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Dans une cave où y’a du bon vin…

Dans une cave où y’a du bon vin…

Dans une cave où y’a du bon vin…

 

La vigne plantée sur les collines surplombant la voie gallo-romaine d’Agrippa, au nord-ouest de Mercurey, produisait un pinot noir qui valait le détour et j’aimais à y conduire les amis de passage. C’était surtout pour rencontrer le vigneron, un personnage à la manière de Gabriel Chevallier, qu’il fallait y aller.

Habituellement, il nous accueillait près de son tracteur, un chiffon plein de cambouis à la main, lequel chiffon avait dû être une merveille de chemise en dentelles que je n’aurais même pas osé enfiler de crainte de l’abîmer… non, il ne le vendait pas.

Dans la cave, où il nous menait fièrement, d’impressionnants foudres centenaires montaient la garde.

Avec un accent où roulait des cailloux, le béret enfoncé jusqu’aux yeux, le ventre en avant et les poings sur les hanches, il nous détaillait avec force détails comment sa femme pénétrait chaque année dans les foudres pour les détartrer à l’aide d’une mailloche, parce que :

- Quand les plaques de tartre se détachent, ça nuit à la qualité du vin, alors, ma femme se dévoue… c’est pas facile pour elle, vu sa paire de hanches… voyez ben que l’entrée du foudre est très petite, alors, faut qu’elle y aille, tout par un coup, la tête la première ! C’est comme qui dirait un accouchement, faut passer un bras et puis l’autre et puis une hanche et puis l’autre, mais ça va bien parce que je l’empoigne et que je la pousse… et petit à petit, ça passe. Faudrait pas qu’elle prenne du gras… après je lui file une baladeuse pour qu’elle voit ce qu’elle fait, parce que c’est noir comme dans un four là dedans, puis de temps en temps, elle vient mettre la tête dehors pour respirer ; les vapeurs, ça saoule, hein ? Faut pas qu’elle y reste trop longtemps. Après,bien sûr, faut la ressortir, et c’est pas facile, croyez-moi, parce qu’elle est toute ragouée[1].

Il se lançait ensuite amoureusement sur les qualités de son vin :

- L’avantage du bois, voyez-vous, c’est qu’il est poreux. Ça oxygène le vin et ça permet un meilleur vieillissement. Les rouges, ça stabilise leur couleur, puis ça catalyse leurs tanins ; du coup, ça leur ôte de la sécheresse et ça leur donne de la rondeur et du soyeux.

Et c’est vrai qu’il était fameux, son vin.

 

Puis, invariablement il nous montrait quelque chose qui n’existe plus, la chambrée des vendangeurs, une incroyable pièce toute en longueur où, sous d’énormes plumons rouges, s’alignaient côte à côte une vingtaine de lits à rouleau. On imaginait bien l’ambiance…

- C’est qu’on récolte toujours à la main chez nous, hein, faut du monde… même que certaines parcelles, on les travaille encore avec les chevaux.

Intarissable, il ne nous laissait jamais partir sans nous avoir présenté ses auxois, ni sans avoir parlé d’eux avec la tendresse dans la voix.

- Y vous font le rang de vignes tout seuls et en ligne, ces deux là… et je peux vous dire que ça va droit.

Alors, après avoir empli jusqu’à la garde le coffre de notre voiture de ses bonnes bouteilles, la trogne rubiconde, nous repartions de chez lui en chantant :

- « Si je meurs, je veux qu’on m’enterre dans une cave où y’a du bon vin… »

 

Texte:

Julie Wasselin


[1] Saturée.

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