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Tramway hippomobile de Marseille
1876-1899
Au XIX°, la généralisation et la modernisation continues des transports publics urbains, souvent initiés dans la capitale, se diffusaient progressivement dans les villes de province.
C’est le cas des tramways hippomobiles initiés à Paris ** et qui furent utilisés dans de nombreuses villes ou simples bourgades.
Par exemple, la mise en place du tramway parisien, en 1853, fut suivie tardivement par celle du tramway marseillais puisque l'appel d'offre fut lancé en 1872 et la première ligne inaugurée en 1876.
Pour mieux comprendre l'organisation des transports marseillais, revenons aux origines tardives des omnibus dans cette ville.
En 1840, un dénommé Brousset lança trois liaisons d’Omnibus urbain (Place royale; Bonneveine, Mazargues et Saint Just). Dès 1849, sept entrepreneurs se faisaient concurrence et, en 1854, vingt cinq sociétés exploitaient 69 liaisons, ce qui correspondait à l’emploi de 80 voitures, 500 chevaux et 400 employés. En 1856, la Compagnie générale des Omnibus de Marseille, suite à un accord avec la mairie, évinça ces petits exploitants. Elle fut, elle-même, rachetée par la Compagnie lyonnaise des Omnibus (CLO), en 1857. En 1872, la CLO se vit attribuer, par la mairie, 25 lignes desservies par 139 omnibus. Dans le même temps, le maire lança un appel d’offres pour « un chemin de fer américain », c'est-à-dire un tramway à cheval aux voitures guidées par des rails à gorge enchâssés dans le pavage. Ce fut le projet de Frederic de la Hault qui fut retenu. Il signa, fin 1873, une convention de 50 ans pour la mise en place de 7 lignes.
Fort de cet accord, il créa, en 1875, avec la banque française et italienne, une société anonyme au capital de 10 millions de francs or ; « La Compagnie générale française des tramway » (CGFT), qui gérait également les services de tramway au Havre et à Nancy. Epaulé par les ingénieurs Tielemans et de Baker, il réussit à livrer à l’exploitation les voies de chemins de fer et les constructions en moins de huit mois. La première ligne de tramway fut inaugurée le 21 Janvier 1876.
Cette première ligne, d’une longueur de prés de 2 kms, montait, par une rampe douce, de la Cannebière au plateau de Longchamp. Malgré les appréhensions pessimistes de certains et une presse longtemps hésitante, drapeaux aux balcons et foule compacte rassurèrent ses initiateurs sur le succès à venir du tramway.
Nous vous proposons de découvrir l’organisation de ce service au travers d’extraits et d’illustrations du journal l’Illustration du 5 Février 1876.
« Le réseau complet aura 36 km de développement ; les rues les plus importantes, les promenades les plus fréquentées, le Prado, le chemin de la Corniche, seront parcourues par les voies. Le service se fera par mille chevaux et cent voitures. Deux magnifiques établissements ont été construits ; l’un à Saint Just, dont nous donnons la vue panoramique ; l’autre au Prado.
Saint Just est un établissement vraiment important dont le caractère utile et le cachet de sévère et de franche élégance frappe le visiteur. Les bâtiments sont rangés autour d’une vaste cour d’entrée, sillonnée par les voies ferrées de service et les chaussées pavées qui découpent les pelouses. Les trois longs bâtiments, à gauche du dessin, comprennent six écuries pour six cents chevaux ; en tête de chacun d’eux sont des logements, des bureaux, ainsi que des appareils pour la manutention des fourrages et des grains, une des installations les plus réussies. Des manèges, dont le pivot seul est apparent dans les cours en dehors du temps de fonctionnement, transmettent le mouvement aux ascenseurs, aux hache-paille, aux tarares, aux vis d’Archimède, etc.
Les grains, montés dans les tarares, blutés, sont rejetés dans les silos et remontés pour la consommation journalière ; puis répartis dans les trémies à compteur pour la consommation d’un groupe de chevaux. Le tout est fait mécaniquement. La paille hachée et rationnée, arrive dans des séries de corbeilles sur wagonnets à des trappes qui correspondent dans les écuries à une rangée de chevaux. Des descentes automotrices amènent le tout au rez de chaussée.
Les greniers communiquent entre eux par des passerelles et sont sillonnés de rails comme une petite gare de marchandises.
En laissant les bâtiments des écuries, qui comprennent aussi les selleries, les lampisteries, etc., nous trouvons au fond les remises, fort élégantes d’aspect ; puis, à droite, les ateliers de réparation, la forge, les corps de garde, les pompes, les bureaux.
Au-delà en arrière apparaît la spacieuse habitation du directeur, entourée de jardins. Au fond se trouve l’infirmerie, qui se compose d’une file de boxes, dont quelques uns avec leur bain de pieds, douche, pharmacie. Derrière le tout s’étend une grande prairie.
Impossible d’entrer ici dans tous les détails intéressants, d’exposer les innovations, les perfectionnements introduits partout, de signaler les attentions dont la cavalerie a été l’objet. Partout l’eau et l’air sont répandus à profusion. De quelque côté qu’on se tourne, ce ne sont que fontaines et robinets et dès qu’on aperçoit l'établissement, on le voit de loin, dominé par un château d’eau d’une respectable hauteur et par les flèches de centaine de pavillons de ventilation. »
Comme on le voit, un grand soin est apporté à la qualité de vie des chevaux. Il faut voir dans cette approche hygiénique moins une décision humanitaire qu’un choix, essentiellement porté par la nécessité économique d’une gestion rationnelle du « capital » équin. Les grandes écuries de tramways, d’omnibus et de voitures de grands magasins ou d’entreprises étaient des vecteurs potentiels de propagation de maladies, pouvant entraîner de fâcheuses conséquences économiques pour l'entreprise.
Un autre utilisateur massif de chevaux avait également de sérieux problèmes de maintien en bonne santé de son imposant cheptel ; l’armée. Et il n’est pas innocent que, dans l’esprit revanchard de l’époque, l’auteur ne conseille cette organisation aux militaires : « Tous les gens du métier qui ont visité cette installation ont exprimé le regret de ne pas voir pour l’armée installer des écuries dans des conditions aussi parfaites d’espace, de salubrité et de commodité. C’est l’éloge le plus complet que l’on en puisse faire »
Cette optimisation des moyens permit à la CGFT de fournir un service plus économique que les omnibus et voitures de place et de devenir bénéficiaire dès la première année. Le réseau de huit lignes, constitué en 1878, resta stable pendant une douzaine d’années puis bénéficia de prolongements de lignes.
Mais l’utilisation de la traction animale fut questionnée très rapidement.
Dès 1888, la société acheta une « automotrice à vapeur » de l’ingénieur danois Rowan et commença une période d’essai qui aboutit par l’achat de cinq autres machines. Elles furent mises en service, en 1891, sur la ligne Bonneveine-Montredon mais leur exploitation ne donna pas satisfaction et fut abandonnée après seulement trois ans.
Après cet échec, une autre solution fut envisagée avec la mise en place d’automotrices électriques sur la ligne Belsunce-St Louis. La municipalité donna à la CGFT l’autorisation d’électriser tout le réseau, en 1898. Cela marqua la fin du tramway hippomobile et, en 1899, la CGFT commença à liquider les écuries, les chevaux, et à licencier le personnel d’entretien. Trois ans plus tard, l’électrification de la totalité du réseau était effective.
La compagnie ne gardait que quelques équidés dédiés aux matériels d’entretien des lignes électriques.
TEXTE
Patrick Magnaudeix
(Figoli)
Documentation :
Inauguration Tramway de Marseille « Illustration du 5 Février 1876 »
(Collection de l’auteur)
** Bref historique du tramway parisien.
1830: Création, à Baltimore puis, en 1832, à New York, de lignes de tramway hippomobile. Elles sont peu performantes, car les rails en saillant sur la chaussée provoquent des accidents, et sont abandonnées.
1852: Alphonse Loubat, un ingénieur français établi aux Etats Unis, met au point un rail à gorge, c'est-à-dire en creux et ne dépassant pas le niveau de la chaussée Avec ce procédé, l! réhabilite le tramway de Broadway, qui connaît alors un grand succès. Rentré en France, il dépose un brevet sur un rail en « U » permettant d'escamoter complètement le rail dans la chaussée.
1853: Loubat est autorisé à expérimenter une première ligne d'essai de deux kilomètres, à Paris, sur le Cours de la reine.
1854: Mise en service de la ligne, le 21 novembre. Surnommé rapidement "le chemin de fer américain", ce véhicule emporte quarante-huit voyageurs : dix-huit à l'intérieur, vingt-quatre sur l'impériale et six debout sur la plate-forme réservée aux fumeurs. Devant le succès, une concession provisoire lui est attribuée pour la construction de la ligne Vincennes mais il rencontre des difficultés administratives pour sa mise en place.
1855: Haussmann oblige les entreprises gérant les omnibus parisiens (CGO), ainsi que le nouveau tramway, à se regrouper.
1856: La ligne de Loubat est prolongée de l'Alma à la Concorde et exploitée par la CGO.
1857: Création de la troisième ligne Sevres Versailles
1873: Prolongement des lignes existantes et conception d'un projet de réseau de tramway: une ligne circulaire desservirait les quartiers périphériques de Paris et dix lignes radiales relieraient seize communes de banlieue à travers le centre de la capitale.
Ce réseau de onze lignes est, en conséquence, divisé en trois parties : les lignes circulaires et les tronçons parisiens des lignes de banlieue sont concédées à la CGO, le réseau extérieur nord est confié à la Compagnie des Tramways Nord et le réseau extérieur sud est confié à la Compagnie des Tramways Sud.