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"Transmettre" de Julie Wasselin

 

Transmettre

 

 

    "Transmettre"        de Julie Wasselin

 

Sur la piste,un cavalier qui n’a plus grand-chose à prouver se fait oublier.

Semant une poussière d’étoiles à chacune de ses foulées on ne voit qu’un cheval qui danse. On en oublie de respirer.

C’est un moment de grâce d’une beauté douloureuse et insaisissable ; un déchirement pour ceux qui comprennent et qui savent, qu’à eux, cette sublime  communion ne sera jamais réservée.

Dans la tribune, assis, la casquette de travers et les mains croisées sur l’estomac, un éminent professeur d’équitation français cuve un déjeuner trop copieux et trop bien arrosé.

De temps en temps il ouvre un œil et grommelle :

- Cadence… cadence !

Puis, vaguement intéressé, il s’inquiète de savoir qui est ce cavalier.

- Hum…

 

Une fois le travail terminé, l’intéressé s’approche de la tribune :

- Monsieur, voudriez-vous me donner votre sentiment ?

Interdit qu’on ose l’interpeller, le personnage répond :

- Hum… excellente position, mon ami, bien, bien… votre travail est excellent… votre cheval est excellent, oui, absolument, mais… mais il n’est pas rassemblé !

Autant expliquer à un pianiste qui vient de porter Mozart aux nues que son piano de concert est désaccordé… ce qui évidemment n’est pas le cas !

Soufflé, le cavalier se paye alors de culot:

- Et, c’est quoi, pour vous, Monsieur… le rassembler ?

 

Comprenant qu’il s’égare, notre professeur élude la question.

Il commande alors à ce cavalier plusieurs départs au galop du piaffer sur le pied demandé… puis, toujours du piaffer, le saut d’un obstacle de plus en plus élevé.

Quand la barre franchie est à 140, il capitule et en guise de satisfecit laisse tomber de la tribune :

- Je vous invite trois semaines chez moi.

 

L’excellent cavalier ne se rendit jamais au Wahlalla, avec son excellent cheval, ôtant par la même occasion au grand homme la possibilité de raconter d’un air détaché :

-  Ah oui, Untel, c’est moi qui l’ai formé…

 

Quand on ne sait plus transmettre, il faudrait savoir s’en aller.

 

 

 

Julie Wasselin

 

 

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