication avec le pourtour, sert à contenir le peignoir, et se ferme par un couvercle; autour est l’eau chaude que l’on introduit, au moyen d’un entonnoir, par un orifice placé à la partie supérieure qu’on ferme par un écrou à vis, et à l’opposé est un autre orifice plus étroit et destiné au dégagement de l’air. Ces deux seaux sont en cuivre.
Tel est son ensemble, l’agencement de cette voiture, qui remplit parfaitement le but pour lequel elle a été construite.
Les verts fins ou les bruns Van-Dick sont les couleurs les plus convenables pour ce genre de voiture. GUILLON »
Les bains douches remplaceront progressivement cette pratique avant la généralisation des salles de bain dans l'habitat. A Paris, cette pratique du portage d'eau et de bain s'éteindra progressivement dans la dernière décennie du XIX° siècle.
Figoli
Photos:
col. Figoli et courtoisie
Documentation :
Bouges porteur d’eau aveyronnais(link)
Marcellin Cazes livreur de bain (link)
Tonneau de bain /journal mercure 15 Décembre 1860/source Gallica
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